Liverpool, 1703. Robert Handsome, négociant anglais, s'apprêtent à faire route vers le Portugal avec sa famille pour y développer son activité en prospectant les vignobles de la vallée du Douro. Leur entreprise a failli tourner court puisqu’en chemin, leur navire est attaqué par des pirates, passagers et équipage ne devant leur survie qu’à l’arrivée d’un navire corsaire anglais…
Mais la région est difficile à dompter et les anglais ne sont pas toujours les bienvenus… Victimes de bandits, Robert Handsome et sa femme y perdront la vie, abandonnant leur fils Walter… Ce dernier est recueilli par une famille de viticulteurs qui avaient pris soin de lui après qu’il se fut cassé la jambe. Il épousera leur fille et repartira pour Liverpool avant de revenir au Portugal, le climat pluvieux ne convenant plus à sa compagne…
Il fit sien le rêve de son père et fit prospérer sa petite entreprise, se souciant bien peu de la main d’œuvre locale… Devenant au fil du temps de plus en plus odieux et intransigeant, il provoque la colère de son fils qui décide de quitter le giron familial et de développer sa propre affaire et, suivant les conseils d’une belle autochtone, plantera une vigne en terrasse sur un sol schisteux sur les berges du Douro…
Quelle idée étrange que de faire une saga familiale en un seul tome ! Sans doute est-ce parce que l’histoire de cette famille n’est qu’un prétexte pour nous parler de celle du Porto…
Car, au travers de trois générations de Handsome, on va suivre les différentes étapes du long processus qui a aboutit à l’élaboration d’un vin de qualité… A travers cet album, on apprendra comment hasard, décisions politique et savoir-faire aller aboutir à sa création. Car le Porto est directement né d’un embargo proclamé par Colbert, alors ministre de Louis XIV, contre l’Angleterre… Privé du clairet de Bordeau qu’ils affectionnaient, les anglais se sont tourné vers les vins portugais qui présentaient des qualités similaires. Et, signé à Lisbonne en 1703, le traité de Methuen, clairement à l’avantage des anglais, leur octroyant le privilège de fonder des maisons de négoce sur les bords de la Douro, les négociants anglais ne s’en sont pas privés. Supportant mal le voyage, on adjoint au porto de l’eau de vie de vin jusqu’à ce que l’anglais Jean Beardsley n’augmente son degré d’alcool, aboutissant à la création du breuvage tel qu’on le connaît aujourd’hui…
La force du scénario d’Eric Corbeyran est de distiller (😉) ces informations tout en déroulant une histoire solide de la vie de différents membres d’une famille, leurs liens de filiation et leurs antagonismes rythmant le développement de ce commerce prospère qui aboutit à ce que le marquis de Pombal, ministre du roi du Portugal Joseph Ier, ne créé la Compagnie Viticole du Douro qui brisera le monopole anglais et établira la première appellation contrôlée de l'histoire du vin.
Le dessin romanesque de Marco Bianchini, son encrage épais mais élégant et ses couleurs chatoyantes rende ce récit d’autant plus passionnant. Les scènes champêtres s’avèrent très réussies, rendant un hommage à cette terre si particulière des berges de la Douro sans qui le vin de Porto ne serait pas ce qu’il est.
On appréciera tout particulièrement la beauté de cette belle inconnue qui conseilla George et qui, détentrice des secrets de la vigne et de la vinification, semble incarner l’âme même du porto …
A travers une saga familiale coulant sur trois génération, Eric Corbeyran nous raconte l’histoire du Porto, vin né dans des circonstances politiques particulières pour satisfaire la clientèle anglaise privée du clairet de Bordeau à cause de l’embargo français…
Son récit est joliment mis en image par le trait romanesque et expressif de Marco Bianchini à qui on doit notamment les dessins de François sans nom de Sylvain Runberg et Sylvain Ricard ou 999, à l'aube de rien du tout, adaptation du roman de Claude Daubercies…
Le porto, le vin des anglais vient enrichir Vinifera, une collection captivante qui nous raconte l’histoire des vins de l’antiquité à nos jours…