Alors qu’il enquêtait sur la mort d’un SDF tué par une bande de gosses à la dérive, le commandant Martin Servaz se voit confier la plus étrange affaire de sa carrière : dans une vallée encaissée des Pyrénées, les ouvriers d’une centrale hydroélectrique découvrent le corps décapité d’un cheval suspendu à l’arrivée d’un téléphérique conduisant à une centrale hydroélectrique… Le pur-sang appartient au milliardaire philanthrope Eric Lombard… Si l’interrogatoire des ouvriers ayant découvert le cadavre ne donne pas grand-chose, ceux des agents de sécurité semblent trop concordants pour être parfaitement honnêtes…

Le lendemain, c’est le corps de Gilles Grimm, le pharmacien de Saint-Martin qui est retrouvé mort, pendu, après une lente et douloureuse agonie… Dans la cabine du téléphérique, on retrouve l’ADN de Julian Hirtmann, ancien magistrat accusé du meurtre de plusieurs femmes en Suisse, en Haute-Savoie et en Italie… Mais l’homme est interné à l’Institut Wargnier, asile bénéficiant de mesure de sécurité telles qu’il est impensable qu’il ait pu en sortir et y rentrer sans se faire repérer…

Menée en collaboration avec la capitaine de gendarmerie Irène Ziegler, l’enquête, s’annonce particulièrement complexe et tortueuse et il apparaît bien vite qu’elle semble prendre racine dans de tragiques évènements qui ont secoué la région il y a de cela plusieurs années…

Philippe Thirault s’empare du premier roman policier de Bernard Minier pour signer un scénario nerveux et angoissant qui nous au cœur des Pyrénées, dans une vallée isolée et encaissée…

Comme bien souvent, la force de ce polar réside dans la personnalité du principal enquêteur, Martin Servaz en l’occurrence… Son histoire n’est ici que peu abordée mais l’amorce du récit le montre enquêtant sur une enquête sordide mais banale, avant qu’il ne soit appelé sur l’affaire dont il est question dans l’album. Il porte sur le monde un regard cynique et désabusé. Père d’une ado rebelle adepte des tatouages et du piercing, il est passionné par l’œuvre de Gustav Mahler, compositeur romantique autrichien, et s’avère être un enquêteur intuitif et acharné qui ne laisse rien passer… La relation étrange qu’il va nouer l’un des plus redoutables prédateurs, qui n’est par ailleurs pas sans rappeler l’Hannibal Lecter de Thomas Harris par sa culture et son intelligence qui contrastent avec l’horreur de ses crimes, s’avère particulièrement dérangeante et l’on ne peut qu’espérer que le scénariste travaille à l’adaptation des autres romans les mettant en scène pour développer plus avant ce lien malsain qui les unit.

La structure du scénario s’avère aussi solide qu’efficace, avec ce court prologue qui précède le récit et l’enquête proprement dite qui n’est qu’un long flashback tortueux et alambiqué…

Le travail de Mig au dessin comme à la couleur s’avère remarquable et distille cette ambiance délicieusement oppressante qui rend la lecture de l’album si entraînante, induisant cette dimension de page-turner qui est la marque des grands thrillers. Un découpage bougrement efficace, des cadrages ciselés et le soin apporté au casting et au jeu d’acteurs, fussent-ils de papier, sont indubitablement l’une des grandes forces de Glacé, un polar glaçant qui donne à plus d’un titre la chair de poule…

S’emparant du premier roman policier de Bernard Minier, Philippe Thirault et Mig en signent une adaptation fidèle et virtuose…

Porté par la personnalité atypique de Martin Servaz, commandant de police judiciaire solitaire et misanthrope et une ambiance oppressante et glaçante, cette enquête ciselée nous entraîne dans une vallée isolée et encaissées des Pyrénnées et dans méandres tortueux et tourmentés de l’âme humaine, sur un air de Mahler…

Le dessin de Mig et sa colorisation impeccable sont au diapason de l’intrigue, distillant avec efficacité cette atmosphère glaçante et inquiétante qui infuse le roman originel… Glacé est au final un polar nerveux et bougrement efficace qui devrait ravir les amateurs du genre…

Bon, c’est le moment de mettre une musique en accord avec ce décor. Quelque chose plein d’angoisse et de fièvre. La cinquième de Mahler.Martin Servaz