J’avoue que d’aller voir le dernier film de Michel Hazanavicius avait quelque chose de particulièrement réjouissant, surtout en cette période troublée qui n’en finit pas de s’étirer… Et le nom des acteurs figurant au générique (pensez donc : Romain Duris, Bérénice Bejo, Grégory Gadebois, Finnegan Oldfield, Matilda Lutz, Sébastien Chassagne...) ne faisait qu’aiguiser mon envie de me rendre sans tarder dans une salle obscure…
Pourtant, dès les premières minutes, un sentiment de gêne diffus s’installe et ce durablement… Les acteurs oscillent entre le surjeu et le grand n’importe quoi avec des tirades décalées semblant totalement improvisées; le scénario n’est pas crédible pour un sous pour un sous; le nom des personnages franchement ridicule et la mise en scène totalement vintage, détournant de façon particulièrement maladroite les cliches des films de zombies pour accoucher d’un nanar de série Z, mais juste parce qu’après Z, il n’y a plus de lettres, sinon nous aurions pu descendre bien plus loin encore dans les profondeurs abyssales de l’alphabet… Bref, on se demande franchement ce qu’on fait là et ce qu’a pu consommer Hazanavicius avant d’écrire et de tourner ce films catastrophique dont le scénario tiendrait sur un demi ticket de métro (de vrais zombies s’invitent à un tournage de film de zombies), à la mise en scène poussive mais osée (un seul plan séquence façon Victoria de Sebastian Schipper et l'Arche Russe d’Aleksandr Sokourov) et aux acteurs étrangement aux abonnés absents…
Et d’un coup, après une demi-heure de rire jaunes et pathétiques, le film amorce un long flashback qui nous entraîne plusieurs semaines avant le début du tournage du court métrage navrant que nous venons de visionner, à notre corps défendant… Et là, on retrouve tout le génie d’Hazanavicius qui va nous entraîner dans les coulisses d’un nanar annoncé… La suite du film est clairement jubilatoire puisqu’au fil des séquences, alors que la date fatidique du tournage se rapproche, on comprend tous les ratés du film que l’on vient de visionner, toutes les hésitations des acteurs, les trucs totalement improbables et incongrus trouvant même une explication parfaitement rationnelle ! Les pièces s’assemblent peu à peu, façon puzzle, et l’ensemble devient absolument irrésistible lorsque le spectateur se retrouve à assister depuis les coulisses au tournage du film totalement raté de la première demi-heure… Et j’avoue qu’il y avait bien longtemps que je n’avais autant rit au cinéma…
A l’image des bonbons Kiss Cool, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, Coupez !, le nouveau long-métrage de Michel Hazanavicius est un film à double détente…
La première demi-heure nous montre un nanar navrant, un film à (très) petit budget (mal) tourné en un seul plan séquence et porté par des acteurs pathétiques qui semblent improviser leur texte sans grande conviction quand ils ne surjouent pas à l’excès… La suite du film, absolument irrésistible, jubilatoire et totalement barrée, nous entraîne dans les coulisses de ce nanar navrant et le spectateur va comprendre, pièce par pièce, comment on en est arrivé à un tel désastre…
Si la longue amorce du film vous laissera dubitatif et quelque peu gêné (n’avais-je pas autre chose à faire que de perdre deux heures de mon temps ?) devant la réalisation lamentable et le jeu d’acteur inexistant, la suite vous fera passer un très agréable moment…
Coupez ! est indéniablement un bon et un grand Hazanavicius, chaudement recommandé en cette période un brin morose que nous ne finissons plus de traverser !