Reno, Nevada, 4 Juillet 1910. Sous la huée du public qui le noient sous un flot d’injures racistes, Jack Johnson monte sur le ring pour défendre son titre de Champion du Monde des poids lourds contre James J. Jeffries, ancien champion invaincu qui sort de sa retraite…
Sûr de lui, arrogant, hâbleur et manipulateur, ce fils d’esclave et premier champion du monde des poids lourd noir de l’histoire est mal aimé des médias et du public. Toute sa vie il s’est battu pour arriver là où il en est et affronter sur le ring l’ancien champion qui, après bien des refus accepte, tant par appât du gain que pour que pour prouver la supériorité de l’homme blanc sur les nègres… Le combat s’annonce mémorable…
Sur le ring, provoquant son adversaire pour le faire sortir de ses gonds, il se souvient…
Le poète américain Adrian Matejka signe un album aussi remarquable qu’édifiant dont le scénario s’articule autour du premier combat du siècle qui opposa deux figures emblématiques de la boxe d’avant-guerre…
Si les rounds de ce combat servent de fil rouge au récit, l’auteur bouscule la trame temporelle à grands renforts de flashbacks et de flashforwards qui viennent compléter et enrichir le saisissant portrait de Jack Johnson en donnant à voir ses multiples facettes, des plus sombres aux plus lumineuses, afin de nous aider à cerner la personnalité complexe du « Géant de Galveston », de ses origines miséreuses où il a sans doute puisé sa rage de vaincre en gagnant sa vie et en se faisant un nom à la force de ses poings, jusqu’à sa mort… Certaines séquences sont tout juste insoutenables, du racisme crasse qui gangrénait la société américaine à certains épisodes de sa vie, tel ce combat où des suprémacistes blancs firent combattre des noirs affamés les yeux bandés, promettant à manger au dernier qui restera debout…
Solidement documenté et truffé d’anecdotes édifiantes, le scénario nous esquisse en creux un portrait glaçant de l’Amérique des débuts du XXe siècle, avec cette fameuse « Color Line » qui interdisaient aux poids lourds blancs d’affronter leur boxeurs noirs ou les émeutes qui suivirent la victoire de Jack Johnson et durant lesquels des noirs furent lynchés.
Si le récit de Adrian Matejka s’avère fascinant, le formidable travail graphique de Youssef Daoudi, talentueux dessinateur marocain à qui on doit notamment
Monk ! Thelonious, Pannonica... une amitié, une révolution musicale, album que tout amateur de jazz se doit de lire… Et il y a quelque chose de très jazzy dans son approche graphique de cette biographie-dessinée et ce n’est pas pour rien que nous avons donné pour titre à notre chronique ce petit bijou de disque composé par Miles Davis pour servir de bande son à un documentaire consacré au célèbre boxeur… Un disque fascinant qui fait par ailleurs une excellente B.O. pour accompagner la lecture de l’album !
La mise en scène de Youssef Daoudi s’avère tout juste fascinante et bluffante d’inventivité, utilisant des pub, affiches, unes de journaux, véritables ou fausses coupures ou dessins de presse pour composer ses planches, oscillant entre bande-dessinée et album illustré, faisant monter le boxeur vieillissant sur la scène d’un théâtre pour lui faire raconter sa vie et son combat, mélangeant les époques et les costumes pour souligner ces bribes de vie qui ont forgé son caractère… Inventif, audacieux et bougrement efficace pour immerger le lecteur dans l’époque !
Le poète américain Adrian Matejka associe sa plume aux crayons virtuoses du dessinateur marocain Youssef Daoudi pour signer un saisissant portrait d’un boxeur hors norme : Jack Johnson, fils d’esclave devenu le premier champion du monde des poids lourds noir de l’histoire…
Le 4 juillet 1910, à Reno, dans le Nevada, Jack Johnson monte sur le ring pour défendre son titre contre James J. Jeffries, l’ancien champion du monde jusqu’alors invaincu qui, après bien des hésitations, a accepté de sortir de sa retraite pour l’affronter… Au fil des rounds, le boxeur se souvient de tous les combats qu’il a dû remporter pour être là en ce jour…
S’appuyant sur une solide documentation, cette biographie-dessinée du Jack Johnson esquisse un portrait nuancé de cet homme arrogant, hâbleur et manipulateur qui dû affronter le racisme et la xénophobie alors que ce combat était destiné à prouver que « l’homme blanc est meilleur qu’un nègre », pour reprendre les propres mots de James J. Jeffries… Et le talent et l’inventivité graphique de Youssef Daoudi n’est pas pour rien dans l’impact de ce récit qui esquisse en creux le portrait d’une Amérique raciste et ségrégationniste.
Ils me détestaient tous quand j’étais champion. Moi, je ne déteste personne. La haine est toxique. Elle vous aveugle et vous tord les entrailles. Imaginez que vous soyez plein de haine… Au point d’imaginer qu’un boxeur blanc au crépuscule de son art… qui a passé quatre ans à la retraite, le ventre plein de bière… un type qui a sa carrière derrière lui… puisse avoir la moindre chance de me résister sur le ring.Jack Johnson