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Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans ?)
Parler de moi en quelques mots, ça ne va pas être simple, mais je vais faire le plus court que je peux.
Née un 18 avril 1969, j'ai très vite une attirance pour les livres. J'apprends à lire très tôt, mais ne suis pas scolaire. Ce que je veux c'est être plongée dans de très gros romans d'aventure. La BD ne fait pas encore partie de ma vie. C'est vers l'âge de 13-14 ans, faisant du babysitting chez mon prof principal que je découvre tous les grands classiques. Je sors de la scolarité à 15 ans, aimerais devenir libraire, trop jeune, pas assez étudié, je ne trouve pas de place d'apprentissage. Je me rabats sur un apprentissage de trois ans de couturière, pas manuelle (sauf gros travaux) j'ai détesté mais réussi mes examens. J'ai 20 ans, je veux toujours être libraire. Je cherche une place, la trouve et l'aventure commence. Je m'occupe du rayon de livres pour la jeunesse et de la BD. Je n'ai jamais quitté la BD depuis. En 2015 on me propose d'écrire "une" chronique le site « Un amour de BD » pour le titre Wonderland de Tom Tirabosco. Une chronique est devenue deux, puis trois chroniques par mois. Le site ferme en 2019, trois personnes me proposent d'œuvrer pour eux. Mon choix se porte pour Stéphane Berducat de L'accro des bulles. Je commence à écrire pour lui le 8 janvier 2020. Je suis donc libraire spé BD depuis 33 ans et chroniqueuse depuis 8 ans.
Mes qualités : je dirais juste la franchise et le respect. Mes passions : la lecture, BD surtout, mais aussi des polars bien trash, la psychologie et des ouvrages historiques.
Je suis libraire, donc pauvre, mère seule vivant avec ma fille de 21 ans autiste entièrement à ma charge. Donc non, je ne suis pas une Suissesse super riche Lol !

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Enfant, quelle lectrice étais-tu et quels étaient tes livres de chevet ? La BD a-t-elle toujours occupé une place de choix ?
Dans ma présentation, j'ai déjà un peu répondu à ces questions. Très très grande lectrice. Plusieurs romans par semaine et plus ils avaient de pages mieux c'était. Déjà un goût pour le sombre, le gore et le trash. Stephen King ado et surtout les histoires de vampires, d’aventures en général. Pas fleur bleue pour un sou. Première immersion dans la BD à 13-14 ans avec les grands classiques : Lucky Luke, Astérix, Gaston etc... Pas trop fan de cet art, j'aime mieux m'imaginer mes personnages, je me retrouve malgré tout, à 20 ans, à m’occuper d’un rayon BD-Jeunesse. Première bande dessinée que je lis "Silence" de Comes. Ce titre a suffi pour que je me retrouve à bouloter plus de 600 BD par année....
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Devenir libraire de BD, était-ce un rêve de gosse ?
J'avais trois métiers en tête enfant : libraire - médecin légiste (des études bien trop longues) - croque mort. Je suis peu sociable, j'ai choisi celui où je côtoie le plus de monde, va comprendre !
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Quelles sont selon toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
Ce que j'aime le plus dans mon métier : pouvoir proposer avec passion les recueils que j'ai lus et aimés. Le conseil, il n’y a rien de mieux. Les difficultés je n’en vois pas vraiment, mis à part ce que beaucoup de personnes ne savent pas, c'est un métier physique. La BD c'est lourd.
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Je veux bien te croire pour l’aspect physique du métier… As-tu déjà estimé le nombre de kilos de BD que tu transbahutes chaque semaine ?
Nous avons tous les jours notre réassort à faire ce qui fait un chariot. En fin d’année celui-ci est plus grand et rempli à ras bord. Du mardi au samedi des arrivages, ce qui vaut, suivant le jour et la période, à une colonne (5 caisses) à parfois une ou deux palettes en fin d’année. Une palette de 20 caisses. Je ne saurais te dire le chiffre en kilo, mais tu peux te l’imaginer…
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Et quelles sont qualités d’une (bonne) libraire ?
La première qualité d'un bon libraire est l'accueil et la passion. Bon, je râle tout le temps, je suis un peu un ours, mais je voue une passion et un amour pour mon métier que j’aime partager avec ma clientèle.

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Quels sont tes grands coups de cœur de l’année qui vient de s’écouler ? Quels titres prévus en 2024 attends-tu avec une impatience fébrile ?
Cette année j’ai découvert le comics, dont j’étais toujours passée à côté. Jeff Lemire et Le labyrinthe inachevé fut un de mes très gros coup de cœur. Mais il y a aussi : Les deux tomes de Nero (j’attends le troisième avec impatience). Les deux volumes des
The Nice house on the lake.
Do a Power bomb, Emkla de Peggy Adam,
Loire de Davodeau, La pièce manquante, dernier volume de la trilogie anglaise de Harambat. Comme tu peux le voir, j’ai des goûts variés.
Pour 2024, j’attends le deuxième tome de
Brume chez Glénat,
Deux Sœur de Duhamel chez Bamboo,
Tokyo Mystery Café de l’Atelier Santo chez Dupuis, Le dernier tome de
Saint-Elme de Peeters. Je n’ai pas en tête ce qui vient après mars… Ah oui et le nouveau Jeff Lemire
Snow Angels et
La Route de Larcenet.
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Parmi les scénaristes talentueux dont tu suis chaque publication avec intérêt, lequel conseillerais-tu à un lecteur désireux de découvrir de nouveaux auteurs ?
Je suis une lectrice absolue des titres de . J’ai de la chance, il m’envoie en avant-première la plupart de ses titres. , bien sûr. , . et . Après il y a beaucoup d’auteur BD qui font les deux, texte et dessin que j’aime beaucoup.
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On parle souvent d’une crise de la franco-belge qui peine à renouveler son lectorat… Quel est ton avis sur la question ? Plus généralement, comment vois-tu l’évolution du marché de la BD ces dernières années ?
Pour la crise de la BD franco-belge, ou dite classique, je pense surtout que c’est un problème d’éditeur. Je ne crois pas qu’ils reçoivent moins de propositions. La nouvelle vague est au « roman graphique », terme qui me dérange un peu. C’est une appellation employée par un certain lectorat qui le préfère à la bande dessinée. Mais il est avant tout de plus en plus utilisé dans le milieu de l’édition il est donc normal que les gens s’y perdent. La mode est aux gros pavés de plus de 150 pages. Je suis de la vieille école, pour moi à partir du moment qu’il y a des phylactères c’est une BD. Le lectorat de la BD dite « classique » est négligé et je trouve cela dommage. Cette clientèle-là ne va pas forcément se tourner vers ce nouveau support éditorial. Il faudrait trouver un juste milieu, il y a de la place pour tous les styles de BD.

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Peux-tu en quelques mots nous parler de la librairie où tu travailles ?
C’est une librairie généraliste située à Lausanne de près de 2000m2. Une des plus grandes de Suisse romande avec notre succursale de Genève. Nous sommes 14 magasins, et nous avons en plus un lieu dédié uniquement aux traitement des commandes passées sur notre site internet.
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Concrètement, comment se déroule la journée type d’une libraire ?
Le magasin ouvre à 9h et ferme à 19h, les samedis à 18h. Nous commençons par le réassort et passons nos commandes. Après nous mettons en place nos arrivages. Nous travaillons également les nouveautés avec les représentants. Le lundi c’est plus calme et nous n’avons pas d’arrivage. On fait du rangement, on écrit nos coups de cœur et moi je prépare parfois l’ébauche de ma prochaine chronique. Tout au cours de la journée, nous accueillons et conseillons nos clients. Je travaille également en début d’année, avec un binôme, sur les commandes pour le stand dédié à la bande dessinée du salon du livre de Genève.

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J’ai cru comprendre que tu étais allergique au terme « roman graphique », terme fourre-tout qui désigne souvent un album doté d’une pagination généreuse qui ne rentre pas vraiment dans les cases (un comble pour un album de BD
)… Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
Comme je te l’ai écrit plus haut, ce terme est effectivement utilisé trop souvent à mon avis. A force de l’entendre, la clientèle, et je la comprends, finit par l’utiliser pour tous les titres : Manga, comics et même parfois pour des titres en BD jeunesse. Pour ma part un roman graphique et un ouvrage avec du texte et une illustration (pas de bulles) le reste, à partir du moment où il y a des phylactères, c’est de la BD. Je peux concevoir le termes « BD alternative », pour des éditeurs plus confidentiels ou en tous les cas avec des titres et des tirages moins abondants. On peut faire une différence entre les éditeurs tels que : Dupuis – Dargaud – Glénat – Delcourt etc et L’association, çà et là, Requins marteaux. Misma. Ce n’est pas parce qu’un ouvrage est d’un format plus petit que celui de la BD dite « franco-belge » que c‘est forcément du roman graphique.
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Si tu devais conseiller UN album sorti en 2023 à nos lecteurs, quel serait-il ? (et, accessoirement, pourquoi celui-là ?)
Un seul, ça ne va pas être facile. Nous serions en 2018 je t’aurais tout de go « In Wave » d’Aj Dungo et en 2019 « Celestia » d’Emanuele Fior. En plus, je ne vais pas me faire des amis, certains vont râler parce que je n’ai pas donné leur titre ! Enfin, je choisis « La pièce manquante » de Jean Harambat. D’une part parce qu’il n’est pas sur les réseaux, mais surtout parce que j’ai adoré sa trilogie anglaise et tout particulièrement le titre qui la clôture. Pourquoi ? Il y a tout dans cet album. Des références historiques, de l’action, de l’humour et très peu de romance. Graphiquement, j’aime beaucoup son trait. Pas vraiment classique, mais pas non plus trop singulier. Malgré tout un style bien à lui et reconnaissable. De plus l’auteur est incroyablement charmant, sympathique et cultivé, je pourrai l’écouter parler pendant des heures.

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Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Je lis également beaucoup de thriller. Mon dernier coup de cœur fut pour « Cool Killer » de Sébastien Dourver. Je ne regarde pas la télé, pas de série, plus de film, donc de ce côté-là c’est plus difficile J’ai regardé dernièrement les deux saisons de la série « Alice in Borderland* et tout comme le manga j’ai adoré ! En manga la trilogie « Soloist in a Cage », les trois tomes de « Yojimbot » et le tome 1 de « Clovd » de Florent Maudoux chez Rue de Sèvre.
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Y-a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Est-ce que le métier de libraire est le plus beau du monde ? Ouiiiiiiiiiiii
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Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…

►un personnage de BD : Le Punisher
►un personnage de roman : Fifi Brindacier
►une chanson : J’aime pas les gens de Skaka Ponk
►un instrument de musique : Une batterie
►un jeu de société : Limite limite l’extension trash
►une découverte scientifique : La bombe atomique
►une recette culinaire : Le ramen
►une pâtisserie : Suis pas très sucre… Le caraque, pâtisserie de par chez moi à base de chocolat noir et d’un glaçage vert. C’est tout moi !
►une ville : Bruxelles
►une qualité : Conciliante
►un défaut : Explosive
►un monument : La Sagrada Famila de Gaudi
►une boisson : La chartreuse (verte)
►un proverbe : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort », pas vraiment un proverbe, mais ma raison de vie, phrase que j’ai tatoué sur un de mes avant-bras en arabe.
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Un dernier mot pour la postérité ?
L’amour de la BD un jour, l’aimer toujours !
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Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !