★★★★☆ Combattre avec ses démons
Fang, planche du tome 1 © Les Humanoïdes Associés / Henrichon / KellyCité Etat de Shanta’Droni, Ere de l’Opportunité. Sur la place du village de Stonefield, un homme est en passe d’être lynché par les villageois qui le croient possédé par un démon qu’ils jugent responsable de leurs mauvaises récoltes. Un chasseur de démon armé d’une épée étincelante leur propose de les en débarrasser contre une petite fortune…

Alors que son arme s’apprête à s’abattre sur le crâne du pauvre villageois, une renarde interrompt son geste à l’aide de se bolas… Elle subit sans broncher les insultes du chasseur de Démon avant de lui donner une leçon cuisante dont il se souviendra, démontrant pied à pied son incompétence. Sauvant l’innocente victime, il démasque le démon qui se cachait dans la foule et le fait passer de vie à trépas…

Chasseuse de Démon elle-même, la jeune renarde se prénomme Fang et sa renommée allant grandissant, une biche vient le trouver pour retrouver son fils fugueur qu’elle pense possédé. Après avoir dans un premier temps décliné son offre, elle accepte et va se retrouver au centre d’une lutte ancestrale opposant le clan ours au clan cerf…


Fang, planche du tome 1 © Les Humanoïdes Associés / Henrichon / Kelly
un fantastique et épique conte médiéval japonais
Sans rien enlever au talent de conteur de Joe Kelly, bien connu des amateurs de comics, c’est indéniablement le dessin somptueux de Niko Henrichon qui accroche le regard. La couverture s’avère particulièrement élégante et, une fois encore, l’usage parcimonieux du vernis sélectif s’avère particulièrement élégant… Mais ce n’est rien au regard de la beauté et du dynamisme qui se dégage de chacune de ses planches. Réalisées à l’aquarelle qui préserve la vivacité de son trait, ses couleurs sont tout juste somptueuses et parviennent à souligner avec maestria tant les scènes contemplatives que les séquences de combats, particulièrement décoiffantes. On appréciera la subtilité de son découpage et la précision de ses cadrages qui jouent avec art de la temporalité. Difficile de ne pas être bluffé par la virtuosité de cet artiste qui nous avait envouté avec son [url=http://sdimag.fr/index.php?rub=0&art=Affiche_Fiche&aff_param=2&ID=2572#1461]Seigneur de Bagdad[url] mais aussi et surtout avec son travail dans l’univers des Méta-barons… Grâce à son trait sublime et puissant, on entre sans coup férir dans cet univers évoquant le japon médiéval fantastique et mêlant personnages humains et anthropomorphiques avec une facilité désarmante.

Fang, planche du tome 1 © Les Humanoïdes Associés / Henrichon / KellyL’album est complété par un dossier graphique éblouissant dont on regrette qu’il ne soit pas plus important tant on est admiratif devant le travail époustouflant de Niko Henrichon…

Avec les premières pages du récit qui constituent un long et captivant prologue, le scénariste nous laisse un temps croire à un récit classique… Pourtant, au fil du tome, il faut se rendre à l’évidence : il n’en est rien ! Un twist vertigineux vient ébranler et balayer toutes nos certitudes, rendant l’histoire plus captivante encore. Le personnage de Fang s’avère d’emblée bougrement intéressant : narrateur de l’histoire il manie le verbe avec autant d’aisance que les bolas et son sens de la répartie au cœur même d’un duel acharné n’est pas sans évoquer celle d’un Cyrano, dans une toute autre époque, alors que la mélancolie qui semble être la sienne ne fait que renforcer cette analogie sans doute un peu excessive mais néanmoins prégnante.

Le scénario s’avère aussi captivant qu’entraînant mais laisse quelque peu sur sa faim… comme s’il n’était que l‘amorce d’une série au long cours. On retrouve cette délicieuse frustration qui saisit généralement le lecteur après avoir refermé le premier fascicule d’un excellent comics book, d’autant que la dernière séquence laisse bien des questions en suspens…

Fang, planche du tome 1 © Les Humanoïdes Associés / Henrichon / KellyEntre le comics et la Bd européenne, Fang nous entraîne dans un Japon médiéval fantastique somptueusement mis en images par le trait virtuose et les couleurs lumineuses de l’impressionnant Niko Henrichon.

Le scénario de Joe Kelly met en scène Fang, une renarde solitaire chasseuse de démons qui manie le verbe et les bolas avec une confondante virtuosité. Mais ce qui s’amorce comme une histoire classique et nous entraîne au cœur d’une guerre clanique va, après bien des détours, s’avérer être un récit plus complexe et tortueux qu’on pouvait le croire au prime abord d’autant qu’un twist vertigineux vient éclairer l’histoire d’une lumière nouvelle…

Nous abandonnant à cette délicieuse frustration qui est pour nous la marque des grands albums, ce premier Livre de Fang, Chasseuse de Démons nous fait espérer un second tome à la hauteur de nos attentes… Fort heureusement, nous n’aurons pas à attendre trop longtemps puisque sa parution est prévue pour juin 2022…


Sauf votre respect messire… vous faites erreur. Cet homme n’a rien d’un démon… Il a juste un visage désagréable à regarder.
- Peuh ! Tu ne t’es pas vue… Rat à queue touffue.
- C’est « mademoiselle renarde ». Vous cumulez les erreurs, Messire Jie.
- Espèce de sale… ?!
- On se fait tant de fausses idées sur les renards… Et sur les démons.dialogue entre Fang et Messire Jie

Chronique by Le Korrigan