Hugo Pratt est né à Rimini en Romagne. Lorsqu’il a dix ans, il quitte son Italie natale avec sa mère pour rejoindre son père, militaire en Abyssinie. Passionné de récit d’aventure, Hugo dessine déjà. Lorsque la guerre éclate, il endosse l’uniforme mais les exactions des fascistes lui posent bien vite des cas de conscience…
Quelques mois plus tard, après avoir été contraint de s’engager dans la police maritime allemande avant déserter et d’intégrer la VIIIe armée britannique et de participer à la libération de Venise le 26 avril 1944. Après-guerre, le jeune Hugo rêve d’Amérique et tente d’embarquer comme passager clandestin…
Hugo Pratt a indéniablement marqué le neuvième art de son empreinte en donnant vie au personnage emblématique qu’est Corto Maletese, héros solitaire, individualiste et gentilhomme de fortune désinvolte et généreux…
La découverte de sa
Ballade en Mer Salée a été pour moi une claque magistrale. Prêté à l’époque par un ami (merci Totoff) dans son édition de poche qui ne rendait pourtant pas justice au formidable travail graphique de l’auteur, je me souviens avoir voulu lire quelques pages en rentrant de soirée et d’avoir achevé le livre d’une traite alors que l’aube pointait le bout de son nez tant l’aventure, ancrée dans un contexte historique précis mais méconnu, était entraînante et le personnage de Corto absolument fascinant…
Dans cet album de Bepi Vigna et Mauro De Luca, les auteurs reviennent sur la jeunesse d’Hugo Pratt qui fut tumultueuse et aventureuse, comme l’est celle des héros de papier auxquels il a prêté vie. Dans la préface de l’album, le scénariste revient sur cet écrivain et dessinateur et s’efforce, dans la suite de l’album, d’en dresser un portrait à partir d’éléments empruntés à différents entretiens donné par Pratt, nonobstant le fait que ce dernier s’amusait avec malice à modifier le récit de sa vie, tissant de multiples récits qui se contredisaient l’un l’autre. Sans doute existe-t-il entre ces différentes histoires une part de vérité… Mais qu’importe à dire vrai ! comme le souligne l’écrivain lui-même, laquelle de nos vie, réelle ou rêvée, est la plus véridique ?
Qui d’autre qu’un aquarelliste pour mettre en image la vie de ce personnage haut en couleur qu’est Hugo Pratt ? Et les subtiles aquarelles de Mauro De Luca qui mette en image l’enfance du dessinateur jusqu’à son départ pour l’Argentine, sont indéniablement de toute beauté. La structure de ce (trop) court récit est en elle-même un hommage au maître de la BD italienne puisqu’elle s’ouvre et se referme sur les planches d’un l’album, faisant de Pratt le héros de BD qu’il aurait sans doute aimé être… et qu’il a par ailleurs été sous la plume et les crayons sensuels de son ami et fils spirituel, Milo Manara.
Pourtant, la partie la plus intéressante est sans nul doute celle consacrée à la genèse de Corto Maltese qui nous entraîne, sous les plumes alertes de Paola Ivaldi, Claudio Dell’Orso ou Ferruccio Giromini, dans les coulisses de la naissance de ce héros charismatique et iconoclaste.
L’album se referme sur les de superbes illustrations et couvertures originales du Sgt Kirk, revue emblématique qui révéla le formidable talent de conteur et de dessinateur d’Hugo Pratt…
Si Hugo Pratt fait partie des monuments du neuvième art avec une œuvre ayant durablement marqué des générations de lecteurs et d’auteurs, sa vie est à peine moins aventureuse que celle de Corto Maltese, son héros emblématique tout à la fois charismatique, et désinvolte, individualiste et généreux.
Ce n’est pas la première fois que la jeunesse de Pratt inspire des auteurs du neuvième art, témoin la trilogie que lui a consacré Paolo Cossi (Hugo Pratt, un gentilhomme de Fortune, édition Vertige Graphic) ou les fascinants voyages de HP Giuseppe Bergman de Milo Manara… Si cette Ballade d’Hugo, Hugo Pratt, une vie d’aventures contient une part de vérité, il elle se trouve à mi-chemin entre la vie d’Hugo Pratt et sa vie rêvée, estompant avec malice la frontière entre songe et réalité, comme se plaisait à le faire Pratt lui-même. Malgré les somptueuses aquarelles de Mauro De Luca et le récit de Bepi Vigna inspiré des entretiens du maître italien de la BD, la partie la plus intéressante est indéniablement celle revenant sur la genèse de Corto Maltese.
Les amateurs de l’œuvre monumentale d’Hugo Pratt (Corto Maltese bien sûr mais aussi les Scorpions du Desert, Jesuit Joe, Fort Wheeling, Un été indien… pour ne citer qu’eux !) seront indéniablement séduit par cet album qui plus est doté d’une couverture somptueuse…
Quelqu’un m’a dit un jour qu’on a tous deux vies… Celle qu’on considère réelle… et celle qui appartient au monde des rêves… Celle qu’on voudrait vraiment vivre. En fin de compte, c’est peut-être cette dernière la plus authentique.Hugo Pratt