Février 1794. Le Fieffé Coquin, fier navire pirate, aborde un navire marchand qui affale les voiles un peu trop vite au goût de Louis, artiste canonnier qui espérait poursuivre sa leçon… Mais le butin est maigre : quelques tonneaux de vins, des pommes, des pruneaux et Joseph Dombey, un savant français qui protège une étrange mallette comme la prunelle de ses yeux…

Il prétend avoir été envoyé par le gouvernement révolutionnaire français pour rencontrer Thomas Jefferson, président des tous jeunes Etats-Unis d’Amériques, afin de lui remettre un mètre décimal étalon, un kilogramme et une un contenant d’un litre, décimaux eux aussi, fruits du travail des meilleurs savants français…Mais nos joyeux pirates ne s’en laissent pas conter : ils savent que le savant transporte une arme secrète pour les éradiquer ! Aussi décident-ils d’enfermer Joseph Dombey sur leur île de Cocagna pour le forcer leur avouer la vérité !

Après leur jubilatoire Bibliomule de Cordoue, Wilfrid Lupano et Léonard Chemineau se retrouvent pour nous entraîner dans un récit d’aventure déjanté qui se déroulant au cœur des Caraïbes, dans le sillage d’un savant poissard et de pirates joyeusement barrés qui semblent définitivement perdus pour la science…

Force est de reconnaître que duo d’auteurs fonctionne à merveille : le scénario totalement déjanté mais parfaitement maîtrisé du scénariste des Vieux Fourneaux aux personnages joyeusement iconoclastes et totalement azimutés en passant par les dialogues irrésistibles et follement décalés, sont au diapason du trait follement expressif de Léonard Chemineau qui sort une fois encore de sa zone de conforte et force allégrement le trait pour donner vie à au protagoniste de l’histoire en leur conférant des postures et des expressions délicieusement théâtrales…

Sûr de son fait et de l’importance de sa mission, le savant semble quelque peu perdu devant ces pirates décérébrés qui préfèrent, et de loin user de mille et une unités plus ou moins locale, plutôt que de voir toute celles-ci harmonisées… « Ni Dieu, ni mètre (décimal) » comme dirait l’autre ! Mais si le récit est totalement barré, sa structure s’avère savoureuse…

Car, si on s’attend au vu de la couverture à découvrir un récit d’aventure mâtiné de sciences, les premières planches de l’album s’avère on ne peut plus déstabilisantes… On y suit le lancement de Mars Orbiter, sonde bardé d’appareils de mesure ultra-performants, fruit de la collaboration des programmes spatiaux européen et américains… Mais celle-ci s’écrase bêtement à la surface de Mars, ruinant des années de travail acharné… Que fait donc cette étrange séquence à l’amorce du récit ! Quel étrange rapport relie cette séquence aux aventures de nos pirates joyeux et décérébrés ? On suit les (més)aventure loufoques et rocambolesques de notre scientifique missionné par le gouvernement révolutionnaire et on oublie ce singulier prologue… L’épilogue n’en est que plus percutant ! Et follement drôle, malgré les milliards de dollars engloutis dans le projet et (très) bêtement partis en fumée… Il n’y a pas à dire, il sait y faire en matière de narration ce Wilfrid Lupano !

Joliment maquettée et donnant un aperçu du joyeux bordel qui règne sur l’île de Cocagna, la couverture donne furieusement envie de se plonger dans la lecture de l’album, entre ce savant prêt à donner sa vie pour défendre son précieux coffret, d’étrange poulets des montagnes, d’inquiétants pirates, un capitaine qui ne semble pas avoir la lumière à tous les étages, une gamine coincée dans son tonneau, une jungle hostile, un poivrot et.. une sonde spatiale ???

Quatre années après leur jubilatoire Bibliomule de Cordoue, le duo formé par Wilfrid Lupano et Léonard Chemineau se reforme pour un récit enthousiasmant qui nous entraîne dans les caraïbes à la suite d’un scientifique chargé par la France d’apporter au Président Jefferson de nouveaux outils de mesures…

Las ! Son navire est attaqué par une bande de pirates qui, ne trouvant rien d’autre que quelques tonneaux, du poulet et des pruneaux décide de l’emporter comme butin, avec sa mystérieuse mallette qu’ils soupçonne de contenir une arme secrète contre les pirates tant ses explications et son charabia de savant enrubanné sont hors de leur portée intellectuelle… Comprenant qu’il ne pourra pas les convaincre de l’importance cruciale de sa mission et de la révolution scientifique qu’apportera ces nouveaux étalons de mesure, le savant décide de tenter de s’évader, comptant sur son intelligence supérieure et sa capacité à survivre dans une jungle hostile… C’était oublier un peu vite qu’il était un sacré poissard !

Un récit aventureux, déjanté et entraînant, des personnages iconoclastes totalement foutraques, des dialogues absolument irrésistibles, des péripéties improbables, un dessin délicieusement théâtral, de douteux poulets des montagnes et le mystérieux cachiyouyou… Autant de raisons de ne pas passer à côté de ce récit scientifique et romanesquement loufoque… Donnant clairement mal au ventre (à force de rire), ce Mètre des Caraïbes est l’une des petite merveille humoristique de cette rentrée littéraire…

- C’est inadmissible ! Inadmissible ! Lâchez ça, vous ! Bas les pattes, Ou vous en répondrez devant la République Française ! Vous n’avez aucune idée de qui je suis ! Et vous n’allez pas tarder à l’apprendre !
- Qu’est-ce que c’est que ce zigue à rubans ?
- Un savant. On l’a embarqué à Fort de France et depuis il nous met la tête à l’envers.- dialogue entre le savant, deux capitaines (dont un pirate)