Fiche descriptive Histoire Cédric Apikian Denis Rodier Denis Rodier Glénat 1000 Feuilles 16 octobre 2024 23€
9782344054314 Chronique La 3e Kamera Derrière les clichés |
Berlin, 1945. Le Reich n’est plus et la ville n’est plus que ruines fumantes où germera la graine de la guerre froide… Durant la guerre qui vient de s’achever, des « Propaganda Kompanien », soldats-reporters placés sous les ordres de Goebbels et dont les images devaient alimenter la propagande nazie… Egon Krabe était de ceux_là…… Dans le chaos qui règne dans l’ancienne capitale du IIIe Reich, chacun s’organise comme il peut pour survivre… Manquant de tout, les russes organisent le marché noir, des femmes subissent la violence des hommes et des enfants crèvent de faim tandis que le Counter Intelligence Corps cherche à mettre la main sur les clichés réalisés par les Propaganda Kompanien pour qu’ils servent de preuves irréfutables lors du procès de Nuremberg… Mais ce ne sont pas tant les images de propagandes qu’ils espèrent trouver, mais bien ceux pris par la « troisième caméra », celle que les journalistes du Reich emportaient avec eux en plus des deux appareils officiels, pour prendre des clichés officieux du conflit… Krabe compte utiliser sa troisième camera pour faire chanter l’Hauptsturmführer Strauss qui se cache dans les décombres de la cité pour y poursuivre ses crimes… un récit historique qui nous entraîne dans les coulisses de l’histoire S’associant à l’impressionnant Christian Rossi, Cédric Apikian, réalisateur, nous avait bluffé avec sa ballade du soldat Odawaa, récit âpre, poétique et crépusculaire qui nous entraînait dans la boue des tranchées de la Grande Guerre et qui était son premier album… Cinq années après, il revient avec un récit historique glaçant qui nous entraîne dans les décombres de Berlin à l’issue de la seconde Guerre Mondiale… Il s’associe pour l’occasion à Denis Rodier qui a signé les dessins de la Bombe, petit chef d’œuvre d’Alcante et Laurent-Frédéric Bollée…Conjugué aux dessins charbonneux de Denis Rodier, le scénario âpre et rugueux de Cédric Apikian nous immerge d’emblée dans une Allemagne en pleine déroute avant de nous immerger au cœur d’une ville qui n’est plus qu’un champ de ruine hanté par des fantômes et sillonnées par les soldats russes et américains… Les auteurs parviennent à saisir cette atmosphère fin de règne et le chaos qui régnait alors dans la ville, comme avait si bien su le faire Nicolas Junker avec son saisissant Seules à Berlin... La vie n’y tenait alors qu’à un fil alors que pour la population s’efforçait de survivre dans un monde ravagé par la folie des hommes… La violence qui était alors le lot quotidien des allemands et formidablement bien retranscrite alors que de ces ruines fumantes s’élève le mal absolu en la personne de Strauss, avatar abjecte et immonde du colonel Walter E. Kurtz de l’Apocalypse now de Coppola dont l’ombre inquiétante et écrasante plane sur l’album, tel un Werwolf régnant sur sa meute… un dessin charbonneux qui restitue avec force le chaos sans nom qui régnait à Berlion D’inspiration très cinématographique, le découpage de l’album est d’une redoutable efficacité et d’une rare intensité… Le jeu sur les contrastes, ces ombres qui se détachent et structurent tant les cases que les planches confèrent à l’ensemble une ambiance crépusculaire malsaine et corrosive… Alors que l’on suit de loin en loin Egon Krabe dont l’histoire se révèle par bribe au fil de ses dires et de son interrogatoire, on s’enfonce à chaque séquence un peu plus dans les ténèbres d’où pourraient ressurgir des monstruosités qu’on pensait, peut-être à tort, vaincues… La fin, cinglante qui résonnera durablement dans l’esprit du lecteur, laisse apparaître toute la finesse et la subtilité de l’écriture et la pertinence du découpage de chaque séquence, mettant en lumière les discrets jalons savamment placés par le scénariste… Difficile de ne pas être pris du désir de se replonger dans l’album pour mieux comprendre comment les rouages de l’implacable machinerie se sont mis en marche, broyant nos certitudes et nos idées reçues… Pour composer son scénario, Cédric Apikian s’appuie pour se faire sur une solide documentation historique, nous dévoilant notamment les coulisses de la construction d’une image désormais devenue culte, celle des soldats russes dressant leur drapeau sur le Reichtag… ou cette étrange double arrestation de Walter Frentz qui fut l’un des plus éminents reporters de guerre du IIIe Reich, celui chargé de suivre le Führer en personne.L’album est par ailleurs somptueusement édité avec cette couverture en clair-obscur mise en valeur par une peinture métallisée attirant l’attention du chaland sur cette fameuse « troisième caméra »… Le livre est par ailleurs complété par un copieux dossier signé par Nicolas Férard, auteur de Propaganda Kompanien - Reporters du IIIe Reich, le tout enrichi de clichés pris par ces fameux Propaganda Kompanien qui sont au cœur de l’histoire… Après la ballade du soldat Odawaa, premier album sombre et poétique parfaitement maîtrisé mis en image par Christian Rossi, Cédric Apikian nous entraîne dans un Berlin transformé en champ de ruine… Arrêté par les autorités américaines, Walter Frentz fut soldat dans la « Propaganda Kompanien ». Placés sous les ordres de Goebbels, ces hommes étaient chargés de nourrir la propagande du régime nazi avec des photos… Témoin de bien des exactions, Egon Krabe était de ceux-là et les clichés officieux qu’il a pu prendre sur son troisième appareil photo intéressent au plus haut point les agents de la Counter Intelligence Corps chargés de réunir des preuves irréfutables en vue du procès de Nuremberg… Porté par une mécanique implacable qui laissera le lecteur médusé, le brillant scénario de Cédric Apikian est remarquablement bien servi par le trait charbonneux et réaliste de Denis Rodier. Ses compositions tout en contrastes et très cinématographiques contribuent à immerger le lecteur au cœur du chaos qui régnait dans les rues ravagées de Berlin… Aussi glaçant qu’édifiant et s’appuyant sur une solide documentation historique cette 3e Kamera ravira tant les amateurs d’Histoire que de scénarios délicieusement tortueux et alambiqués… Vous savez, je n’ai rien produit… Je n’ai fait que reproduire…Egon Krabe
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