La vie de Leïla est rythmée par le ronron quotidien entre son travail comme guide dans un aquarium et Adrien, son compagnon. Elle sent confusément que quelque chose ne va pas, que quelque chose l’empêche d’avancer et que, sans être malheureuse, elle n’est pas heureuse...

L’effondrement de l’échafaudage de son immeuble en rénovation allait être l’intersigne d’un grand bouleversement à venir et qui allait la conduire en Bretagne sur les traces de son enfance et d’un secret douloureux que son inconscient avait bien enfoui au fond de sa psyché…

Mais, comme un corps plongé dans un liquide subit une poussée verticale de bas en haut, le passé allait refaire surface et aider Leïla à écouter ses envies et bâtir un futur de militantisme et d’engagement pour la sauvegarde de la mer et des baleines…

Sur le chemin sinueux de la vie, il est de ces moments où l’on se sent comme un poisson en dehors de son bocal… Deux solutions s’offrent alors à nous : tenter de regagner l’aquarium pour poursuivre une vie qui ne nous convient plus… ou profiter de l’occasion pour oser tenter de construire une chrysalide, en aveugle, ignorant tout du genre de papillon qui en sortira…

Dans cet album, l’héroïne est confrontée à ce choix. Elle sent confusément qu’elle n’est pas heureuse mais ne parvient pas à comprendre et isolé les origines de son mal-être… Bien que vivant en couple, elle ne cesse de croiser un jeune homme qui l’attire imperceptiblement… Tantôt sauveur impromptu, tantôt nettoyeur d’aquarium, facteur ou confident… Existe-t-il même seulement ou n’est-il que le fruit de son imagination ou un reflet de son passé enfoui ? Gwénola Morizur, scénariste de Montagnes Russes, récit poignant et intimiste bouleversant de justesse mis en image par Camille Benyamina, nous livre une nouvelle histoire sensible et délicate pleine de poésie et de tendresse, à la lisière du rêve et du fantastique, qui nous rappelle que s’ouvrir aux beautés du monde, c’est s’accepter et accepter d’écouter ses désirs et oser « tenter les métamorphoses » (Temps à Nouveau, Jean-Louis Auber)…

Dessinatrice du Fantôme de Canterville, délicieuse adaptation du roman d’Oscar Wilde, Elléa Bird nous livre un dessin au diapason de l’atmosphère si particulière qui baigne cet album. Son trait épuré fait la part belle aux émotions ressenties par l’héroïne. Ses crayons délicats nous donnent à ressentir ses doutes et ses questionnements, à comprendre son sentiment diffus de mal-être qui va la pousser à monter en haut de cette falaise, à abandonner ce qui faisait son quotidien pour oser se jeter à l’eau. La mer, qui prend de plus en plus d’importance dans l’histoire, est mise en image avec inventivité, avec l’incursion de poissons éthérés qui s’immiscent dans les planches de l’album, distillant avec finesse une note poétique…

Le trait poétique et épuré de Elléa Bird met joliment en image cette histoire aux consonances écologiques signée par Gwénola Morizur, scénariste des Montagnes Russes et de Nos Embellies.

Avec se jeter à l’eau, les deux autrices nous livrent un récit sensible et délicat mettant en scène une jeune femme qui sent confusément que sa vie n’est pas celle qu’elle attendait… Une succession d’évènements en apparences anodins allaient la pousser à retourner en Bretagne où elle a passé son enfance et où dort un secret ancien, bien enfoui au fond d’elle…

A travers l’histoire simple de cette jeune femme, l’album interroge sur la difficulté de trouver sa place dans notre société et dans notre petit monde…

- Encore un crabe ?
- J’irai le rejeter dans la mer.
- Et tu crois qu’il survivra ?
- Au moins, il aura gouté à la liberté…
- Sérieux, Leïla ?dialogue entre Adrien et Leïla