Chervagne, Haute-Loire, Août 1914. Jules Matrat coupait du bois lorsqu’il entendit retentir le tocsin, imaginant d’emblée le pire : un incendie dans la ferme familiale… Mais le jeune homme était bien en deçà de la vérité… C’est Marius, le frère de Rose, sa promise, qui lui annonce la nouvelle : la guerre est déclarée entre la France et l’Allemagne et sans doute vont-ils tous deux être mobilisés…
La guerre, Jules en ignore tout et n’a guère envie d’abandonner Rose… Mais lorsque les gendarmes lui apportent les papiers militaires, il doit s’y résoudre et quitter sa campagne et les champs d’avant les moissons pour aller combattre. Là, il rencontrera Louis Agnin, un autre appelé, lui aussi paysan, venu des Alpes et en passe de se marier…
Alors que les enfants du pays sont fauchés un à un, lorsqu’il revient en permission, Jules semble toujours être sur le front, taisant les horreurs de la guerre mais parlant sans cesse de son ami Louis… Il semble tellement changé que ses parents et Rose peinent à reconnaître le fils et l’amoureux qu’il fut…

S’il a fait ses premières armes en dessinant des récits d’heroic-fantasy, Serge Fino signe depuis quelques années des récits plus intimistes, tel ou , remarquable adaptation du roman de Joël Raguénès. Voilà que l’artiste, arrivé au sommet de son art, s’attaque à présent au
Jules Matrat, chef d’œuvre de Charles Exbrayat, vibrant plaidoyer pour la paix et l’amitié.
Avec simplicité et humilité, le romancier nous racontait, à travers le destin d’un soldat ordinaire, les blessures invisibles qui empêchèrent bien des hommes ayant vécu la guerre de retourner à une vie normale… Ils n’ont pas été mutilé, ne sont pas revenus avec la gueule ravagée par quelques éclats d’obus, mais portent en eux les stigmates de la guerre, comme s’ils avaient laissé une part d’eux même dans la boue des tranchées, une part de leur âme et de leur humanité… Si la guerre est bien présente, celle-ci n’est souvent qu’évoquée, subtilement, faisant appel à l’imaginaire collectif lorsqu’il évoque la Somme ou Verdun. Le récit tente surtout de cerner la façon dont la guerre vient bouleverser le quotidien de ceux qui continue à vivre, tant bien que mal, loin du front et du fracas des bombes… Chacun de ces personnage s’avère bouleversant, de ce maire contraint d’être le porteur de mauvaises nouvelles à ses concitoyens qui attendent les lettres d’un fils ou d’un filleul, et dont la vie bascule lorsqu’ils apprennent sa mort…

ces parents qui ne reconnaissent plus leur enfant lors de ses retours en permission… sans oublier Rose qui sent son Jules tant aimé s’éloigner imperceptiblement d’elle et cette jalousie qu’elle éprouve à l’égard de son compagnon de tranchée qui partage le quotidien de son fiancé et qui s’invite dans chacune de leurs discussions. Mais le personnage le plus bouleversant est bien évidemment le jeune homme qui donne son nom à la série et qu’on va voir fortement ébranlé par les horreurs de la guerre, comme si sa vie d’avant n’avait plus de sens après ces années de boucheries sans nom durant lesquelles il a pu éprouver la force d’une amitié née dans l’adversité et vu des d’atrocité dont il préfère ne pas parler.
La couverture de l’album est une petite merveille, avec cette silhouette de poilu qui se détache d’un fond rouge sang où l’on devine les barbelés séparant les tranchées ennemies… Si on devine que ce soldat est Jules Matrat, sans doute symbolise-t-il tous ces combattants anonymes, arrachés à leur terre, à leur famille et à ceux qui les aiment, ces soldats à qui on a volé la vie en les déracinant pour les précipiter dans le conflit le plus meurtrier de l’histoire de l’humanité… Réalisées en couleur directe, les planches de l’album sont somptueuses, des décors magnifiques baignés d’une lumière savamment étudiée et l’émotion qui affleure et nous chavire, nous bouleverse et nous remue, d’autant que les dialogues et les récitatifs accentuent l’atmosphère pesante du récit…

Après sa remarquable adaptation du Pain de la Mer, roman de roman de Joël Raguénès en collaboration avec Francois Debois, Serge Fino revient, seul aux commandes, pour une remarquable adaptation de Jules Matrat, chef d’œuvre de Charles Exbrayat.
Lorsqu’il entend retentir le glas, Jules Matrat craint qu’un incendie n’ait embrasé la ferme familiale… Mais il n’en est rien. La situation est plus grave encore : la guerre est déclarée entre la France et l’Allemagne et les hommes en âge de la faire sont bientôt mobilisés. Parmi eux, Jules, qui doit laisser ses terres et sa fiancée pour aller combattre dans la boue des tranchées… Là, il fera la connaissance de Louis, un jeune homme venu des Alpes qui allait devenir son ami… Lors des permissions, il ne dit mot de son quotidien de soldat, se contentant de dire que c’était affreux... Mais son compagnon d’arme s’invite dans chacune de ses discussion, provoquant la jalousie de sa promise…
Serge Fino s’empare avec brio du roman de Charles Exbrayat pour esquisser le portrait d’hommes et de femmes ordinaires qui ont vu leur quotidien bouleversé par la guerre, de ce maire devant annoncer de bien mauvaises nouvelles à ses administrés, aux familles qui apprennent la mort de leur fils, sans oublier Jules qui semble avoir laissé une part de lui-même dans la boue des tranchées… Travaillant en couleur directe, l’artiste signe des planches de toute beauté qui mettent en lumière le désarrois des différents protagonistes et l’absurdité de cette guerre…
Prévu en trois tomes, Jules Matrat s’avère on ne peut plus bouleversant et réussi…
La Guite ne pouvait pas manger. Elle ne pouvait pas détacher les yeux du visage de son fils qu’elle ne reconnaissait pas bien. Sous les traits familiers, il lui semblait voir un homme différent, plus dur, dont le regard avait perdu sa lumière d’antan.récitatif