Alors que son père, Pablo Escobar s’occupait de son lucratif bisness, l’éducation de son fils, le jeune Juan Pablo, fut confié à des hommes de main du richissime trafiquant de drogue. On les surnomma bientôt les « nounous tueuses » car ils étaient des tueurs violents et souvent drogués…

S’ils ont reçu l’ordre de protéger coûte que coûte son gamin, leur patron leur a explicitement demandé de ne pas le ménager… Autant dire qu’il fut très jeune confronté à des situations hallucinantes…

Avec de tels anges gardiens, et sans amis pour lui tenir compagnie, c’est peu dire que son enfance fut atypique et des plus mouvementée !

On se doute combien être un « fils de » et grandir dans l’ombre d’une célébrité peut être difficile pour exister et se forger une identité propre… Mais être le fils de Pablo Escobar dépasse indéniablement l’entendement… pour mémoire, l’homme était à la tête du cartel de Medellín, l’un des plus grands réseau de trafic de drogue du monde et dirigeait une véritable armée et un empire financier qui lui valut de figurer en bonne place dans le fameux Classement Forbes des grandes fortunes de ce monde…

C’est sans fard que Juan Pablo Escobar, assisté par Pablo Martin Farina, nous livre ses souvenirs d’enfance, ceux d’un gamin de dix ans à peine dont son bandit de père a confié l’éducation à une band de tueurs à gage sans foi ni loi dont beaucoup étaient camés jusqu’à la moelle. Et quand on a pour seul « amis » des tueurs violents et sans pitié, comment avoir une enfance ? Le récit se centre sur une séquence sanguinolente qui immerge avec force le lecteur dans ce quotidien de violence et de folie furieuse qui fut le cadre de vie d’un gamin pourtant surprotégé : un coup de feu abat l’une des nounous de Juan et tous cherchent à savoir lequel d’entre eux a tiré… L’occasion de présenter un par un les membres de cette équipe de choc au travers d’anecdotes rapportées par le garçon lui-même, avec un regard étrangement distancié et une insouciance malsaine… mais une question se pose : que faire du cadavre (pas encore tout à fait mort) pour éviter de subir les foudres de Pablo Escobar qui ne devrait pas voir d’un bon œil que l’on trucide ses tueurs… L’idée même de devoir subir la colère de leur patron souligne avec finesse la peur qu’inspirait, à juste titre, Pablo Escobar même à ses plus fidèles gâchettes… et l’atmosphère hallucinante qui baigna les premières années de son fils…

Alberto Madrigal, par ailleurs dessinateur du remarquable Berlin 2.0 (sur un scénario de Mathilde Ramadier), signe un album remarquable. Epurée et un brin caricatural, son dessin faussement naïf contraste avec la violence du propos sans pour autant l’édulcorer. Son découpage s’avère virtuose et d’une impressionnante d’efficacité, telle ces deux pages au découpage analogue mettant en scène l’avant et l’après coup de feu fatal qui blessa mortellement la Gâchette, surnom d’une des nounous-tueur… On songe aux mises en scènes travaillées d’un Quentin Tarantino et l’overdose de violence distillé au fil des pages ne fait qu’accentuer cette analogie cinématographique…

Avec cet album, Juan Pablo Escobar s’associe à Pablo Martin Farina pour nous raconter son enfance aussi hallucinante qu’édifiante…

Fils de Pablo Escobar, plus gros trafiquant de drogue de l’époque, son éducation fut confiée à une bande de porte-flingues qui lui servirent de nounous et à qui leur patron a explicitement demandé de ne pas le ménager…

Racontée à la première personne, l’histoire de l’album est construite autour d’un tueur mortellement blessé par inadvertance, l’occasion pour les auteurs de présenter une incroyable et improbable galerie de personnages tous plus dangereux les unes que les autres… Le trait faussement naïf d’Alberto Madrigal contraste avec la noirceur et la violence du propos et le dessinateur de Berlin 2.0 fait montre d’un sens du découpage et de la mise en scène particulièrement bluffant…

Escobar - une éducation criminelle est un album choc qui nous donne à voir les évènements relatés dans l’excellente série Narcos à hauteur d’un enfant confronté dès son plus jeune âge à la violence exacerbée…

La Gâchette, il déconne tout le temps, c’est le plus drôle de tous. Mon père les a tous choisi comme gardes du corps. Ils me laissent jamais seul. C’est comme ça, quand on est le fils du patron des patrons. Ce sont mes nounous en quelque sorte, elles me protègent des ennemis de mon père. Mais ils m’emmènent aussi à l’école et m’aident à faire mes devoirs. Quand j’étais petits, ils m’aidaient à m’habiller et me racontaient des histoires. Mon père a toujours été clair avec eux : « mon fils, vous le protégez au péril de vos vie. Et gare à celui qui le chouchoute d’un peu trop près ou je le tue». Et il faut savoir que les menaces de mon père sont toujours mises à exécution Juan Pablo Escobar