Rwanda, 6 avril 1994. Aux abords de l’aéroport de Kigali, un missile abat le Falcon 50 à bord duquel se trouvaient Juvénal Habyarimana, président du Rwanda, et Cyprien Ntaryamira, président du Burundi… Ce tragique évènement sera le déclencheur du génocide au cours duquel près de 800.000 rwandais furent massacrés…

La famille et les proches de Dafroza ont été décimés en 1994 alors qu’elle vivait à Reims avec son mari et leurs trois enfants… Réalisant que des génocidaires avaient trouvé refuge en France et y vivaient une vie ordinaire, Dafroza et Alain, son époux, ont décidé de tout faire pour que justice soit faite.

Ils se sont rendus plusieurs fois au Rwanda pour y récolter les preuves et les témoignages de victimes et de bourreaux qui permettrons d’ouvrir des informations judiciaires devant aboutir à des procès… Mais leurs recherches sont entravées par d’innombrables obstacles, de la lenteur de la justice à l’inaction politique en passant par les menaces et la lassitude…

Lorsque j’usais mes fonds de culottes sur les bancs du lycée, le mot génocide était associé à l’holocauste et à ces millions de mort dans les camps d’extermination nazis… Difficile pour un adolescent de concevoir que des hommes aient pu planifier et organiser froidement la mort d’êtres humains et de comprendre comment ces tragiques événements ont pu avoir lieu sans que les contemporains aient réagit d’aucune façon pour empêcher le massacre...

Les années ont passé et voilà que la fin du XXe siècle nous fait basculer dans l’horreur avec le génocide Rwandais qui vient s’ajouter au génocide arménien et au génocide juif. Un évènement indicible dont je suis contemporain, un drame connu de tous qui s’est étalé sur de longs mois sans que la communauté internationale n’agisse pour y mettre un terme, considérant que les évènements qui se déroulaient n’était qu’une guerre civile… La France, dont les soldats se trouvaient sur le territoire rwandais dans le cadre de l’Opération Turquoise a été vivement critiquée pour n’avoir pas tenté de mettre un terme au massacre…

Le récit de Thomas Zribi et Damien Roudeau s’avère tout à la fois édifiant et révoltant. S’appuyant sur les travaux et les précieux témoignages de Dafroza et Alain Gauthier, les auteurs nous entraîne au cœur de l’horreur à travers le récit fait par les rescapés des massacres et par les bourreaux qui n’ont pas forcément conscience d’avoir joué un rôle dans la tragédie… Difficile de ne pas être bouleversé par la façon dont chacun en parle, avec ses mots qui retranscrive ce qu’ils ont vécu, de l’horreur des massacres dont ils ont été témoin en passant par la façon dont ils ont échappé à une mort certaine… Comment peut-on, comme Dafroza œuvrer pour la justice sans haïr ces hommes, ces voisins, ces maris qui ont participé au massacre de tout un peuple et à la mort des siens ?

Les aquarelles de Damien Roudeau mettent en scène avec pudeur et retenue ces témoignages poignants, trouvant la juste distance nécessaire pour rendre compte des faits et suggérer l’horreur tout en restant à hauteur d’hommes…

Troisième génocide reconnu par l’ONU après celui des arméniens et celui des juifs, le génocide rwandais s’est déroulé de nos jours, sans que la communauté internationale n’intervienne pour mettre fin au massacre malgré les près de cent jours que ce dernier a duré…

Le dessin réaliste de Damien Roudeau met en scène avec pudeur et retenue les témoignages retranscrit par Thomas Zribi en s’appuyant sur les témoignages de Dafroza et Alain Gauthier… Constatant que certains génocidaires vivaient une vie ordinaire en France, ce couple a effectué plusieurs voyages au Rwanda pour recueillir les témoignages des survivants et de leurs bourreaux pour pouvoir pour que puisse s’ouvrir leur procès…

Rwanda - À la poursuite des génocidaires est un album glaçant, édifiant et bouleversant qui fait un douloureux et salutaire devoir de mémoire pour que nuls n’oublie à la fin du XXe siècle, un génocide a été commis sans que la France n’en prenne la juste mesure et ne cherche à y mettre un coup d’arrêt…

- Pauvre Rwanda… Mon pays est un cimetière. C’est vraiment dur, trop dur. Quand tu entends des femmes qui te raconte leur viol. Ou quand un tueur te décrit en détails comment il coupait en morceau des enfants. Mais tu ne peux pas l’arrêter… Puisque c’est toi qui lui demandes de témoigner. Parfois on se sent vieux, très vieux…
- Usés dialogue entre Dafroza et Alain Gauthier