★★★★☆ Dans la peau d’un chien
Cabot-Caboche, pla nche de l'album © Delcourt / Panaccione / PennacTrop laid pour être adopté, on a cherché à le noyer avant de le jeter, laissé pour mort, dans une décharge sauvage. Là, il est recueilli par Gueule Noire, une vieille chienne qui le prend sous son aile et lui apprend à survivre dans ce petit coin paradis où la nourriture tombe du ciel.

Mais un jour, Gueule noire est écrabouillée par un frigo. Suivant les conseils de son défunt mentor, il décide de gagner la ville pour y trouver une maîtresse à dresser. Après moult pérégrinations, il finit à la fourrière où une petite fille colérique prénommée Pomme décide qu’il sera son chien. Elle l’appellera Le Chien.

Les premiers jours sont idylliques mais, les vacances finies, elle délaisse son compagnon et ne s’en occupe plus… Profitant d’une porte ouverte, Le Chien va reprendre sa liberté et parcourir le monde à la recherche d’une nouvelle maîtresse… Mais il gardera le souvenir de Pomme chevillé au corps…


Cabot-Caboche, pla nche de l'album © Delcourt / Panaccione / Pennac
l’adaptation d’un roman drôle, mélancolique et bouleversant
Apprendre le l’auteur du romantique Océan d’Amour et du jubilatoire Chronosquad s’attaquait à ce court mais attachant roman de Daniel Pennac ne pouvait qu’attirer notre attention… Et dès qu’on pose nos yeux sur Le Chien de la couverture, on ne peut que craquer tellement sa trogne improbable s’avère particulièrement attendrissante… Ceux qui ont eut la chance de lire Toby mon ami lui trouveront sans doute un petit air de famille, ce qui n’est pas pour déplaire, bien au contraire !

Comme dans le roman, Le Chien est bien évidemment le narrateur de l’histoire, lui conférant d’emblée une saveur toute particulière. Car c’est à hauteur de chien que l’on découvre notre petit monde… et le moins que l’on puisse dire, c’est les humains n’y sont pas très reluisants ! Entre cette gamine qui prend un chien comme on achète un jouet et le délaisse sitôt revenu dans ses pénates ou ces parents indignes qui, après avoir cédé aux caprices de leur progéniture en échange d’un peu de tranquillité, projettent de se débarrasser du clébard dès qu’ils comprennent qu’il faut s’en occuper… Mais d’autres rachètent un peu notre humanité, comme ce boucher bon samaritain ou le Sanglier (tiens, mais n’aurait-il pas un petit air de Bloch celui-là ?) qui se comporte non pas en maître mais en ami…

Les réflexions du chien sont savoureuses à souhait, tantôt délicieusement naïve, tantôt froidement lucides… Cabot-Caboche, pla nche de l'album © Delcourt / Panaccione / PennacQuant aux dialogues, gentiment décalés, ils rendent chacune des bestioles, Gueule Noire et le Hyéneux en tête, particulièrement attachantes et étrangement crédibles dans leurs réflexions et leurs visions du monde. Comme bien souvent avec Daniel Pennac, il existe dans son roman différents niveaux de lecture que l’on retrouve dans l’album : enfants et adultes n’y liront clairement pas la même chose. Si l’album éduque les jeunes lecteurs sur la nature de l’adoption animale en le plaçant du côté de l’adopté, il interroge aussi sur cet étrange animal qu’est l’homme et sur son comportement parfois imprévisible et souvent totalement irrationnel…

L’album n’aurait pas un tel impact sans le dessin plein de fraîcheur de l’impressionnant Gregory Panaccione. Le dessinateur n’a pas son pareil pour rendre chacun de ses personnages, humain ou animal, particulièrement crédibles et incroyablement expressifs. Son approche graphique du héros canidé de l’histoire, avec sa tête trop grande pour son corps et sa langue pendante est tout juste bluffante tant ses yeux globuleux en disent long sur ses états d’âme. Il se dégage de chacune de ses planches une sensibilité et une humanité confondante qui rendent la lecture du livre particulièrement bouleversante…

Cabot-Caboche, pla nche de l'album © Delcourt / Panaccione / PennacLe talentueux Gregory Panaccione se propose d’adapter Cabot-Caboche, roman animalier de Daniel Pennac dans lequel l’écrivain nous racontait la vie d’un chien si laid qu’on tenta de le noyer…

Echappant miraculeusement à la mort et après bien des tribulations, le chien finit par se trouver une maîtresse et commence son dressage. Mais la gamine, capricieuse et versatile, finit par se désintéresser de lui et Le Chien n’a d’autre choix que de fuguer pour se trouver une nouvelle maîtresse, plus attentionnée… De rencontres en rencontres, le candide cabot va porter un regard tour à tour naïf, lucide, drôle et désabusé sur notre humanité. Sans jamais oublier Pomme…

Le dessin expressif de l’artiste et les dialogues savoureux empruntés au roman rendent son chien particulièrement attendrissant et, au final, presque humain dans ses aspirations et ses questionnements… Abordant de façon délicieusement distanciée la problématique de l’adoption animale, l’album pousse surtout le lecteur à s’interroger sur cette étrange espèce qu’est l’homme…

Savant mélange de drôlerie, de cruauté et de tendresse Cabot-Caboche s’avère être une remarquable adaptation du roman éponyme…


- Tu connais la ville ?
- Oui. Je la connais…
- Et alors ? C’était chouette ?
- C’est comme tout… Il y a du bon et du mauvais.
- Pourquoi n’est-tu pas restée ? Pourquoi es-tu venue vivre à la décharge ?
- Soupir… Parce que, comme disait ma maîtresse : « onne peut pas être et avoir été ».
- T’as eu une maîtrsse !?
- Oui.
- Elle était sympa ?
- Très. Je l’avais bien dressée.dialogue entre LE Chien et Gueule Noire

Chronique by Le Korrigan