    Logé par la DGSE, le Tueur n’a eu d’autre choix que d’accepter de travailler pour eux. S’il a dû revoir ses prétentions à la baisse, le Tueur a donc poursuivi son travail, avec la froideur et l’efficacité qui le caractérise…
Pour cette nouvelle mission, il va devoir faire équipe avec Barbara, son contact dans la Police pour mettre un terme à un trafic d’êtres humains particulièrement abject et ayant des ramifications internationales et diplomatiques, corruption, pressions et chantage empêchant Interpol d’agir efficacement contre ces réseaux…
S’il continue à poser sur nos sociétés contemporaine un regard lucide et cynique, il semble ne pas être indifférent au sort d’une des gamines tombées entre les mains du réseau. Abandonnant un temps sa froideur habituelle, la carapace qu’il s’est patiemment construite semblant se lézarder lorsqu’il livre à Barbara certains aspects de sa vie privée… Ce sentimentalisme le poussera-t-il à commettre une erreur fatale ?
Alors que The Killer, l’adaptation du tueur, signée par David Fincher, le réalisateur de Fight Club déboule sur les écrans, le Tueur poursuit son chemin, au service de la France…
 Cette nouvelle série mettant en scène le Tueur était une délicieuse surprise, six ans après la fin de la série-mère… Et le fait est que le subtil changement de paradigme, contraignant le tueur à travailler pour l’état, offre au scénariste un nouveau terrain de jeu pour pointer les travers de nos sociétés capitaliste, le tueur appliquant les préceptes du libéralisme économique… Mais dans cet album, sa carapace de tueur froid semble se lézarder, comme si la nature de sa cible venait ébranler si fortement ses certitudes qu’il en fait une affaire personnelle… Ou ces confessions sur sa vie privée ne sont-elles que des éléments d’un plan visant à s’affranchir de la tutelle gouvernementale en poussant Barbara à baisser à son tour ses défenses tout en lançant des sondes pour connaître plus en détails ce qu’ils savent de lui ? Le tueur effectue-t-il une mue ou est-il au contraire encore plus froid et calculateur que jamais ?
Le scénario concocté par Matz n’en reste pas moins fascinant, ponctué par ses réflexions pleines de cynisme et de lucidité sur l’Histoire, le bronzage, les statistiques ou sur les puissants de ce monde qui se croient tout permis… Difficile de ne pas partager ses analyses implacables et de se sentir impuissant face aux injustices qui déchirent nos sociétés où la loi du plus fort règne en maître… et c’est ce qui rend ce personnage de tueur à gage si fascinant… La morale individuelle pèse bien peu face au pouvoir d’une poignée d’individus… Alors quitte à vivre dans un monde amoral, pourquoi se contenter d’être une victime quand, en s’affranchissant de toute règle, on peut être un prédateur et dominer la chaîne alimentaire ?
Le dessin de Luc Jacamon est une fois encore fascinant. Reconnaissable entre tous, son style singulier met remarquablement le récit de Matz en images. Ses planches somptueuses nous offrent de somptueux visuels qui offrent une respiration à l’histoire, nous donnant à voir ce qui reste de la beauté du monde au cœur des ténébreux constats du Tueur. Comment ne pas être envoûté par sa façon de poser ses couleurs et de sculpter cette lumière qui baigne chacune de ses cases et leur confère cette atmosphère unique ? Et, surtout, comment ne pas être bluffé par la manière dont il met en scène les séquences d’action avec un découpage nerveux hallucinant et particulièrement efficace ?
 Même contraint de travailler pour le gouvernement, le Tueur n’a rien perdu de son cynisme et de son mordant lorsqu’il s’agit de pointer les travers de nos sociétés occidentales.
Pour ce nouveau travail, il va devoir s’associer à Barbara, son contact dans la Police, pour éliminer un réseau de trafic d’êtres humains contre lequel Interpol ne peut rien à cause de la corruption et les protections dont il bénéficie. Mais cette mission semble plus affecter le tueur qu’elle ne le devrait tant et si bien qu’il semble en faire une affaire personnelle, ce qui pourrait entraver son professionnalisme et a légendaire efficacité…
Mettant en musique la partition impeccable de Matz, l’un des meilleurs scénaristes de polar du neuvième art, Luc Jacamon signe comme de coutume des planches somptueuses alternant scènes contemplatives et séquences d’action virevoltante qu’il met en image avec la virtuosité qui est sienne… Il nous tarde de lire la suite de ses aventures, ne serait-ce que pour savoir si cette sensibilité nouvelle n’est pour le tueur qu’un leurre destiné tenté à s’affranchir de la tutelle gouvernementale ou une véritable mue…
- Dégueulasse, ce que vous me montrez là. Masi je n’arrive pas à croire que la police et la justice, Interpol, ne puisse en venir à bout.
- La police et la justice sont impuissantes. La coopération internationale ne donne rien. Pour une raison simple…
- Laissez-moi deviner : pots de vin, chantage, pressions, corruptions ?
- Exactement. A tous les étages. Certains auxquels on ne peut rien faire. Mais la corruption gangrène tout. C’est un cancer.
- Gangrène ou cancer ?
- Les eux à la fois. Elle ronge et pourrit tout. C’est elle notre ennemi. Surtout quand elle touche la justice.dialogue entre Barbara et le Tueur
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