



L’alliance contre nature entre les couronnes d’Espagne et d’Angleterre a sonné le glas du Royaume de France. Louis XIV mort, c’est Philippe, son frère, qui hérite de la couronne. Privé du royaume de ses ancêtres, c’est sur la Nouvelle-France, outre-Atlantique qu’il règne désormais…
Les forts anglais sont tombés un à un mais le roi se garde bien de priver Charles II d’Angleterre de sa dernière colonie, espérant que l’alliance contre la France vole bientôt en éclat en Amériques comme en Europe, ce qui ne manquerait pas d’affaiblir leurs puissances respectives sur le Vieux Continent… Car Philippe VII de France caresse toujours le fol espoir de reconquérir le royaume de ses aïeux…
Mais, tandis que Colbert et Fouquet semblent prêts à tout pour empêcher le roi de se lancer dans la reconquête de la France, pensant qu’il y a plus à gagner à étendre le royaume vers l’ouest, l’Angleterre intrigue en coulisse pour faire exploser une machine infernale sur l’île de Manhattan, ce qui mettrais un terme définitif à l’hégémonie française sur la région…

Avant que la Terre ne change d’axe et que son centre de gravité du monde ne se déplace de l’Europe aux Amériques, Jean-Pierre Pécau et Fred Duval, assistés par Fred Blanchard, nous entraînent dans une utopie originale où le Royaume de France a été dépecé par l’Angleterre et l’Espagne et où le frère du défunt Louis XIV règne désormais sur la Nouvelle-France sous le nom de Philippe VII… Un sacré changement de paradigme !
Passé les premières planches, un nom surgit à rebrousse-temps, donnant un nom à la folle expédition anglaise qui vise à faire disparaître Manhattan, et par la même le centre névralgique du pouvoir français, dans une gigantesque explosion qui annihilera les ambitions de Philippe VII… et de ses conseillers… Quelques mois après la sortie d’
Oppenheimer de Christopher Nolan, difficile de ne pas être tenté de baptiser « Projet Manhattan » cette presque mission suicide, ce que les auteurs ne manquent par ailleurs pas de faire ! Une fois encore, les scénaristes se sont inventé un formidable terrain de jeu historique pour tisser une histoire entraînante pleines de charmes et d’originalité… Ils invitent même dans la danse le sieur Aramitz, dernier survivant d’un célèbre trio de mousquetaires !

Voir le royaume de France se relever d’une cuisante défaite outre-Atlantique et Philippe, frère que Louis XIV a prudemment tenu à l’écart du pouvoir toute sa vie durant, devenir roi avec pour conseiller les entreprenants Fouquet, qui n’a pas eu le temps de connaître la disgrâce, et Colbert, certes vieillissant, s’avère tout à la fois jubilatoire et fascinant…
Le scénario s’avère en lui-même suffisamment intrigant pour captiver l’attention du lecteur, avec des surprises et des revirements et les prémisses d’un complot subodorés par certains et l’action d’un monarque qu’on devine fin stratège… Que de questions en suspens à l’issue de ce premier tome !
Vladimir Aleksic privilégie l’efficacité à la profusion de détail et la mise en couleur ne semble pas lui donner l’amplitude et la profondeur qui aurait rehaussé ses planches. Le dessinateur serbe donne malgré tout corps à cette uchronie avec des bâtiments puisés dans l’architecture classique, à commencer par le palais royal qui présente plus que des ressemblances avec le Château de Vaux-le-Vicomte du surintendant Fouquet tandis que l’île de Manhattan impressionne avec ses fortifications dans lequel on reconnaît la patte de Vauban.

Jean-Pierre Pécau retrouve son complice Fred Duval pour esquisser les contours d’un Grand Siècle uchronique…
Le Royaume de France n’est plus, tombé sous les coups de boutoirs de l’alliance contre nature entre les Royaumes d’Espagne et d’Angleterre. Après avoir succédé à Louis XIV, son frère Philippe règne désormais sur la Nouvelle France, outre-Atlantique. Mais, tandis que le monarque n’a pas renoncé à reprendre possession des terres de ses ancêtres, contre l’avis de Fouquet et de Colbert, les anglais ont envoyé un agent pour fomenter un retentissant attentat contre la capitale de ce nouveau royaume de France…
Le dessin de Vladimir Aleksic donne corps à ce récit en posant un décor crédible et cohérent où il fait évoluer les personnages fictifs ou historiques qui sont les malheureux acteurs de cette histoire dont nous attendons le dénouement non sans une certaine impatience…
- Nos espions sont formels : Madrid regroupe à Cuba une nouvelle Armada. Des navires de guerre en nombre arrivent tous les jours d’Europe.
- Mais Sire ! Nous avons nos chantiers de Boston, de Long Island et de Baltimore, nous pouvons faire face à une invasion !
- Certes oui, mais pas sans avoir débarrassé l’île de tous nos espions. Trouvons-les Antoine, mais surtout ne les arrête pas, c’est important.
- Je ne comprends pas Sire. Je les traque mais je les laisse en liberté ?
- D’Artagnan t’aurait mieux expliqué que moi quelques ruses de Mazarin qui le tenait lui-même de Richelieu… Faire espionner à l’espion ce que nous souhaitons qu’il espionne, puis le laisser filer vers son maître.dialogue entre Philippe XII t Antoine de Montbéliard