★★★★☆ A history of revenge
Sangre, planche du tome 3 © Soleil / Floch / Arleston / GuthSeule rescapée du massacre de sa famille par les Sombres Écumeurs, Sangre a été recueillie et élevée au Magistère d’Elm où elle a appris à maîtriser le don de figer le temps avant de poursuivre son éducation dans la rue… Elle va consacrer sa vie à traquer et retrouver un à un les membres du gangs d’égorgeurs qui ont trucidé les siens pour les assassiner… Après avoir extorqué au puissant Ligat le nom des membres de la bande, elle s’est rendue à Tarasque pour occire Fesolggi, l’un des peintres les plus en vue de la cité à qui elle a rendu sa gloire d’antan avant de lui ôter la vie.

C’est vers Mi-Ho-Dwigg, un monde de glace, qu’elle fait route à bord d’un dragon, seul à même de franchir les portails séparant les mondes. Très hiérarchisée, la société Dwyggs est dominée par des aristocrates hautains et insensibles au froid et aux sentiments pour qui le prestige est la seule préoccupation.

Se faisant passer pour une étudiante du Magister d’Elme, Sangre a rapidement acquis la certitude que Hovanne l’Irrésolue, sa prochaine cible, fait partie de la maison de Mermillade… La retrouver ne sera pas chose aisée même si rares sont ceux qui se sont aventurés dans les autres mondes…


un monde glacé et glaçant
S’il excelle dans la parodie et le comique de situation, Christophe Arleston est un démiurge qui parvient à créer des univers originaux qui possèdent leur cohérence interne, comme il l’a prouvé avec des séries comme Lanfeust de Troy ou Ekhö Monde MiroirSangre lui permet de laisser libre cours à son énergie créatrice puisque chaque album nous propose un univers atypique et inventif doté de ses propres règles et de ses us et coutumes, avec la vengeance comme fil rouge sang.

Sangre, planche du tome 3 © Soleil / Floch / Arleston / GuthLe monde de Mi-Ho-Dwigg s’avère particulièrement baroque, avec ses palais flottants dérivants au grès des courants ou cette aristocratie hautaine et méprisante qui ne vit que pour l’image qu’elle renvoi d’elle et qui n’adresse même pas la parole aux gens qui ne jouissent pas du même rang qu’eux et à qui il est malséant de s’adresser si on est au bas e la pyramide sociale… Semblant dénués de sentiments, insensible à la souffrance des autres comme au froid, cette élite est aussi glacée que le monde dans lequel elle vit. En l’espace d’un album, Arleston esquisse le portrait de cette microsociété où chacun s’efforce de briller aux yeux des autres par leurs créations, leur attitude ou leur comportement. Leurs mœurs étranges et interlopes Masques de la Pénombre, sont distillés avec art dans le corps du récit sans jamais ralentir le rythme soutenu de la narration.

Outre le personnage central de Sangre, sorte pendant féminin du Conte Monte Cristo qui frémit à l’idée de devenir aussi mauvaise que ceux qu’elle traque, les figurant de Hovanne l’Irrésolue se trouvent être suffisamment étoffés pour être intéressants et faire vivre ce micro-monde que l’on quitte pour gagner Douce-Eaux où se trouvent la prochaine victime de notre héroïne…

S’appuyant sur le design impressionnant réalisé par l’inénarrable Fred Blanchard, Adrien Floch signe un album entraînant. Son trait nous immerge dans un univers glacé et glaçant où il fait évoluer des personnages élégants encrés avec finesse. Claude Guth illumine ses planche de couleurs numériques qui n’atteignent pourtant pas la profondeur de celle qu’il pose avec maestria lorsqu’il use de techniques traditionnelles.

Sangre, planche du tome 3 © Soleil / Floch / Arleston / GuthLa quête de vengeance de Sangre la mène dans le monde glacé et glaçant de Mi-Ho-Dwigg. Dans leurs palais, monumentales sculptures de glace, l’aristocratie vie coupée du monde, soucieuse de son seul prestige qui hiérarchise la société. La jeune femme sait qu’Hovanne l’Irrésolue, membre des Sombres Ecumeurs, la sanglante bande de pirates qui a massacré sa famille, se cache parmi la maison de Mermillade… Découvrant un monde régit par d’étranges coutumes, Sangre va mener son enquête pour identifier sa cible et la faire passer de vie à trépas.

Avec Hovanne l'Irrésolue, en véritable démiurge, Christophe Arleston esquisse les contours d’un monde baroque particulièrement immersif. Le prolifique scénariste signe un récit rythmé et entraînant joliment servi par le travail élégant d’Adrien Floch qui, s’appuyant sur le design de Fred Blanchard, compose des décors foisonnants et anime des personnages charismatiques et inquiétants.

Espérons qu’il ne faille pas attendre quatre année pour lire le prochain tome d’une série originale et entraînante qui voit son héroïne s’affirmer au fil de ses… assassinats.


J’ignorais encore à quel point la notion de prestige était primordiale chez les Dwyggs.Sangre

Chronique by Le Korrigan