★★★★★ Hier encore…
Le Jour d'Avant, planche de l'album © Steinkis / Géliot / Dutter / ChalandonLiévin, 26 décembre 1974. Fier comme un coq, Michel Flavent conduit la bécane de Joseph, son grand-frère. Après avoir rêvé de devenir pilote, il est devenu mécano puis mineur, contre l’avis de son père, paysan, qui connaît trop leur triste sort…

Le lendemain, la ville est en deuil et tous avancent en silence sur les lieux du drame… Un coup de grisou avait touché la Fosse de Saint-Amé, faisant quarante-deux victimes… Joseph est mort, pas au fond de la mine, mais dans un lit d’hôpital, sans avoir repris conscience, quelques jours après le drame… Pour cela, il ne figurait pas sur la plaque commémorative… Accablé par le malheur, le père se suicide quelques temps plus tard, laissant à son fils une lettre lui demandant de les venger de la mine…

Des années après avoir quitté la région et avoir perdu sa compagne des suites d’une longue maladie, Michel revient sur les terres de son enfance avec le désir de faire payer à celui qu’il tient pour responsable de la mort de son frère… Il avait perdu tout espoir de le retrouver, mais voilà que le destin le met sur son chemin…


Le Jour d'Avant, planche de l'album © Steinkis / Géliot / Dutter / Chalandon
la remarquable adaptation d’un récit bouleversant de justesse qui rend hommage aux morts de Liévin…
Après avoir commencé sa carrière comme journaliste, Sorj Chalandon est devenu un romancier fascinant qui compose avec art des récits tout juste bouleversant dont plusieurs ont fait l’objet de remarquables adaptations, tels mon Traître, la Profession du Père ou Retour à Killybegs pour ne citer qu’eux…

Le Jour d’avant commence la veille de la plus grande catastrophe minière d’après-guerre et qui a enseveli quarante-deux mineurs et dont les circonstances n’ont jamais vraiment été élucidées… Comme de coutume, Sorj Chalandon s’inspire du réel pour tisser un récit fictionnel passionnant porté par un personnage aussi attachant que bouleversant de justesse et qui va revenir des décennies après le drame sur les terres de son enfance brisée pour accomplir la vengeance dont l’a chargé son père avant de se suicider… A travers cette histoire de vengeance, le romancier rendait un hommage poignant aux mineurs dénonçant l’incurie des politiques qui invoquèrent la fatalité et non la sécurité sacrifiée sur l’autel du profit.

Le Jour d'Avant, planche de l'album © Steinkis / Géliot / Dutter / ChalandonRomain Dutter et Simon Géliot s’emparent avec brio de la matière du roman de Sorj Chalandon pour en signer une remarquable adaptation, en reprenant l’ossature mais en la transposant à ce nouveau média avec pertinence et intelligence… Le dessin jeté de Simon Géliot retranscrit avec force l’émotion du récit… On sent la joie indicible du jeune Michel conduisant la bécane de son frère, la complicité qui les lie et qui va rendre le drame à venir plus poignant encore. Les récitatifs ciselés du narrateur rendent l’histoire particulièrement poignante et certaines séquences vous prennent littéralement aux tripes, telles celles où Michel, inconsolable, est rongé par le doute lorsqu’il s’agit de passer à l’acte et de tuer celui qu’il juge coupable de ses malheurs… Et la scène du meurtre proprement dit est tout juste insoutenable, malgré le trait nerveux et épuré… ou grâce à ce trait justement !

Et si l’histoire s’avère bouleversante, elle l’est plus encore après le twist vertigineux qui survient lors du procès de Michel Flavent et fait basculer le récit de façon inattendue, lui conférant un impact plus percutant encore, les réquisitoires et les plaidoiries de chacun venant renforcer le propos avec force, le tout porté par les compositions impeccables de Simon Géliot… L’album est par ailleurs complété par un dossier très complet qui vient éclairer le drame…

Le Jour d'Avant, planche de l'album © Steinkis / Géliot / Dutter / ChalandonRomain Dutter et Simon Géliot s’emparent du roman bouleversant de Sorj Chalandon pour en signer une remarquable adaptation qui rend elle aussi hommage aux quarante-deux victimes morts dans le drame survenu en décembre 1974 dans la Fosse de Saint-Amé à Liévin… aux morts et aux victimes collatérales qui ont vu leur vie soufflées par ce coup de grisou que beaucoup ont attribué à la fatalité mais qui était du aux manquements de sécurité motivée par la seule recherche du profit…

Liévin, 27 décembre 1974. Un coup de grisou emporte 42 mineurs… La veille encore, Michel Flavent pilotait, fier comme un coq, la bécane de Joseph, son grand frère… Il n’a plus désormais que ses yeux pour pleurer… Si son frère n’est pas mort au fond de la mine, il s’est éteint à l’hôpital, quelques jours après le drame… Peu après, c’est son père qui se donnait la mort, demandant à Michel de les venger de la mine… Des années après s’être éloigné des corons et avoir perdu sa femme des suites d’une longue maladie, Michel revient sur les terres de son enfance, avec la ferme attention de se venger de celui qu’il tient pour responsable du drame…

Porté par le trait acéré et épuré de Simon Géliot qui retranscrit avec force l’émotion du roman, Romain Dutter signe une fascinante relecture du roman originel qui prendra le lecteur aux tripes, dénonçant l’incurie des politiques et des exploitants de la mine et nous offrant un récit bouleversant de justesse et d’humanité…

Le Jour d’Avant nous raconte avec pudeur et retenue l’histoire d’un homme, victime collatérale d’un drame oublié et dont l’itinéraire chaotique va pointer les manquements des politiques et de la justice, nous donnant à voir les différentes facettes de cette tragédie humaine…


- C’est donc ça que tu veux, Jojo… Mourir pour le profit de la compagnie des Houillères ?
- Crever comme ton oncle à vingt et un ans, les lunettes coulées sur le visage et les doigts colléspar la chaleur ? Tu veux engraisser les planqués du carreau, hein ? Passer tes jours à percer la nuit ? C’est ça ton rêve, mon fils ?
- Et si tu tombes dans la fosse, tu auras gagné quoi ? Qui te rendra hommage ? Deux échapres tricolores, un sous-ministre arrivé de Paris, un discours honteux sur le mauvais sort, trois fleurs payées par le syndicat… Tu sais quoi ? T’iras pas au charbon, ‘iras au chagrin. Flavent, père et mère
Chronique by Le Korrigan