Tokyo, septembre 2001. Alors qu’à New-York la seconde tour du World Trade Center s’effondre dans un fracas assourdissant, le journaliste Takeshi Noda traverse une crise existentielle. Récemment séparé de sa compagne, il se retrouve seul et sans le sous et accepte sans rechigner une proposition de reportage à Wagu, dans la Baie d'Ago pour raconter le quotidien d’une communauté de amas, des pêcheuse de perle en apnée.

Avec un stagiaire photographe, Takeshi découvre des femmes attachantes qui lui parlent, à travers des anecdotes émaillant leur quotidien, de leur métier séculaire plein de petits bonheurs et de dangers : méduses, murènes et les requins, les braconniers, les yakuzas et les chasseurs de trésors…

A leur contact, le journaliste va peu à peu sortir de sa léthargie et reprendre sa vie en main… Mais au Japon, la frontière entre traditions, croyances et légendes est parfois ténue et conte et réalité peuvent se confondre et s’entremêler de façon inextricable.

Révélé au grand public par son travail sur LastMan Stories, cosigné avec Bastien Vivés, Alexis Bacci Leveillé nous entraîne avec Dérives dans un récit plus intimiste remarquablement bien écrit et incroyablement déstabilisant.

Le récit démarre comme un reportage réalisé par un journaliste chamboulé par sa récente séparation. Son voyage et sa rencontre avec cette poignée de femme perpétuant une tradition pluriséculaire sont particulièrement bien rendus tant l’auteur parvient à retranscrire avec une justesse désarmante tant leur complicité que le lien qui se tisse entre elles et Takeshi Noda. Au fil de leur discussion, la glace se brise peu à peu et le journaliste peut mener son entretien, invitant les amas à lui parler de leur métier et à lui confier l’une ou l’autre anecdotes survenues au cours de leur longue carrière de pêcheuse et dont chacune s’avère tour à tour passionnante ou fascinante… tel ce navire coulé avec dans ses entrailles des tonnes d’or ayant appartenu aux nazis et à l’empire japonais, un or que l’on dit maudit… Et le récit est mené avec tant de finesse et de subtilité que le lecteur en ressort persuadé qu’il l’est réellement.

Ces échanges avec les pêcheuses de perles sont émaillées d’anecdotes de voyage, de rencontres ou de scènes oniriques qui contribue à dépayser le journaliste et lui faire accepter le dernier des récits dont il va se persuader, et persuader le lecteur par la même occasion, qu’il possède une composante de fantastique…

Le dessin si particulier de Alexis Bacci Leveillé et sa mise en couleur iconoclaste baignant le récit d’une lumière parfois irréelle pourront un temps déstabiliser le lecteur… mais histoire et dessin se répondent tant et si bien qu’on ne peut rapidement plus les dissocier. Son trait expressif et envoûtant nous fait accepter avec une facilité désarmante les étranges digressions et les songes tourmentés, de même que cette lente dérive vers le fantastique dont l’acceptation explique de façon presque cohérente le déroulé des étranges évènements survenus dans la baie il y a quelques décennies.

Révélé au grand public avec LastMan Stories, Alexis Bacci Leveillé signe avec Dérives un récit intimiste aussi envoûtant que déstabilisant.

On y suit un journaliste encore chamboulé par une rupture récente parti dans la baie d'Ago pour faire un reportage sur une communauté d’amas, pêcheuse de perle en apnée. Durant son séjour, ces dernières leur parleront de leur métier en voie de disparition et lui confieront plusieurs anecdotes édifiantes et fascinantes, alors que le récit, après quelques digressions et incursion dans le monde des rêves, dérivera de façon impromptue vers le fantastique, seul à même d’expliquer les étranges évènements survenus dans la baie il y a quelques années…

Le dessin expressif de l’artiste et sa lumière parfois irréelles déstabiliseront peut-être un temps certains lecteur mais l’album s’avère particulièrement convaincant et ce récit, à la lisière du conte et de la réalité, les hanteront encore longtemps après avoir refermé le livre…

- Alors comme ça, votre journal vous envoie faire un reportage sur nous ?
- Oui. Les jeunes, surtout en ville, ne connaissent pas bien les métiers comme le vôtre.
- C’est normal. D’autant que notre métier disparaît. C’est très dur d’être une ama. Les jeunes préfèrent s’amuser, et ils ont bien raison. Il faut profiter tant qu’on peut. Et autant qu’on peut. Ça passe vite, la vie, ha ha. D’ailleurs, nous ne sommes plus beaucoup.dialogue entre une ama et Takeshi Noda