Après avoir vécu une expérience psychédélique, Mickaël Alphange qui travaillait alors comme vitrailliste sur le chantier de Notre-Dame a ouvert son Troisième Œil et sa vision du monde en a été bouleversée… Depuis lors, il distingue les auras spectrales de chaque individu, tantôt déchiquetée, malades ou abimés, tantôt sombres et terrifiantes, plus rarement lumineuses…

Au fil de ses virées nocturnes, il se mue en ange exterminateur, traquant les prédateurs qui se cachent au-delà du voile de la réalité avant de les affronter et de les exécuter… Hanté par des visions horrifiques qu’il sait annonciatrices de l’Apocalypse et épaulé par un mystérieux mentor initié aux mystères du monde, il poursuit sa croisade vengeresse, s’approchant chaque nuit un peu plus de l’abîme. Car, faute de trouver la tête de l’hydre maléfique qui étend son ombre sur Paris et commandent à ces légions de démons qui font de Paris un Enfer, il sait son combat dérisoire et inutile car perdu d’avance… Si ce monde égoïste et veule ne mérite sans doute plus d’être sauvé, il veut préserver la pure Sophia, la femme dont il est tombé amoureux…

Pendant ce temps, Rayad Anouar Datri, alias Glok, l’un des meilleurs limiers de la police, enquête avec son équipe sur ces morts violentes et mystérieuses, sans liens apparents entre eux…

Quelle étrange série que ce Troisième Œil de l’incroyable Olivier Ledroit dont les rôlistes vétérans ont découvert le formidable talent dans les pages de Casus Belli avant d’exploser dans les fascinantes Chroniques de la Lune Noire de François Marcela-Froideval. Etrange car le scénario se résume en quelques lignes : un homme doté de sens exacerbés va passer ses nuits à arpenter la Ville des Lumières pour trucider des démons venus d’une autre dimension vivant en symbiose avec des êtres humains voués aux ténèbres…

Et pourtant, de ce simple synopsis, Olivier Ledroit en tire un chef d’œuvre graphique aussi sublime que vertigineusement ébouriffant… Ses planches sont en tous points fascinantes, de leur compositions audacieuses et percutantes aux cadrages virtuoses de chaque case qui posent avec maestria cette ambiance unique et envoûtante. L’auteur donne vie à un Paris fantasmatique inquiétant et sublime. L’artiste donne corps à l’aura évanescentes des hommes et femmes qui croisent la route de Mickaël Alphange et aux pouvoirs tentaculaires et indicibles qui se déchaînent lors des affrontements dantesques qui l’opposent aux créatures démoniaques vivant en symbioses avec des êtres humains corrompus… Se déroulant au Louvre, la séquence où Michaël s’entretien avec son mentor est d’une puissance évocatrice confondante, de même que la scène sensuelle qui ouvre l’album et dont la charge érotique est palpable… Et que dire des séquences où le Veilleur du Crépuscule manipule sa lame où se reflète la scène, sinon qu’elles sont de toute beauté… Son trait nerveux et ténébreux est mis en valeur par des couleurs sombrement lumineuses, distillant une note de poésie à l’ensemble, rendant la lecture de l’album plus troublante encore…

Ses récitatifs baroques et ésotériques empruntent à la symbolique alchimique et s’abreuvent aux sources des cultures antiques, évoquant tour à tour l’univers mystique de Nephilim, jeu de rôle de l’occulte contemporain ou celui du dérangeant et horrifique Kult.

S’inscrivant dans le sillon amorcé avec le premier opus de ce qui s’annonce comme le Grand Œuvre d’Olivier Ledroit, Le Troisième Œil est un récit initiatique aussi sublime qu’étrange et envoûtant.

Si l’histoire proprement dite avance doucement, l’artiste fait montre de son talent pour donner corps à sa folie créatrice, esquissant les contours d’un Paris fantasmatique peuplé d’indicibles démons vivant en symbiose avec des humains maléfiques et corrompus qui pervertissent ceux qui ont le malheur de croiser leurs routes, servant les intérêts d’un maître ténébreux…

Difficile de ne pas tomber sous le charme des sulfureuses et fascinantes compositions de ce maître de l’illustration qui signe un album troublant oscillant entre roman graphique fantastique et gothique et somptueux artbook où Olivier Ledroit peut donner libre cours à son fascinant talent…

Je sillonne la Cité Obscure comme un ange exterminateur. Les Sept Trompettes ont retentit, un à un les Septs Sceaux ont volés en éclat. Je sais que cela doit se dérouler ici… A Paris. N’est-elle pas nommée la Cité de la Tour de Fer dans les prophéties médiévales ?Mickaël Alphange