     Douarnenez, 1924. Comme beaucoup de ses congénère, Mona travaille comme ouvrière dans l’une des usines de sardines de Douarnez.
Ses journées sont rythmées par l’arrivée des bateaux à bord desquels travaillent les hommes et la cloche qui les appellent à la tâche… Au fil du temps, elle supporte de plus en plus mal les cadences infernales imposées par les contremaîtresses tyranniques, la paye miséreuse qui leur laisse à peine de quoi vivre et la dureté du travail… Devinant qu’elle était enceinte, son mari pense qu’il est temps d’envoyer leur fille travailler, même si elle n’a pas l’âge requis… Mais en novembre, une poigné de sardinières se mettent en grève, en entraînant d’autres dans leurs sillage… Mona fait fi des remontrances de son mari et décide de se joindre au mouvement, malgré les dires de sa mère qui fut de la grande grève de l’été 1905 et qui, après avoir cru faire céder les patrons, a vu ses conditions de travail se détériorer plus encore…
Mais Mona se prend à rêver d’un avenir meilleur alors que le cortège des manifestants s’étoffe au fil des jours, avec le soutien du maire de la ville, Daniel Le Flanchec… Les cantiques bretons qui rythmaient jusqu’alors leur quotidien de labeur sont remplacés par le chant revigorant et fédérateur des Penn-Sardin en lutte…
 Alors que les acquis sociaux chèrement acquis par nos aînés sont attaqués de toutes part, il est bon de se souvenir que seul le rapport de force peut contraindre les puissants à écouter les légitimes revendications du peuple…
C’était il y a un siècle, autant dire une éternité, à une époque où les femmes n’avaient pas vraiment le droit au chapitre et devait se soumettre à leur mari, à leur patron, à la bien-pensance du curé soucieux que rien ne vienne bouleverser l’ordre établi, une époque où il semblait normal qu’une femme gagne moins que son homme… Une époque où la crise de la sardine et la concurrence espagnole ont vu fermer bon nombre de sardineries et les patrons rogner sur les salaires et dégrader les conditions de travail de leurs ouvriers pour maintenir leurs usines à flot…
Le scénario de Leah Touitou retranscrit avec justesse la misère des douarnesiens qui gagnaient une misère pour un travail harassant… Mais comment oser protester quand l’usine embauche toute la famille, faisant même travailler illégalement des enfants arrachés trop tôt à l’école car le maigre salaire qu’ils pouvaient rapporter était nécessaire pour pouvoir survivre ? Les sardinières de l’usine Carnaud osèrent pourtant se mettre en grève et c’est peu dire que leur courage et leur exemple allait faire des émules… Bientôt rejoint par les pêcheurs, le conflit bénéficia d’une forte médiatisation et le ministre reçu patrons et ouvrières, soutenues par les syndicats, pour tenter de les aider à trouver une conciliation… en vain… C’est une femme, Madame Quéro, propriétaire d’une sardinière qui allait la première conclure un accord avec les grévistes et rouvrir son usine… Alors que les paysans soutenaient l’effort de grève en envoyant des denrées, les caisses de grève furent alimentées par des souscriptions nationales et les briseurs de grèves envoyé par le patronat n’y changea rien : la lutte amorcée par les sardinière allait porter ses fruits…
 Le récit humaniste mêle la petite et la grande histoire en s’attardant sur une de ces familles dont le sort dépendait entièrement d’une usine. Cela confère toute sa force au récit car ce ne sont pas des sardinières anonymes mais des êtres de chair et de sang… Voir ce peuple en marche pour défendre ses conditions de vie et de travail a quelque chose de profondément exaltant et si leur lutte a été couronnée de succès, il suffit de regarder les écarts de salaire existant entre hommes et femmes pour comprendre qu’il reste encore beaucoup à faire, non seulement pour préserver nos acquis sociaux mais aussi pour parvenir à imposer plus de justice sociale à nos sociétés occidentales…
Le dessin généreux de Max Lewko donne vie à des personnages poignants qui portent littéralement le récit grâce à des dialogues d’une rare justesse. Son découpage s’avère tout à la fois sombre et efficace, servant remarquablement bien le propos. Ses cadrages nous immergent dans l’âpre quotidien des sardinières et montrent avec art la colère qui monte et va crescendo jusqu’à ce, n’en pouvant plus, les femmes osent se mettre en grève, malgré les risques encourus pour eux et leur famille… La couverture, montrant deux jeunes femmes, l’une inquiète l’autre en apparence ravie, de voir passer devant eux le cortèges des manifestantes donne à elle seule la tonalité de l’album, écartelé entre gravité et exaltation…
 Ce passionnant récit aux accents résolument féministes nous comptent la seconde grève des sardinières qui vit les femmes de Douarnez se mettre en grève pour revendiquer des conditions de travail et un salaire décent…
Mona et sa famille travaillent pour une usine de sardine qui les rétribuent une misère pour un travail harassant. Lorsque les sardinières de l’usine Carnaud se met en grève, elles vont être suivies par d’autres fabriques sous l’impulsion de femmes qui vont s’émanciper de leur mari, du prêtre de la paroisse et de la pression des patrons… Des soutiens viendront de toutes part et la forte médiatisation du conflit allait contraindre le ministre du travail à recevoir patron et ouvrière pour tenter de trouver une conciliation… Les patrons refusèrent de céder mais, malgré les risques encourus, les sardinières tinrent bon…
Aussi bouleversant que revigorant, Le Choeur des sardinières nous rappelle, à travers une lutte sociale s’étant déroulée il y a près d’un siècle combien les travailleurs, unis, peuvent obtenir des améliorations de leurs conditions de travail et de leurs salaires… Si les légitimes revendications des sardinières ont pu obtenir gain de cause, pourquoi en serait-il autrement si les travailleurs décidaient de défendre, ensemble, leurs acquis sociaux et de lutter pour un monde plus juste ? Le dessin généreux de Max Lewko donne vie à cette poignée de personnage qui, en incarnant la lutte d’un collectif, confèrent toute sa force au récit… Un bien bel album à mettre entre toutes les mains à l’heure où l’intérêt pour le syndicalisme s’émousse alors que les acquis sociaux de ces 100 dernières années l’ont tous été grâce à l’action syndicale…
- Elle est dégourdie notre Soazig… Pis chez Chancerelle, c’est pas les pires.
- C’est ça qu’on espère pour nos enfants Marie, « pas ls pires » ?
- ‘Phine, on a quel autre choix ?
- Comme on a dit : être payées plus ! C’est pareil ici, à la consrverie, à la pêche… Tout le monde crève… Faudra bien que ça change. dialogue page 40
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