1793. Francisco de Goya, que tous pensent au sommet de son art est âgé d’à peine de quarante-six ans. Il souffre d’une affliction inconnue qui le cloue au lit avant de le priver de son ouïe. Affaibli par les fièvres et les migraines qui l’accablent, il est victime d’hallucinations et de visions morbides et terrifiantes… Les monstruosités qu’il aperçoit sont-elles réelles ou issue de son imagination ?

Au fil des jours, il se croit persécuté par des créatures cauchemardesques, tout comme prétend l’être son amie et confidente, la duchesse d’Alba, Grande d’Espagne avec qui il entretiendra une relation ambigüe… Ces visions fantasmagoriques conduiront le peintre aux portes de la folie…

Préfigurant le romantisme par son audace et son inventivité, Francisco Goya marqua l’histoire de la peinture en s’éloignant d’une pratique académique et néoclassique de la peinture qu’il maîtrisait pourtant à merveille. Son compatriote, El Torres, par ailleurs scénariste du fantôme de Gaudí, s’intéresse à une zone sombre de la vie de l’artiste, celle qui suivi la maladie qui le priva de l’audition et fut semble-t-il à l’origine de ses toiles les plus fascinantes et de son désintérêt grandissant pour ses obligations de maître de peinture à l'Académie Royale des Beaux Arts qui bridait sa créativité.

Entre cauchemar, fiction et véracité historique, El Torres va tisser un récit fantasmatique surprenant et dérangeant qui, en estompant les frontières entre histoire et fiction, nous entraîne dans l’antre de la folie… Dans le sillage d’un Goya en proie à la maladie, le lecteur va voir la réalité se distordre pour laisser place à des visions cauchemardesques où il reconnaîtra certaines des compositions les plus sombres et les plus connues du maître espagnol. On a tous en mémoire son saisissant Sabbat des sorcières peint en 1798 et conservé au Musée Lázaro Galdiano de Madrid ou le terrifiant Saturne dévorant un de ses fils peint entre 1819 et 1823 sur les murs de la Quinta del Sordo dont la vision poursuit longtemps après ceux qui se sont perdu dans les ténèbres dansantes et vertigineuses qui aspirent l’œil du spectateur…

un dessin somptueux et dérangeant

Superbement composée, la couverture de l’album est de toute beauté, montrant un Goya à la fois terrifié et fasciné qui tente de coucher sur sa toile les visions cauchemardesques qui le hantent. Car, à l’instar des toiles de Goya, les planches de Fran Galán fascinent par leur façon dont elles nous entraînent de l’autre côté du miroir, dans les obscurs méandres de l’âme tourmentée d’un artiste. Difficile de ne pas être impressionné par sa façon de jouer avec les ombres et la lumière qu’il maîtrise à la perfection, ou par la manière dont il retranscrit les émotions exacerbées des différents protagonistes grâce à un formidable travail sur la physionomie et la posture des différents personnages. L’artiste fait montre d’un talent évident pour mettre en scène le glissement de la réalité aux hallucinations éveillées de Goya…

Goya, le terrible sublime s’intéresse à l’un des évènement charnière de la vie du Francisco Goya : frappé par une maladie qui allait le rendre sourd, Goya est victime de visions cauchemardesques qui allaient influencer son œuvre et bouleverser l’histoire de la peinture…

Le fascinant dessin de Fran Galán joue avec maestria des ombres et des lumières, estompant la frontière séparant la réalité des hallucinations du peintre, et faisant perdre aux lecteurs tous ses repères, le plongeant au cœur de la folie du peintre. Le récit de El Torres, par ailleurs scénariste du Fantôme de Gaudi, est tout à la fois fascinant et formidablement déroutant.

Goya, le Terrible Sublime est un album somptueux qui nous donne à voir les monstres et les fantômes qui hantèrent l’esprit et l’œuvre du grand Francisco Goya…

Tu as peur ? Parfait. La peur est une puissante réaction de l’âme. Regarde-nous, Goya. Apprend à voir la sublime vérité qui se joue devant tes yeux.Asensio Julià