Livourne, 1930. Fille unique d'Amedeo Modigliani, Jeanne cherche à savoir quel homme fut son père, disparu lorsqu’elle n’était qu’une enfant et qu’elle n’a, finalement, pas eu le temps de vraiment connaître…
Peintre de génie doté d’un style fascinant, artiste maudit mort dans la misère, ami et rival de Pablo Picasso, Amedeo Modigliani, qui se rêvait sculpteur, a marqué l’histoire de l’art de son empreinte indélébile… Ce que lui a raconté sa grand-mère, mère du peintre ne lui suffisant pas, Jeanne décide de partir pour Paris, lieu où le Modigliani a vécu, pour y rencontrer Maurice Utrillo, interné à l’Asile de la Pitié-Salpêtrière… Se faisant passer pour la fille d’Utrillo, elle peut s’entretenir avec ce peintre qui fut l’un des grands amis de son père…
Commence alors son récit de la vie d'Amedeo, sa rencontre avec lui au Café de la Rotonde, les années de vache maigre, sa générosité, son amitié avortée avec Picasso, sa rencontre avec Jeanne Hébuterne et cet amour puissant qui devait les lier, jusque dans la mort… La jeune femme se suicida au surlendemain du décès du peintre en se défénestrant… Séparés par dans la mort par la famille de la défunte, Amedeo Modigliani et Jeanne Hébuterne devaient pourtant être réunis pour l’éternité en 1930…
Si Amedeo Modigliani est étrangement absent de la fascinante collection consacrée par Glénat aux grands peintres, ce magnifique album d’Ernesto Anderle n’est pas le premier dédié à cet artiste qui ne connut le succès qu’à titre posthume et qui reste pour beaucoup l’archétype du peintre maudit se plongeant dans les drogue et l’alcool pour noyer et apaiser ses tourments… Scénarisé par Laurent Seksik et somptueusement mis en image par l’impressionnant Fabrice Le Hénanff, Modigliani, prince de la bohème précède ce livre de dix ans… Mais là où cet album explorait la part la plus sombre du peintre bohème, ce Modigliani d’Anderle met plus l’accent sur sa part lumineuse à travers cet amour qu’il vouait à Jeanne Hébuterne…
Le point de départ de l’histoire, cette fille du peintre désireuse de connaître un père parti trop tôt… Elle a cherché des réponses auprès sa grand-mère qui lui parla de son enfance chiche mais heureuse, de son don pour le dessin, de ses voyages à Florence puis à Venise pour étudier l’art pour finir par Paris, centre du monde artistique et culturel de l’époque, ville dangereuse et immorale dont il est revenu, peu de temps, profondément changé… C’est donc tout naturellement que Jeanne Modigliani s’embarque pour Paris pour retrouver la trace de ce père mort alors qu’elle n’avait que quatorze ans… Cette quête du père confère à l’album une coloration toute particulière et le fait que sa vie lui soit raconté par un autre peintre qui fut l’un de ses plus proches amis, rend le récit plus poignant encore…
Et cet amour qui les lie l’un à l’autre est d’une beauté troublante, solaire et fascinante de par la façon qu’à l’artiste à mettre en scène leurs sentiments par des compositions audacieuses et virtuoses portées par un crayonné enlevé et de couleurs envoûtantes évoquant la palette de l’artiste, tous deux vecteurs d’une émotion tout juste bouleversante…
L’auteur truffe son dessin de brillantes trouvailles, tel cette femme vue à travers le verre d’une bouteille ou ces yeux étrangement dénués de pupilles qui évoquent les portraits si troublants du peintre italien. Ernesto Anderle fait montre d’une formidable inventivité pour nous entraîner dans l’intimité de Modigliani, déformant les apparences pour montrer l’emportement d’un Renoir ou la tristesse du peintre de voir Picasso trahir leur amitié… Et il y a cette poésie qui dépeint avec une beauté désarmante ces purs moments de grâce où Jeanne et Amedeo ont vu leur âme chavirer et le corps s’entremêler, autant de moments lumineux qui estompent la part d’ombre du peintre, la boisson à laquelle il s’abandonne alors que la pauvreté le mine et que la maladie le ronge, inexorablement…
Pour achever de nous emporter avec cet amour hors du temps, il y a cette apaisante folie de Jeanne Modigliani qui entraîne dans son sillage Maurice Utrillo pour rendre un dernier hommage aux amants séparés par la mort et le ressentiment de la famille de Jeanne…
Compatriote de Modigliani, Ernesto Anderle esquisse un portrait poétique du « dernier des bohémiens authentiques » comme le désignait Adolphe Basler, critique d’art et ami du peintre…
Livourn, 1930. Après avoir interrogé sa grand-mère sur son père emporté trop tôt par la maladie, Jeanne Modigliani se rend à Paris où elle rencontre Maurice Utrillo… Interné à l’asile de la Pitié-Salpêtrière, ce dernier va lui parler de cet homme dont il fut l’ami et le compagnon d’infortune, du scandale de son nu couché, à la reconnaissance de ses pairs, de son talent qui ne rencontra pas son public, de la misère et de sa formidable histoire d’amour avec Jeanne Hébuterne…
L’album est truffé d’anecdotes qui complètent le portrait de Modigliani et contraste avec l’image qu’on peut avoir de lui : un peintre maudit, rongé par l’alcool et la maladie qui ne connut pas le succès de son vivant. Les trouvailles graphiques de d’Ernesto Anderle s’avèrent fascinantes et exaltent la part lumineuse de ce dandy orgueilleux qui cachait peut-être son mal-être derrière son exubérance… Le biais narratif qui voit son ami raconter à Jeanne l’homme que fut son père rend l’histoire particulièrement poignante alors que le dessin épuré et plein d’élégance de l’artiste italien ajoute encore au charme de l’album et met en scène cette histoire d’amour fascinante qu’il vécut avec Jeanne Hébuterne…
- Ça va ?
- Hein ?
- Pourquoi tu n parles plus ?
- Tes yeux…
- Qu’est-ce qu’ils ont mes yeux ?
- Ils sont bizarres… Ils ont comme une lumière à l’intérieur.dialogue entre Amedeo Modigliani et Maurice Utrillo
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