6 avril 1948. Le Latécoère 631, le plus grand et le plus luxueux hydravion jamais construit, prend son envol, cap sur la Martinique, avant de disparaître corps et biens…

A son bord se trouvait 44 passagers qui avaient répondu à un mystérieux jeu concours. Pour chacun d’entre eux, ce voyage était un véritable rayon de soleil dans une vie morne et triste dont ils n’attendaient plus rien… Aux commandes de l’avion, trois amis, anciens vétérans, qui ont connu l’enfer de la seconde guerre mondiale et qui, persuadé qu’une troisième guerre mondiale est imminente ont décidé de permettre à une poignée d’hommes et de femmes cabossés par la vie de goûter au paradis…

Mais tout ne se déroulera pas forcément selon leurs plans…

A l’instar de ce concours né dans l’esprit de Marceau, d’Alice et de Victor, ce Bon Voyage ? est un véritable rayon de soleil dans la morosité ambiante et les menaces qui planent sur nos têtes… Aux commandes de l’album, un scénariste aussi chevronné qu’éclectique et un dessinateur talentueux au trait sensible et délicat qui se retrouvent après KO, La loi du Kanun, Catacombes, Le poids des nuages et La pin-up du B-24…

Le moins que l’on puisse dire c’est que Jack Manini sait y faire pour nous entraîner dans son histoire avec une structure narrative aussi audacieuse qu’efficace : une poignée de personne délaissés par la vie qui, gagnant un étrange concours, allait se voir offrir des vacances de rêve en voyageant à bord d’un avion particulièrement luxueux… Un Latécoère qui décolle… et qui envoie peu avant son amerrissage des messages de détresse avant de ne plus donner signe de vie… Difficile de ne pas avoir furieusement envie de savoir ce qui s’est passé à bord pour que cet avion… D’autant que les passagers, particulièrement attachants, semblaient vraiment mériter cette petite éclaircie dans leur petite vie…

Et là, plutôt que de nous apporter les réponses, le facétieux scénariste nous fait faire un bond de trois ans et deux mois avant le supposé crash de l’avion pour faire la connaissance de Marceau et Victor qui nouèrent une solide amitié durant la seconde guerre mondiale… Avant de croiser Alice qui semble être l’une des seules membres du personnel médical à accueillir les rescapés des camps de concentration à l’Hôtel Lutetia, anciennement siège de l’Abwehr, de la Geheime Feldpolizei et de la Gestapo française, avec la bienveillance et l’humanité qui devrait leur être due. Dans la tête de ces trois-là qui estiment qu’on s’achemine vers la Troisième Guerre mondiale va naître un rêve fou qu’ils vont parvenir à réaliser grâce au mécénat du Parti Communiste français… Le lecteur se doute rapidement que le PC a une sale idée derrière la tête et souhaite utiliser ce voyage pour servir la propagande de Moscou… Et, croyez-moi, on est loin de se douter des nombreux rebondissements qui vont émailler le récit porté par des personnages utopistes particulièrement attachants… Nous n’en dirons pas plus pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte, mais sachez que cet album résolument fell good est l’un de nos gros coups de cœurs de ce joli mois de mai…

J’avoue beaucoup apprécier tout particulièrement le travail graphique de Michel Chevereau, de l’élégance de son trait à la pertinence de ses cadrages… On sent une réelle complicité et une indéniable complémentarité entre ces deux auteurs… D’autant qu’en plus d’en signer l’envoûtant scénario, Jack Manini en signe aussi les couleurs… Le dessinateur parvient à faire une apparente facilité à faire ressortir l’humanité de chaque personnage qu’il met en scène, rendant chacun d’entre eux, de l’équipage aux passagers, particulièrement attachants… Réalisé à la manière des gravures, les pages de gardes de chaque chapitre s’avèrent elles aussi magnifiques, de même que la couverture subtilement rehaussée par un vernis sélectif du plus bel effet.

Après de nombreux albums faits en commun, Jack Manini retrouve Michel Chevereau pour un récit délicieusement fell good qui vient déchirer le temps de la lecture le voile sombre de la morosité ambiante…

Après avoir remporté un concours, une quarantaine d’hommes et de femmes ont l’opportunité, l’espace d’un voyage, d’oublier leur morne quotidien en voyageant tous frais payés vers une destination paradisiaque à bord d’un des fleurons de l’industrie aéronautique française : le Latécoère 631… Ce projet est né dans l’esprit, d’Alice Marceau et Victor qui, persuadé que la Troisième Guerre Mondiale est pour demain, veulent offrir un peu de bonheur à ceux qui en ont bien besoin… Mais, peu avant son amerrissage, l’hydravion transatlantique disparaît corps et biens…

L’élégance du dessin se conjugue avec le scénario plein de surprises et de malice pour donner corps à un album envoûtant qui plus est complété par un sympathique dossier sur cet avion mythique…

- Du rêve pour combien de personnes ?
- Six, sept, peut-être huit personnes… Oui, je sais, c’est pas beaucoup… Mais c’est mieux que r…
- Trouvons un mécène ! Et on remplira l’avion de gens modestes pour des vacances de rêve ! Un fabuleux voyage de millionnaire !
- C’est beau de rêver, mais en pratique, on les choisit comment ces braves gens ?
- On a l’embarras du choix ! Ça pourrait être de braves gens qu’on connaît ou qu’on a juste croisé, et qui n’auraient pas eu de chance dans la viedialogue page 31-32