Après nous avoir raconté les années d’apprentissages qui ont vu le jeune noble idéaliste Hyacinthe de Cavallère se transformer en justicier masqué et désabusé, ce dernier a trouvé refuge dans le château familial après avoir été considéré, plus ou moins à tort, comme responsable de l’écroulement de la ville d’Antipolis…

Reprenant le château de son défunt père, Hyacinthe de Cavallère a fort à faire pour repousser avec une poignée de monstres les aventuriers sans cesse plus nombreux venus piller les richesses réelles ou supposées de son donjon…

Conscient qu’il faut étoffer sa petite troupe, il envoie Lothar engager Marvin, un adorable mais dangereux dragon guerrier bipède dont on apprendra qu’il est soumis à moult interdits religieux parfois bien gênants. Mais sa mère, n’ayant pas fini son cursus de formation et ne sachant pas encore lire, élément d’importance chez les dragons, sa mère n’est pas prête à le laisser partir. Qu’importe ! Marvin va fuguer pour suivre Lothar au château de Cavallère pour vivre l’aventure, la vraie…

C’est peu après que Hyacinthe apprend que les duchés rivaux de Clérembard et de Vaucanson ont fait alliance pour se partager le conté de Cavallère et que leurs armées marchent sur l’ancestral château…

Avec une numérotation à faire frémir d’angoisse tout développeur web et des spin-off par dizaines venant enrichir et compléter une série tentaculaire et déjantée, Donjon occupe une place à part dans l’univers de la BD… Créé par deux artistes aussi géniaux que prolifiques, j’ai nommé Lewis Trondheim et Joann Sfar, scénaristes, dessinateurs et rôlistes aussi vétérans que chevronnés, cette série formidablement addictive, qui devrait au final et aux dires des auteurs comporter plus de trois cent tomes, nous narre les aventures d’une poignée de monstres qui vont monter, développer, protéger et voir décliner l’un de ces donjons qui ont fait la gloire de Donjon & Dragon, le tout sur un mode délicieusement parodique qui nous montre l’envers du décor, les coulisses de ces édifices truffés de monstres, de pièges et de trésors à même de faire pâlir d’envie tout aventurier digne de ce nom (ça y est, vous pouvez reprendre votre respiration, la phrase est terminée). Ajoutons néanmoins que si chaque album propose un récit auto-conclusif, il s’intègre dans une trame vertigineuse où chaque élément est plus ou moins en place, formant un tout assez jubilatoire…

Treize ans après le dernier tome de cette série dérivée, ce tome 82e tome avant l’an 0 du donjon met en scène un Hyacinthe désabusé et autoritaire qui tente tant bien que mal de préserver l’héritage familial contre ces hordes d’aventuriers avides de gloire, de fortune et de renommé… Dans ce nouvel opus de Donjon Potrominet on voit avec un plaisir jubilatoire les éléments constitutifs du Donjon se mettre en place, à commencer par ces nouvelles recrues venant étoffer la petite équipe… On se laisse gagner par le rythme soutenu du récit, l’humour irrésistiblement iconoclaste du duo de scénaristes et leurs improbables personnages totalement barrés, tel ce mystérieux tueur de lapins… La ruse de Hyacinthe de Cavallère pour recruter de nouveaux combattants pour défendre son donjon s’avère tout aussi cynique que machiavélique et portera ses fruits après bien des tours et détours scénaristiques... Cet album n’a au final qu’un seul défaut : il fait mal aux côtes à force de rire des situations ubuesques et loufoques dans lesquelles les auteurs fourrent leurs personnages avec un plaisir aussi évident que communicatif…

Christophe Gaultier passe à Stéphane Oiry le flambeau que lui avait remis Christophe Blain pour présider au destin de Hyacinthe, futur Maître du Donjon, et de ses joyeux sbires… Alors que les couleurs de Walter assure une certaine unité graphique à la série, le dessinateur de Maggy Garrisson modifie radicalement son style pour un trait nerveux et dynamique qui sied à ce récit d’heroic-fantasy irrésistiblement parodique tout en imprimant sa patte à l’univers.

Donjon est à l’heroic-fantasy et au JdR ce que Kaamelott est au mythe arthurien : loufoque, azimuté et jubilatoire.

Moins sombre que les tomes précédents qui ont vu la chute (littéralement) de la cité d’Antipolis, Survivre aujourd’hui nous montre comment Hyacinthe de Cavallère va reprendre en main le château familial et tenter de l’équiper pour résister aux bandes d’aventuriers sans scrupules désireux de s’accaparer sont trésor… La situation est d’autant plus inquiétante que les duchés de Clérembard et de Vaucanson se sont alliés pour se partager ses terres et que leur armée marchent sur son château…

Porté par un comique de situation parfaitement maîtrisé, des personnages totalement barrés et un dessin sombre, épuré mais follement expressif, on n’attendait plus ce nouvel opus de Donjon Potron-Minet, treize ans après la sortie du précédent… Mais, franchement, quel pied !

- Hé ! Je suis votre garde du corps, je voudrais une bière.
- On sert pas les enfants.
- Enfant, c’est une insulte ?
- Non.
- RRRHAdialogue entre Marvin et un aubergiste