Au XIXe siècle, il était communément admis que dix pour cent des femmes mourrait en couche. Mais, devenu médecin après avoir étudié le droit, Ignace Philippe Semmelweis refusa cette fatalité…
Constatant qu’on mourait plus dans les cliniques tenues par des médecins que dans celles tenues par des sage-femmes, il proposa d’échanger le personnel pour tenter de comprendre ces résultats. Les courbes de mortalité s’inversèrent ce qui le poussa s’interroger sur les pratiques médicales des médecins et il eut l’intuition que leur pratique de la dissection n’y était pas étrangère. Il mit sur pied un protocole qui heurta les praticiens qui n’y voyaient qu’une perte de temps. Mais, surtout, il se heurta au conservatisme du corps médical incarné par son supérieur, le professeur Klein, influent et très conservateur directeur de la principale clinique obstétricienne de Vienne. Longtemps incompris de ses pairs, il jeta les bases des mesures d'antisepsie et de prévention des infections nosocomiales. Mais ses travaux ne seront reconnus que bien plus tard…
Avec cet album, on retrouve Isabelle Bauthian dans un registre où on ne l’attendait pas… Et cet album confirme les talents de conteuse de la scénariste…

Elle se propose d’esquisser la biographie d’un médecin viennois qui lutta, seul contre tous, pour imposer ses idées à un corps médical gangréné par le conservatisme. Alors que ses collègues et le chef de clinique acceptait comme une fatalité la mort en couche d’une patiente sur dix, le médecin prometteur retroussa ses manches et s’efforça d’élucider les origines de ces décès jusqu’alors inexplicables. Le récit se dévore comme une enquête policière, le médecin énonçant des hypothèses sur les causes les causes de la fièvre puerpérale et s’efforce de les vérifier. La mort de son ami Jakob Kolletschka, professeur d’anatomie accidentellement blessé avec un scalpel lors d’une autopsie allait lui donner la clef pour comprendre : pour lui, il devient évident que ce sont les étudiants en médecine qui ramène auprès des patientes des particules, sources de leur contamination… Fort de cette hypothèse, Semmelweis mis en place un protocole exigeant qui vit le taux de mortalité de la clinique s’infléchir… Mais s’il parvint à convaincre quelques collègues, les fidèles au Professeur Klein virent dans ses protocoles d’hygiène une perte de temps pure et simple. Le manque de diplomatie de Semmelweis l’empêcha bientôt de pratiquer dans la clinique viennoise tandis le rejet de son travail par la communauté médicale a causé la mort, pourtant en grande partie évitable, de milliers de patientes…

L’histoire lui donnera néanmoins raisons… des années après… Son principal tort ayant finalement été d’avoir eu raison avant les autres et d’avoir envisagé, avec trente années d’avance, la théorie microbienne… On peut d’ailleurs s’interroger sur ces scientifiques aujourd’hui décriés, ces Semmelweis contemporains, qui pointent les dangers des particules fines, des polluants éternels et autres microparticules qui causent chaque année des dizaines de milliers de victimes sans que les pouvoirs publics ne cherchent à réguler drastiquement leurs émissions.
Si l’histoire de ce médecin s’avère aussi passionnante qu’édifiante, force est de reconnaître que sa structure narrative s’avère brillante : plutôt que de nous faire le récit du combat de Semmelweis, elle laisse ce rôle à l’un de ses collègues gagné à sa cause, le Professeur Skoda, qui s’entretien avec un jeune médecin venu à Vienne pour rencontrer Semmelweis dont il ignorait qu’il avait été renvoyé par Klein. Le récit est ainsi interrompu par leurs dialogues qui viennent rythmer et éclairer l’histoire et les recherches du médecin.
Le trait épuré de Eva Rossetti à qui l’on doit notamment (sur un scénario de Valentina Grande) met en scène de façon convaincante la passion d’un médecin habité par son sujet qui n’a qu’un soucis : la survie de ses patientes.

On retrouve la talentueuse Isabelle Bauthian dans un registre où on ne l’attendait pas forcément mais dont elle s’empare avec le talent de narratrice qui est le sien.
Vienne, première moitié du XIXe siècle. Alors que la mort en couche d’une patiente sur dix est communément acceptée par le corps médical, un médecin refuse cette fatalité. Son nom ? Ignace Philippe Semmelweis. Intrigué par les différences de mortalité entre une clinique tenue par des médecins et une autre par ses sages femmes, il va étudier les causes de la fièvre puerpérale pour tenter de les éradiquer. Mais il se heurtera au conservatisme de ses pairs et son travail ne sera reconnu que des années plus tard, années durant lesquelles des milliers de morts auraient pu être évitées…
La scénariste nous raconte avec art la vie tumultueuse de ce médecin qui se souciait de la vie des femmes qui lui était confié et qui, presque seul contre tous, jeta les bases de la lutte contre les maladies nosocomiales. L’histoire nous est contée à travers les dialogues entre le professeur Skoda et un jeune médecin venu à Vienne pour y rencontrer Semmelweis, sans savoir que ce dernier avait été renvoyé de la clinique de l’influent et très conservateur Professeur Klein. Magistralement mis en image par le trait épuré d’Eva Rossetti, Semmelweis, le médecin pour femmes est un récit brillant aussi passionnant qu’édifiant qui nous pousse à nous interroger sur les Semmelweis contemporains qui clament des vérités scientifiques que personne n’écoute alors que bien des drames pourraient être évités.
- Professeur, ce n’est pas une remise en cause de votre travail !
- Comment n’en serait-ce pas une ?
- La mortalité de la seconde clinique est plus de quatre fois inférieure à la nôtre, c’est… c’est un fait !
- Vous êtes mon assistant Docteur Semmelweis. Un étranger à qui nous avons offert le privilège de travailler avec les plus grands médecins d’Europe !dialogue entre le Professur Klein et le Docteur Semmelweis