Tous les trois dimanches, la petite famille se retrouve chez Mémé, à Gaillac, pour manger son traditionnel gigot… Mémé, elle perd un peu la tête et elle parle souvent d’un magot qui serait caché quelque part chez elle… Certains prétendent même que ce serait le trésor de la Commune de Paris… Oui mais voilà, Mémé, elle n’est plus toute jeune elle pourrait oublier où elle les a cachés ces fameux Louis d’or… Pire ! Elle pourrait même mourir sans avoir transmis le secret à ses descendants !
Du haut de ses onze ans, Pilou regarde tout ce petit monde s’agiter chez Mémé… Entre sa mère soixante-huitarde mariée à un espagnol dont le père a combattu Franco, un vendeur de voiture et sa femme qui affiche clairement leurs idées de droite, un cousin fan de Renaud, bien évidemment de gauche, un oncle coiffeur et maniéré et ses grands-parents qui vivent en union libre, il est clair que les raisons de s’enguirlander ne manquent pas… D’autant qu’on est à quelques jours à peine du 10 mai 1981 et que François Mitterrand est devenu président… Et avoir un homme de gauche à l’Elysée, c’est l’assurance d’avoir les chars russes défiler sur les Champs lors du prochain 14 juillet !
Quant à Mémé, elle sait bien que tous aimeraient mettre la main sur son magot… Mais elle n’est pas prête de leur dire où elle a caché ses sous, ces incapables le dépenseraient en deux temps trois mouvements… Mais, entre-nous, l’histoire du magot est loin d’être le seul secret jalousement gardé…
Philippe Pelaez fait partie de ces scénaristes qui ont le vent en poupe… Et il le mérite amplement ! Chacun de ses nouveaux albums s’avère être une délicieuse surprise… et, comme il semble prendre un plaisir jubilatoire et communicatif à explorer des genres et des registres divers et variés, il réalise le tour de force de parvenir à ne pas se répéter malgré le rythme effréné de ses publications…
Dans un registre très théâtrale, le talentueux scénariste nous invite dans l’intimité d’une petite famille ordinaire qui se retrouve autour du gigot dominical… Quasiment muette, la première planche donne le ton : tout le monde se regarde un brin gêné… Quelqu’un a pété… Mais qui ? Le regard de chacun des convives est formidablement expressif mais le suspens et de courte durée puisque le coupable et néanmoins narrateur de l’histoire avoue son « crime » au lecteur avant de lui faire une présentation sommaire mais lucide de chacun des membres de sa petite famille… La tonalité des récitatifs qui nous accompagneront tout au long de l’album s’avère irrésistible et on s’attache bien vite à ce charmant bambin qui va découvrir bien des choses sur ses proches au cours de ce fameux repas… Ce ton décalé est indéniablement l’une des grandes réussite de l’album… Mais c’est loin d’être le seul !
Le scénario démarre doucement avant de s’emballer, sans crier gare, et de partir sur les chapeaux de roues, faisant feu de tout bois, jusqu’au bouquet final, sans jamais utiliser la pédale de frein, nous réservant, sur un rythme effréné, moult scènes cocasses et autant de révélations délicieusement fracassantes qui nous surprennent et nous emportent bien loin de tout ce qu’on pouvait imaginer…
Tout ce petit monde est croqué par un Espé très inspiré qui anime avec malice cette formidable galerie de personnages un brin barré… Le dessinateur adopte un trait caricatural qui entre en résonnance avec le récit débridé de son complice scénariste tant et si bien que leur complémentarité apparait comme une évidence… Les poses théâtrales, la gestuelle savamment étudiée, les expressions et des cadrages de malade rendent la lecture de l’album on ne peut plus jubilatoire… Il y avait longtemps que je n’avais pas autant rit en lisant un album ! Et si l’humour est omniprésent, les deux auteurs posent sur chacun de leurs personnage un regard plein de tendresse qui excuserait presque leurs bassesses et leurs mesquinerie… Difficile par ailleurs de ne pas fondre devant la complicité unissant Pilou et son attachante arrière-grand-mère !
Avec le gigot du dimanche, Philippe Pelaez et Espé nous entraîne dans un récit virevoltant qui se pare des atours de la pièce de théâtre pour nous livrer une comédie grinçante et jubilatoire.
Tous dimanches, la petite famille de Pilou, oncles, tantes et cousins, se retrouvent chez Mémé autour de son traditionnel gigot… Si tous viennent de plus en plus fréquemment, c’est Mémé n’est plus toute jeune… et qu’ils savent qu’elle a caché un magot quelque part dans sa maison de Gaillac ! Il ne manquerait plus qu’elle en oublie la cachette ou, pire !, qu’elle meurt avant de l’avoir révélé !
Portant sur chacun des convives un regard délicieusement enfantin, Pilou est le narrateur de l’histoire… Récitatifs et dialogues s’avèrent savoureux et truculents à souhait alors que cette joyeuse petite bande s’écharpe joyeusement autour de l’élection de François Mitterrand qui déchaîne les passions et révèle les clivages politiques… Mais la petite famille de Mémé n’est pas au bout de ses surprises… et le lecteur non plus ! Car en matière de rebondissements et de révélations fracassantes et inopinée, le scénariste fait fort, alors que le dessinateur anime tout ce petit monde avec un plaisir aussi évident que communicatif.
Il y avait longtemps qu’un album ne nous avait pas fait rire de la sorte ! De ce gigot-là, on en redemande ! Vivement dimanche !
- Et puis, il y a les Louis d’or… Ils ne sont pas à la banque, tes Louis d’or, si ?
- Ah, ces Louis d’or ! Quand même, quelle histoire… C’est ton arrière-arrière-arrière-grand-père, Pilou ! Il était policier dans la capitale en 1903. Il a récupéré les Louis d’or, mais il n’a jamais dit comment… Il paraît que ce sont des Louis volés à la Banque de France pendant la Commune… Tu sais ce que c’est la Commune ? Ce sont les pauvres gens, à Paris, qui se sont révoltés parce qu’ils n’avaient rien à manger et parce que le gouvernement s’était vendu aux allemands ! Tout le monde se vend pour de l’argent, Pilou ! Pour de l’argent, les gens sont prêts à tuer leur père et leur mère ! Voire leur grand-mère…dialogue entre Mémé et sa fille
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