Mississipi, 1935. Violent et alcoolique, Avery est une nouvelle fois jeté sans ménagement du bar interlope où il éclusait. Sans trop y croire, il s’installe à un croisement et joue ses premières notes de guitare, espérant que le diable vienne lui proposer un marché…

S’il répond à son invitation, le diable ne veut pas de son âme déjà corrompue qui lui reviendra de toute façon quand il mourra, d’ici peu de temps… Aussi lui propose-t-il un autre marché : en échange d’une âme pure qu’il pourra voler au ciel, il lui offre la possibilité de se faire un nom… Il lui donne rendez-vous dans le sud, à la prochaine lune noire…

La route d’Avery croise alors celle de Johnny, un pauvre gamin délaissé par ses parents violents et alcooliques… Commence alors un long périple vers le sud où Johnny et Avery vont apprendre à se connaître et à s’apprivoiser tout en faisant route vers le fatal rendez-vous…

Angux, scénariste de l’album, s’est inspiré de la légende que s’est forgé Robert Leroy Johnson pour tisser un récit sulfureux et envoûtant qui donne furieusement envie de mettre sur sa platine un vinyle crachotant de l’artiste… Faisant sienne l’histoire de Tommy Johnson, le bluesman a en effet prétendu à ses amis qu’il avait rencontré le diable à qui il avait vendu son âme en échange de la virtuosité…

Mais le diable se fait ici bien plus cynique que dans le récit de Robert Johnson puisqu’il affirme qu’il n’a que faire d’une âme corrompue qui lui reviendra tôt ou tard et qu’il lui préfère une âme pure qu’il pourra voler à Dieu et priver du Paradis… Avery voit dans le pauvre Johnny la victime idéal qu’il pourra sacrifier sans vergogne à ses rêves de gloire… Mais, plus il se rapproche du croisement où le diable lui a donné rendez-vous, et plus il comprend qu’il s’est attaché à ce gamin qui, de simple inconnu, est devenu, au fil de leur périple et des rencontres heureuses ou malheureuses qui l’ont émaillé, quelqu’un qu’il a pris en affection… Dès lors, comment pourra-t-il le livrer au diable pour qu’il s’empare de son âme ? Le voyage aurait-il profondément transformé ce bluesman jusqu’alors prêt à tout sacrifier à sa réussite ?

Sur une grille d’accords connus, l’auteur improvise une histoire fantastique pleines de sombres surprises qui raviront d’aise les amateurs de récits délicieusement malicieux dont les tours et détours aboutissent à un final particulièrement efficace…

Le dessin de Nuria Tamarit est une petite merveille de finesse et d’inventivité… Découverte avec son remarquable travail sur Et le village s'endort..., Le conte du genévrier ou Des éclats de diamant publiés chez les Aventuriers de l’Etrange, la dessinatrice espagnole fait une nouvelle fois montre de son talent. Son trait acéré et faussement enfantin met en scène avec délicatesse les sentiments des deux principaux protagonistes tout en distillant un diffus sentiment de malaise avec les manifestations du diable, entouré d’une nuée d’inquiétants et oppressants corbeaux… Sa subtile palette de couleur et sa façon de nimber ses cases d’une lueur presque irréelle contribuent à poser cette atmosphère envoûtante à la lisière du fantastique… La couverture de cette nouvelle édition s’avère à elle seule fascinante, de par sa composition et sa réalisation…

Réédition d’un album publié en 2016, Avery's blues nous propose une délicieuse variation autour de la légende du pacte que Robert Johnson aurait passé avec le Diable…

Dans l’espoir de devenir quelqu’un, Avery décide d’invoquer le diable et de lui vendre son âme… Mais, estimant à juste titre que son âme corrompue lui est déjà échue à brève échéance, le diable lui demande de lui livrer une âme pure qu’il pourra voler au ciel… Croisant la route d’un gamin délaissé par ses parents alcooliques et violents, le bluesman décide qu’il sera l’âme pure et innocente promise au Diable… Mais, au terme du voyage, Avery ne sera plus le même et ne se retrouve face à un douloureux dilemme…

Porté par le dessin faussement enfantin et les couleurs envoûtantes de Nuria Tamarit, ce conte fantastique d’Angux s’avère aussi fascinant que diaboliquement envoûtant…

- Bordel… T’es qui toi ?
- Ha ha ha… Ha ha ha…Celui que tu attendais… Alors tu veux me vendre ton âme… Putain, vous demandez tous la même chose ! Pourquoi je devrais choisir la tienne ? Pourquoi je devrais accepter ? En quoi ton âme est-elle différente de celle de Robert Johnson ? Ou de celle de Thomas Johnson, Petey Wheatraw, Skip James, Clara Smith… Clara Smith avait l’originalité d’être une femme… Mais toi ? Non, je n’en veux pas de ta sale âme miséreuse… Vu tout ce que tu bois, ce que tu fumes et toutes tes bagarres dans les bars… Ton âme, je l’aurais dans quoi ? Trois ? Cinq ans ? Qui payerait pour une chose qu’il obtiendra gratuitement si vite ? Attendre n'est rien pour qui a l’éternité devant soi. Est-ce que j’ai l’air si stupide ?
- Je veux juste changer de vie, être quelqu’un.
- Oui, ça pourrait être amusant… L’éternité c’est long… et ennuyeux, Avery, ennuyeux surtout…dialogue entre Avery et le Diable