★★★★☆ another History of Violence
Mezkal, planche de l'album © Soleil / Jef / StevensVananka est l’archétype du looser qui végète dans un boulot alimentaire qui ne lui permet pas de s’épanouir. Abandonné enfant par son père, sa mère soigne sa dépression à coup d’alcool et cachetons et finit par se foutre en l’air peu après que le jeune homme ce soit fait lourder par son patron et juste avant qu’un huissier viennent récupérer les biens de sa daronne pour éponger ses dettes… Désormais sans attache, Vananka décide de tailler un bout de route avec pour seul bagage une guitare ayant appartenu à son paternel.

La route qu’il emprunte pour fuir sa vie de merde le conduit tout d’abord à Ciudad Juárez, de l’autre côté du Rio Bravo. Pour sauver sa peau, il ne fait pas de vieux jours dans la ville la plus dangereuse du monde et croise peu après, par hasard, Leila, une jeune femme au sang indien qui vit chez son grand-père, un vénérable chaman qui veille sur elle et son frère aveugle qu’on dit doté de grands pouvoirs…

Bien évidemment, Vananka va tomber amoureux d’elle et se retrouver entraîné dans une sombre affaire de cartels mexicains pour qui il va être contraint de bosser pour les beaux yeux de sa belle… Il l’ignore encore mais il a foutu les pieds dans un putain de nid de crotales et va être entraîné dans une sordide histoire pleine de poussière, de violence, de sexe, de drogue, de musique, de mezkal et de sang… Avec l’ombre du père qui plane au-dessus de la mêlée…


Mezkal, planche de l'album © Soleil / Jef / Stevens
un road-movie mystique joyeusement barré
Après nous avoir enthousiasmé avec son iconoclaste Gun Crazy réalisé avec Steve D, Jef revient en compagnie de Kevan Stevens dans un registre tout aussi violent et déjanté…

Le scénario de Kevan Stevens met en scène un looser un peu paumé qui va se rendre de l’autre côté de la frontière mexicaine dans l’espoir d’y refaire sa vie, sans vraiment trop y croire. Le regard cynique et désabusé qu’il porte sur le monde, sur lui-même et ses semblables confère d’emblée une tonalité particulièrement jubilatoire à l’album. On prend rapidement ce pauvre type en affection, persuadé que nous sommes qu’il va s’en prendre plein la gueule et subir les revers du destin sans parvenir à reprendre sa vie en main… Mais c’est méconnaître la force de l’amour ! Car Vananka va tomber raide dingue de Leila et, au sud du Rio Grande comme ailleurs, l’amour rend aveugle et souvent complétement con… Et pour séduire la belle, le jeune looser va frayer avec Felipe, le cousin de Leila aux allures de Machete (échapé du Machete Kill de Robert Rodriguez) et bosser pour lui en tant que chauffeur pour son cartel… En l’état, les choses seraient déjà tortueuses à souhait mais la Drug Enforcement Administration (DEA pour les intimes) et un gang de Hell’s Angels allait entrer dans la danse et faire de la vie de Vananka un véritable enfer… Contre toute attente, bien que leur lune de miel ne durera qu’un temps, le jeune homme allait se révéler être un héros qui s’ignorait et qui, pour sauver Leila des griffes de ses ravisseurs, aller se changer en samuraï des temps moderne, armé d’une guitare et d’un gun…

Mezkal, planche de l'album © Soleil / Jef / StevensRiche en péripéties déjantées et totalement barrée qui ne dénoteraient pas dans un Tarantino, l’histoire s’avère formidablement dynamique, rythmée par des dialogues savoureux et cinglants concoctés par deux auteurs très inspirés.

un artiste virtuose qui donne à voir la musique
Côté dessin, Jeff s’est une nouvelle fois surpassé ! Mêlant colorisation traditionnelles et numériques, il compose des planches à la beauté irréelle. Amoureux du septième art, son découpage s’avère redoutablement efficace alors que ses cadrages usent avec art du vocabulaire cinématographique pour soutenir l’action endiablé de cette histoire hors normes et mettre en scène la violence cinglante et la brutalité qui accompagne le récit. Ses personnages sont tous dotés de trognes improbables qui collent bien à leurs étranges et sales caractères et son casting comme sa direction d’acteur sont tout juste impeccables… Mais, surtout, l’artiste n’a pas son pareil pour donner à voir la musique ! Est-ce parce qu’il est musicos lui-même ou parce qu’il a juste un talent dingue qu’il parvient à le faire avec un tel brio ? Un peu des deux sans doute… Mais le fait est que c’est particulièrement bluffant !

Mezkal, planche de l'album © Soleil / Jef / StevensLe moins que l’on puisse dire, c’est que le plaisir évident qu’ont pris Kevan Stevens et Jef à composer et mettre en scène cette histoire violente et délicieusement décalée s’avère ont ne peut plus communicatif…

Les dialogues ciselés et percutants font d’emblée planer une envoutante petite musique sur l’album et confèrent à ce road-trip initiatique une tonalité délicieusement cynique et désabusée… Lorsque l’action commence, Vananka est un looser quasi-archétypal : abandonné par son père, élevée par une mère dépressive qui noie ses névroses dans les médocs et l’alcool et faisant un boulot de merde, sa mise au chômage anticipée et la mort de sa mère le poussera à aller de l’autre côté de la frontière mexicaine pour y prendre un nouveau départ… Il allait tour à tour rencontrer l’amour, croiser la route d’une bande de Hell’s Angels et traficoter avec un cartel mexicain particulièrement violent… Vananka l’ignorait encore que son avenir allait s’écrire en lettre de sang…

Alors que Jef interprète avec art sa partition graphique d’autant plus soignée qu’elle est mise en couleur avec maestria et découpée avec un sens de la narration virtuose, Mezkal marque les débuts plus que prometteur de Kevan Stevens, un nouveau venu dans le neuvième art qui devrait faire parler de lui dans un avenir proche… C’est tout le mal qu’on lui souhaite !


J’avais eut l’impression de quitter l’enfer de Chicago. Un putain d’enfer de routine et de fatalisme. Je dois avouer que l’enfer, tu le trouves facilement ailleurs. Parce que là, c’était gratiné. Dès que je suis arrivé dans cette ville, trois opportunités assez cool s’offraient se sont présentées à moi : me buter. Me faire buter. Ou me barrer le plus rapidement possible. J’me suis barré.Vananka

Chronique by Le Korrigan