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Le Passeur
Le Passeur



Fiche descriptive

Science-Fiction

Philip Craig Russell (adapté du roman de Lois Lowry)

Philip Craig Russell

Philip Craig Russell

Philéas

19 octobre 2023


21€90

9782385020194

Chronique

Lorsque Jonas aura douze ans, il se verra attribuer, comme tous les enfants de son âge, sa future fonction dans la communauté.

Dans le monde où vit Jonas, la guerre, la pauvreté, le chômage, le divorce n'existent pas. Les inégalités n'existent pas. La désobéissance et la révolte n'existent pas. Jonas ne sait pas encore qu'il est unique...

L'harmonie règne dans la communauté. Les cellules familiales sont constituées avec soin par le comité des sages. Les personnes trop âgées, ainsi que les nouveau-nés inaptes sont " déliés ", personne ne sait exactement ce que cela veut dire.

Dans la communauté, une seule personne détient véritablement le savoir : le Receveur de Mémoire. Lui seul sait comment était le monde quand il y avait encore des animaux, quand l'oeil humain pouvait voir les couleurs, quand les gens tombaient amoureux.
un excellent album!


Un monde (trop) parfait
Le Passeur, planche de l'album © Philéas / Craig Russell / LowryJonas approche de ses douze ans, âge auquel il se verra attribuer sa future fonction au sein de la communauté.

Tout ne semble être qu’harmonie dans le monde dans lequel il vit : la guerre, la pauvreté, le chômage et le mensonge n’existent pas et tous contribuent au bonheur de chacun… Les couples sont formés par le Conseil des Sages et chacun se verra attribuer deux enfants, un garçon et une fille, alors que les anciens sont choyés au sein d’établissements spécialisés, jusqu’à être délié… Délié ? Un terme que personne ne comprend vraiment…

Au cours de la cérémonie des douze ans, Jonas se voit confier la lourde charge d’être le prochain Receveur de Mémoire qui, au sein de la communauté, est le seul qui détient le savoir et a pour mission de conserver les souvenirs des temps anciens et des vies passées, de cette époque où les animaux et les couleurs existaient encore et où on pouvait tomber amoureux…


Le Passeur, planche de l'album © Philéas / Craig Russell / Lowry
une société sous contrôle
Publié à l’aube des années 90, le Passeur dépeint une société en apparence idéale qui a pourtant tout de la dystopie. En cela, le roman de Lois Lowry est à ranger aux côtés du 1984 de George Orwell, du Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley ou du Fahrenheit 451 de Ray Bradbury…

Mais l’autrice, Lois Lowry, change subtilement de paradigme : là où Orwell, Huxley ou Bradbury s’adressaient à des adultes, l’écrivaine américaine s’adresse à un public adolescent ou adulescent, donnant à voir la société à travers les yeux d’un enfant de leur âge qui se questionne sur son ressenti et perçoit des choses qu’il semble être le seul à percevoir… Son récit heurte ainsi le lecteur qui est pousser à s’interroger sur le conditionnement implicite imposé, consciemment ou non, par ses parents et la société, par le poids écrasant des traditions et des usages qui peuvent, au final, l’entraver et l’empêcher d’être lui-même, de s’affirmer comme individu pensant et de s’accomplir pleinement… Au fil de l’enseignement prodigué par le Receveur de Mémoire, Jonas va apprendre ce qu’est l’humanité, découvrant l’amour mais aussi la souffrance en déchargeant le Receveur du poids parfois écrasant de ces souvenirs hérités de ses prédécesseurs…

Le Passeur, planche de l'album © Philéas / Craig Russell / Lowry
une vie sans douleur mais sans saveur
Au fil des pages, les apparences du bonheur vont peu à peu s’effriter pour laisser entrevoir une société glaçante d’où le libre arbitre et les émotions même semblent bannies. Les individus sont formatés, uniformisés, et la possibilité même de se rebeller semble impossible tant chacun a été conditionné pour entrer dans un moule étriqué, à grand renfort d’endoctrinement et de pilules chimiques qui annihilent les pulsions et les désirs… Les différences ont été abolies de la société pour mieux asservir l’individu. Du berceau à la tombe, chacun n’aura aucun choix à faire durant le cours de sa vie, se contentant de faire ce pour quoi on l’a façonné en l’enfermant dans un système de pensée glaçant…

Si Philip Craig Russell signe une remarquable adaptation de ce roman de SF plusieurs récompensé, son approche graphique surprenante mais fascinante n’y est pas étrangère… Son travail en noir et blanc qui se teinte de bleu et pose avec finesse cette ambiance feutrée et glaciale qui baigne le récit a sa raison d’être… Conditionné depuis leur venue au monde, les individus composant cette société vivent une existence aseptisée d’où toute joie semble bannie, faute de pouvoir ressentir la moindre émotion qui leur appartienne… La quasi absence de couleur souligne cet état de fait… Mais, au fil du récit, la raison d’être de ce parti prix graphique radical apparait, par petite touche, renforçant le propos de façon confondante et ancrant les raisons d’être du mal-être de Jonas dans le dessin même… Le fond et la forme se rejoignent ainsi pour former un tout parfaitement cohérent.

Le Passeur, planche de l'album © Philéas / Craig Russell / LowryPhilip Craig Russell signe une remarquable adaptation du roman dystopique de Lois Lowry qui, bien que publié en France en 1994, s’inscrit dans la veine du Meilleur des Mondes, 1984 et autre Fahrenheit 451

Dans le Passeur, l’autrice nous dépeint une société en apparence idéale d’où la guerre, la souffrance et la faim ont été bannies… Le Conseil des Sages préside aux destinées de chacun, formant les couples, leur attribuant leurs enfants et choisissant leur métier lors de la cérémonie des douze… Jonas, adolescent un peu rebelle à ce conditionnement et à cette vie aseptisée d’où est bannie la différence et la notion même d’individu va être désigné pour succéder au Receveur de Mémoire, le dépositaire des souvenirs des temps anciens… En lui apprenant à ressentir des émotions, son enseignement va bouleverser la vie de Jonas…

Porté par un dessin dont le style singulier sert remarquablement le récit de façon saisissante, le récit s’adresse aux adolescents en donnant à voir à travers les yeux d’un enfant une société aseptisée qui ne laisse pas aux individus la possibilité de s’émanciper et de s’accomplir… Mais sa portée n’en reste pas moins universelle, poussant le lecteur à s’interroger sur ce qui constitue l’humanité et sa liberté… une vie sans souffrance et sans émotions n’est, au final, qu’une vie sans saveur…
Le Korrigan




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