★★★★☆ Une vision féministe de l’Odyssée
Circé la magicienne, planche de l'album © Dargaud / Delmas / MarazanoCircé la Magicienne, par Marazano et Delmas, est un fort bel album paru chez Dargaud.

Il va peut-être rebuter la frange du lectorat qu'il ne faut pas trop titiller au niveau des méninges, car le texte est très littéraire et très ambitieux, style épopée homérique, avec de vraies envolées poétiques et des morceaux de mythologie dedans.

Le dessin aussi, selon la superficialité de l'approche, peut décourager les ligneclairistes, par son trait sombre, charbonneux, vraiment profond, rehaussé de monochromies apparemment brutales mais foncièrement subtiles. Avec, çà et là, des images somptueuses.

C'est puissant, violent, sexuel, dérangeant comme l'art souvent peut déranger.

C'est surtout une vision totalement féministe de la saga odysséenne, une apologie de la parité telle qu'on ne la pratiquait pas à l'époque, ni fondamentalement beaucoup aujourd'hui non plus ; un récit qui place Circé, principe de toute chose dans cette version, à l'épicentre de l'aventure d'Ulysse et de ses barbares de compagnons. Balance tes porcs, c'est tout ce qu'ils méritent. Et révise ton mythoo, logique : puisque le mythe (et l'Histoire) a été écrit par et pour les mâles, leur sauvagerie et leur bêtise, redonnons son rôle suprême à la femme, cet "avenir de l'homme" selon Aragon.

En bref, un album que je n'hésite pas à qualifier d'important.

par Numa Sadoul

Chronique by Les Invités