Voilà des semaines déjà que la pluie tombe, sans discontinuer, sur le royaume, noyant les campagne, transformant les champs en vastes marécages et hypothéquant les futures récoltes…
Le fatalisme laisse la place au désespoir et le désespoir à la colère : que fait le roi ? Pourquoi ne demande-t-il pas à Stratus, son oiseau qui possède le don de faire la pluie comme le beau temps, de faire cesser ses intempéries ? La raison en est simple : bien qu’en bonne santé, l’oiseau semble moins enjoué qu’à l’accoutumé, malgré l’orchestre engagé pour l’inciter à jouer… Il n’a plus le cœur à chanter, ce qui est bien ennuyeux puisque c’est justement son chant qui influe le climat… Après avoir fouillé de fond en comble son laboratoire et compulsé maints grimoires poussiéreux, le mage confie au roi qu’une graine d’origolmoravignol qui plonge ceux qui l’ingurgitent dans un état d’euphorie délirant, pourrait venir à bout du mutisme de l’oiseau… Mais s’il est persuadé qu’une de ces graines se trouvent dans son laboratoire, lui et son assistant sont bien en peine de savoir où… Et missionner quelqu’un pour se rendre sur l’île maudite d’Epériolo où pousse la graine serait des plus hasardeux… Abandonnons-les donc à leurs recherches pour retrouver nos deux compères…
Car, après avoir été mêlés presque par hasard au sinistre complot visant à destituer notre bien-aimé monarque, Tracnar et Faribol vont, un peu malgré eux, se retrouver contraints d’aller sur la fameuse île pour y quérir le remède qui pourrait, hypothétiquement, sortir l’oiseau de sa léthargie… Comme il se doit, rien ne se passera vraiment comme prévu…
Ce n’est pas sans plaisir que nous retrouvons nos deux vils compères dans cette nouvelle histoire se déroulant dans ces contrées imaginaires et néanmoins légendaires teinté d’une touche de fantastique. Car Tracnar et Faribol s’inscrit dans l’esprit des beaux contes d’antan tout en revendiquant la filiation avec le Roman de Renart en faisant de Tracnar un parent d’Ysengrin. Les deux larrons rentrent dans l’histoire par la petite porte, presque par hasard… Faribol serait sans doute encore dans son terrier si ce dernier n’avait été inondé… alors que Tracnar se retrouve mêlé à l’histoire quand, pensant détrousser un riche bourgeois, il se retrouve à attaquer le vil Atakétu, perfide comploteur qui rêve de ceindre la couronne royale et complote en coulisses pour y parvenir. Les voilà donc partis, à bord d’un frêle esquif, vers une île maudite au prime abord accueillante mais qui recèle mille et un danger… à commencer par un crocodile affamé mais friand de certaines victuailles…
Le scénario de ce second opus s’avère tout à la fois léger et rafraîchissant, offrant au lecteur bien des scènes cocasses ou délicieusement burlesque, le tout porté par des dialogues truculents plein vie et de mordant…
Un fois encore, le formidable dessin de Benoît de Peloux est une petite merveille de beauté et d’inventivité. Ses personnages anthropomorphiques s’avèrent follement expressifs et la façon dont l’auteur mêle des éléments médiévaux à des motifs de contes intemporels s’avèrent une fois encore redoutablement efficace. Subtilement encrées, ses cases s’avèrent tout aussi joliment composées. Le duel entre Tracnar et Atakétu est mis en image avec virtuosité et les scènes plus exotiques du voyage entreprit par nos deux canailles s’avèrent délicieusement dépaysantes. Il faut dire que l’auteur, féru d’animaux, parvient à conférer à chacun de ses personnages des attitudes et des expressions à mi-chemin entre l’homme et la bête… Mais, par-dessus tout, ce sont ses somptueuses aquarelles qui forcent l’admiration et le découpage ciselé de l’album lui donne la place nécessaire pour exprimer son saisissant talent… Si la narration est fluide, il faudra une seconde lecture pour apprécier toutes les nuances de ses pinceaux et la délicatesse de son travail… Cerise sur le gâteau, l’album est rehaussé par un cahier graphique dans lequel l’artiste revient sur l’élaboration de l’apparence de plusieurs personnages, des commentaires de l’auteur venant compléter ses superbes esquisses, tantôt crayonnées tantôt aquarellées…
Oyez ! Oyez ! Gentes dames et gentes damoiseaux ! Ouvrez grand vos esgourdes pour écouter une histoire aussi féérique qu’exotique mettant en scène deux sympathiques canailles…
Il n’y a pas que sur Terre que le climat se dérègle ! Cela arrive aussi dans les Contrées Légendaires, surtout quand Stratus, l’oiseau magique du roi, se retrouve dans l’incapacité d’arrêter la pluie qu’il a lui-même fait tomber pour mettre un terme à la sécheresse ! Menaçant les récoltes à venir, cette plus diluvienne fait bien des mécontents… Les esprits commencent sérieusement à s’échauffer et certains vont chercher à utiliser la révolte qui gronde pour ravir couronne et pouvoir au roi ! Heureusement, nos deux compères que sont Tracnar et Faribol vont entrer dans la danse, non par altruisme, vous les connaissez, mais parce qu’on leur a fait miroiter quelques récompenses sonnantes et trébuchantes ! Qu’ils ne toucheront sans doute jamais !
Assisté de ses pinceaux féériques, Benoît du Peloux reprend ses délicieux et truculents Vagabondages en Contrées Légendaires. Pour l’occasion, la série change de nom, endossant celles de nos deux héros malgré eux : Tracnar et Faribole… mais qu’importe, puisque la magie opère toujours et que le plaisir est au rendez-vous ! Déluge, vils complots, graine euphorisante, trahisons, somptueuses aquarelles et dialogues truculents sont au programme de ce récit anthropomorphique incroyablement rafraîchissant qui s’inscrit dans la droite ligne du Roman de Renart…
-Halte-là, bourgeois ! Quelques piécettes dans le fond de ta bourse pour un pauvre hère qui n’a plus le sou vaillant ?... Je te quête juste une aumône, quelques liards pour manger.
- C’est prendre bien des risques pour un si piètre butin. Je refuse, question de principe ! Je n’ai pas coutume de céder aux crèves la faim ! En garde !
- C’est pas bien sensé de se navrer pour si peu.dialogue entre Tracnar et Atakétu
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