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Les Évasions perdues
Les Évasions perdues - Stablack, l'université de la collaboration



Fiche descriptive

Histoire

Les Évasions perdues - Stablack, l'université de la collaboration

Thomas Legrand

François Warzala

François Warzala

Rue de Sèvres

18 septembre 2024


22€

9782810208777

Chronique
Les Évasions perdues
la grande illusion

Lorsque la France s'effondre en juin 1940, Jacques Leboy se retrouve comme tant d'autres déporté vers l'est sans aucune certitude sur son avenir.

Arrivé au terme de son voyage au camp de Stalback, il est assigné à un segment du stalag 1A peu commun. Cette section dite « aspilag », fruit d'un accord entre les autorités nazies et le gouvernement de Vichy, était en effet destinée à n'accueillir que des aspirants officiers de l'armée française vaincue.

Dans ce camp-université, un seul but : former une élite française pour la « nouvelle europe » d'après la victoire allemande. Au gré de sa captivité et de ses tentatives d'évasions, Jacques questionnera tour à tour ses choix politiques et moraux, ainsi que sa foi en la religion et en l'humanité.

Jusqu'à pouvoir, près de quarante ans plus tard, raconter ce pan méconnu de l'histoire à son plus jeune fils.
un excellent album!


la grande illusion
Les Évasions perdues - Stablack, l'université de la collaboration, planche de l'album © Rue de Sèvres / Warzala / LegrandLorsque la guerre éclate de 3 septembre 1944, Jacques Leboy, étudiant de dix-neuf ans issu de la grande bourgeoisie, rêvait d’intégrer Saint-Cyr. Devançant la mobilisation de sa classe d’âge et après une formation expresse d’à peine trois mois, le voilà à la tête d’une section de quarante tirailleurs algériens.

Commence alors une drôle de guerre où aucun des belligérants ne passe à l’offensive. Doté d’un uniforme et d’armes d’un autre temps, l’aspirant commence à douter des compétences de ses officiers supérieurs… Lorsque l’armée allemande, mieux préparée et mieux équipée que l’armée française passe à l’offensive, sans ordre de leur hiérarchie, le lieutenant ne peut que se rendre…

Déporté vers l’est avec d’autres aspirants, il finit par échouer dans la section « aspilag » du Stalag 1A, un camp-université fruit d’accords entre les autorités nazies et le gouvernement de Vichy et dont l’objectif est de former l’élite française de la « Nouvelle Europe » qui naîtra de la victoire allemande. Au cœur de ce camp, Jacques éprouvera sa foi et ses convictions politiques et morales…


Les Évasions perdues - Stablack, l'université de la collaboration, planche de l'album © Rue de Sèvres / Warzala / Legrand
un jeune homme idéaliste dans la tourmente de la guerre
Thomas Legrand signe un album particulièrement poignant et ce d’autant plus lorsqu’on sait que le récit est largement inspiré de la vie de son père, Marcel Legrand qui, sous le nom de Jacques Leboy, est le héros de l’histoire…

Le titre s’avère particulièrement subtil car, à la manière de vers surréalistes, il en dit beaucoup plus que les mots qui le compose… On comprend qu’on y parlera d’évasions manquées mais aussi, et surtout même peut-être, d’illusions perdues, référence au roman éponyme d'Honoré de Balzac qui s’intègre dans Comédie humaine

Le biais narratif choisit par le scénariste s’avère particulièrement entraînant : fraîchement installés en région parisienne, l’auteur et son épouse sont invités par des voisins dont le patronyme fait tiquer l’auteur… Pour en expliquer la raison, il va raconter à sa femme ce que son père lui a lui-même confié l’année de ses 19 ans et qu’il avait gardé pour lui durant des années. On découvre alors un jeune homme croyant et idéaliste qui va s’engager pour défendre son pays et faire l’amer constat que son armée n’est absolument pas préparée à la guerre… La description du quotidien à l’intérieur du Stalag s’avère aussi glaçante que fascinante, avec les brimades quotidiennes, la suspicion de mouchards qui rapporteraient leurs faits et gestes aux autorités du camp et la façon dont les gouvernements français et allemands collaborent à son organisation…

Les Évasions perdues - Stablack, l'université de la collaboration, planche de l'album © Rue de Sèvres / Warzala / LegrandOn y retrouve en miniature les clivages d’une société française plus morcelée que jamais, entre ceux qui pointent la crise morale du pays et vilipendent les juifs qu’ils jugent responsable de la défaite, ceux qui se laissent porter par les évènements sans y prendre part, ceux qui pensent que de Gaulle et Pétain ont passé un accord secret pour sauver le pays, ceux qui abandonnent leur destin entre les mains du vainqueur de Verdun et ceux qui refusant la défaite ne rêve que de s’enfuir pour poursuivre le combat… Le bouleversement idéologique et moral engendré par la défaite est formidablement retranscrit par le scénario qui nous entraîne dans l’intimité d’un homme ordinaire qui, malgré les épreuves et les doutes, a su maintenir le cap de ses convictions…

Certaines séquences sont d’une intensité dramatique saisissante, telle celles des brimades infligées aux prisonniers, celle du discours hallucinant du général Didelet ou la séquence du train qui s’avère tout juste bouleversante…

Thomas Legrand retrouve pour l’occasion François Warzala avec qui il avait signé sa passionnante Histoire de la Ve République paru aux arènes… Le dessinateur de la trilogie berlinoise, brillante adaptation du roman de Philip Kerr qui nous entraînait dans le Berlin des années noires signe une fois encore un album fascinant, son trait épuré étant d’une remarquable efficacité. Dressant le portrait d’une époque en esquissant celle d’un jeune homme qui allait perdre ses illusions mais pas son humanité, il compose des planches fluides et immersives, retranscrivant avec virtuosité les questionnements de Jacques Leboy, avatar du père du scénariste…

Les Évasions perdues - Stablack, l'université de la collaboration, planche de l'album © Rue de Sèvres / Warzala / LegrandComme Tiburce Oger a si bien raconté l’internement de son grand-père à Dachau dans Ma guerre - de la Rochelle à Dachau ou David Sala son enfance à l’ombre des héros familiaux dans Le Poids des Héros, Thomas Legrand nous raconte la guerre de son père, capturé au moment du déclenchement des hostilité et qui a passé de longues années de captivité dans un stalag à l’autre bout de l’Europe…

Lorsque la guerre éclate, Jacques Leboy devance son engagement et se retrouve, après une formation minimaliste, à la tête d’une section de tirailleurs. Faute d’équipement et en l’absence d’ordres, il ne put que déposer les armes devant le rouleau de compresseur allemand… Il sera détenu au Stalag 1A où autorités allemande et françaises collaboraient pour former la future élite française de l’Europe qui naîtra sur les ruines de l’ancienne… Ses conditions de captivités allaient ébranler ses certitudes et ses convictions mais il tentera plusieurs fois de s’évader pour poursuivre le combat…

Porté par un titre fort bien trouvé évoquant tant les évasions manquées que les illusions perdues, Les Évasions perdues est un ouvrage aussi poignant qu’édifiant qui nous décrit l’itinéraire d’un jeune homme idéaliste confronté à une micro-société où s’incarne en miniature la société française. Le dessin épuré de François Warzala avec qui Thomas Legrand avait déjà signé l’Histoire de la Ve République met joliment en partition ce récit fortement inspiré de la vie du père de l’auteur… Complété par un passionnant dossier, Les Évasions perdues - Stablack, l'université de la collaboration met en lumière un camp de prisonnier méconnu du grand public tout en proposant un récit entraînant plein d’émotion et d’humanité…


Mon Dieu, réveillez-moi de ce mauvais rêve ! Ils ont signé l’armistice ! On n s’est même pas battu ! Que sont devenus mes tirailleurs ? Quel crime… Et Paule, Thérèse, Albert, Bernard, Geneviève, Michèle… Mes frères et sœurs, où sont-ils ? Et moi, qui suis-je maintenant ? Mon Dieu, éclairez-moi !dialogue entre

Le Korrigan




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