Les tueurs en série évoluent dans les zones obscures de nos sociétés et certains d’entre eux ont inspirés scénaristes, cinéastes et romanciers pour tisser des films glaçants et dérangeants… Bien qu’il ait servi de modèle aux tueurs de
Psychose d’Alfred Hitchcock, de
Massacre à la Tronçonneuse de Tobe Hooper ou du
Silence des Agneaux de Jonathan Demme, le nom d’Ed Gein est méconnu de part chez nous mais exerce depuis des années une fascination malsaine, perverse et macabre sur l’Amérique…
C’est donc à cet inquiétant schizophrène que Harold Schechter et Eric Powell, l’incroyable auteur de
The Goon, se propose de consacrer un album, véritable autopsie d’un tueur en série, voleur de cadavre, collectionneur d’organes humains et, sans doute, nécrophile et fratricide, qui a sévit aux Etats-Unis au milieu du XIXe siècle… Ils nous invitent à une plongée en immersion suffocante dans la vie de cet homme et, par là-même, nous attire dans l’antre de la folie. On découvre l’enfance tourmenté d’Ed Gein qui dut subir les violences physiques d’un père alcoolique, la cruauté psychologique d’une mère, Augusta Gein, religieuse fanatique totalement folle par le prisme de qui il découvrit le monde, à commencer par les femmes, perverses et immorales par nature, selon elle. Sans compter les moqueries répétées et les brimades des jeunes de son âge qu’il eut à subir…
Sans doute faut-il chercher dans sa relation fusionnelle avec sa mère la psychologie schizophrénique d’Ed Gein : une part aimait et vénérait sa mère, une autre la détestait viscéralement. La mort de sa génitrice (peut-on seulement parler de mère ?) a fait sauter les verrous et fait de lui le monstre que l’on sait, avec deux personnalités qui s’alternaient. On comprend dès lors qu’il était décrit comme un homme simplet et serviable alors qu’il était capable de commettre des actes absolument révulsants.
Basées sur une solide documentation ayant sans doute nécessité de se plonger dans les archives et documents d’époques, l’histoire s’avère particulièrement dérangeante et malsaine de la première à la dernière page. Et, particulièrement bien pensé, le montage et le découpage en chapitre rythmés par les gros titres des journaux, accentuent avec force cette ambiance glauque, annonçant les horreurs à venir… Mais c’est à partir de la découverte de l’antre du tueur que le récit bascule jusqu’à donner la nausée, avec certaines scènes particulièrement insoutenables, non par la dureté de ce qui est montré, mais par l’horreur qu’elles suggèrent.
Les scènes d’interrogatoire du tueur s’avèrent particulièrement déstabilisante et oppressante grâce à l’incroyable travail d’Eric Powell. Son trait réaliste campe des personnages particulièrement crédibles et sa façon de mettre en scène Ed Gein impressionne par sa capacité à faire ressortir par son dessin ses deux personnalités, celle de l’agneau docile ployant sous le joug de sa mère et subissant brimades et humiliations, et celle du tueur à l’esprit dérangé et à la personnalité tortueuse…
Le travail de recherche de Harold Schechter et la structure savamment étudié de son scénario nous entraîne dans l’antre de la folie à la suite d’Edward Theodore Gein, tueur en série et voleur de cadavre qui a servi de matrice à Alfred Hitchcock, Tobe Hooper et Jonathan Demme pour leurs tueurs dans Psychose, Massacre à la Tronçonneuse ou le Silence des Agneaux…
Avec Ed Gein autopsie d'un tueur en série, le lecteur découvre l’enfance tourmentée du jeune Edward Gein, tiraillé entre un père alcoolique et violent et une mère religieuse fanatique qui va le priver avec méthode de tous les petits bonheurs de l’enfance, lui interdisant d’avoir des amis, jugés trop pervers par sa mère, ou d’espérer une relation avec une femme, jugées comme des créatures perverses et immorales. Adorant sa génitrice tout en la haïssant viscéralement, la psychée d’Ed explose et se scinde en deux êtres opposés à la disparition de cette dernière : l’agneau docile et serviable d’une part et le tueur à l’esprit dérangé d’autre part.
Eric Powell, auteur de l’incontournable The Goon, fait un travail graphique remarquable en faisant ressortir avec subtilité les deux personnalités du tueur. Les séquances d’interrogatoires sont mises en scène avec une redoutable et insoutenable efficacité alors que la découverte de l’antre du tueur nous fait entrevoir l’horreur inimaginable qu’ont dû subir les enquêteurs…
Nous entraînant sur les territoires glauques et profondément malsains de l’âme humaine, l’album hantera durablement le lecteur… On n’en sort clairement pas indemne de ce voyage suffoquant au cœur des ténèbres…
Immonde gamin inconscient, seule une mère serait capable de t’aimerAugusta Gein, mère du tueur