Paris 1937. Le génie de Jean Cocteau est déjà reconnu lorsque sa route croise celle de Jean Marais, un aspirant comédien dont il fera l’instruction littéraire et artistique… Pour certains, il n’est que le nouvel amant du poète, peintre, dramaturge et cinéaste…
Mais ce qui l’est unit s’avère bien plus profond… Jean Marais allait connaître le succès en incarnant les rôles écrits sur mesure par son Pygmalion dont il fut la muse. Lorsque la guerre éclate, Cocteau refusera de se laisser distraire des choses sérieuses par la frivolité dramatique de la guerre et continuera à écrire et créer alors que l’Europe s’embrase… Mais, plus charnel, son amant s’engagera avec courage et intelligence, tout en défendant Cocteau des critiques acerbes de certains journalistes collaborationnistes…
Avec
Jean Cocteau et Jean Marais - Les choses sérieuses, Isabelle Bauthian nous raconte la folle passion qui unit deux artistes sensibles et libres et la fascination réciproque qu’ils éprouvaient… Ils se rencontrèrent peu avant la guerre et s’aimèrent durant les années sombres de l’occupation. Le premier, intellectuel, poète, artiste et metteur en scène, allait accorder au second la chance de naître une seconde fois, en l’initiant aux arts et à la littérature. Tandis que Jean Cocteau sculptait pour lui les rôles qui allaient le révéler, Jean Marais allait tenter d’arracher son mentor aux affres de l’opium…
Son récit est très érudit et de nombreux éléments pourraient échapper à la sagacité du lecteur si les auteurs n’avaient eu cette salutaire idée d’y adjoindre quelques références sur les nombreuses personnalités parfois tout juste croisés au détour d’une case… On comprend combien Cocteau et son amant ont été au cœur du bouillonnement culturel, fréquentant ou croisant des personnalités peu communes, telles Jean-Pierre Aumont, Colette, Jean Genet, Paul Léotaud, Max Jacob, Violette Morris, Edith Piaf ou Serge Reggiani… Le récit s’avère passionnant en ce qu’il éclaire la personnalité de ces deux artistes si différents et pourtant si complémentaires, tout en nous donnant à comprendre la nature subtile de ce lien puissant qui les unissait…
Ce faisant, l’autrice esquisse un saisissant portrait d’une époque trouble où certains jugèrent que Cocteau se compromit, lui reprochant notamment ses amitiés avec Arno Breker, sculpteur officiel du Reich… Le récit est par ailleurs émaillé d’articles et de coupures de presse de l’époque qui permettent de saisir l’esprit de ce temps et de mieux comprendre les maladresses de Cocteau…
Pour mettre en dessin cette belle histoire d’amour et de passions, Isabelle Bauthian a associé sa plume aux pinceaux subtils de Maurane Mazars qui, tout en lui insufflant une part de sa personnalité, semble s’être inspiré du trait spontané et élégant de Cocteau pour lui (re)donner vie… Le résultat est tout à la fois beau, troublant et fascinant. La dessinatrice parvient à retranscrire dans ses planches le génie créatif de Jean Cocteau et la saisissante énergie, tout aussi créatrice, de Jean Marais… Son travail sur leurs postures ou leurs gestuelles est saisissante et contribue à nous immerger dans leur intimité… pour un peu, on entendrait presque le son si caractéristique de leur voix… Le travail sur la couleur s’avère tout aussi remarquable, avec des teintes rougeâtres pour le flamboyant Jean Marais et bleutée pour le tourmenté Cocteau…
Avec ce récit intimiste et captivant, Isabelle Bauthian et Maurane Mazars nous raconte la rencontre entre deux monstres sacrés du monde des arts : le poète, peintre, cinéaste et dramaturge Jean Cocteau et l’acteur et sculpteur Jean Marais.
Le récit solidement documenté de la scénariste est mis en image par le trait poétique qui évoquent tous deux l’œuvre pictural de Cocteau et des couleurs subtiles qui soulignent avec art le caractère de chacun, flamboyant pour l’un, tourmenté pour l’autre. Maurane Mazars retranscrit leur tendre complicité en esquissant un portrait nuancé de ces deux créateurs si différents et pourtant si complémentaires dans ce monde en guerre…
Jean Cocteau et Jean Marais - Les choses sérieuses est un album et passionnant qui retranscrit avec art la richesse de leurs sentiments et la complexité d’une époque, nuançant la vision qu’on pouvait avoir, et de l’un et de l’autre de leur façon de vivre durant l’occupation…
- Tu ne peux pas sauver les gens d’eux même mon Jeannot.
- Tu passes ton existence à sauver les gens d’eux même.
- Non. Je saisis les mains tendues.
- Ignorant les bottes qui foulent ton cœur.
- Te voilà qui parle comme un poète.
- C’est toute la littérature que tu m’as offerte pendant ma maladie.
- Ou l’atmosphère particulière de cette chambre. Si propice à la création.dialogue entre Jean Cocteau et Jean Marais