★★★★★ l’espoir dans le rock
Rockabilly, planche de l'album © Daniel Maghen / Dubois / RodolpheMary-Barbara, alias Barbie, s’est mariée avec Bram sans trop le connaître pour échapper au couvent de bonnes sœurs dans lequel ses parents l’avaient enfermé. C’est Hank, son beau-frère, qui vient la chercher à la gare pour l’emmener dans son nouveau foyer… Fan de rock’n’roll et se rêvant musicien, il ne comprend pas qu’on puisse venir s’enterrer dans ce coin paumé des Appalaches dont il rêve de s’enfuir… Il comprend encore moins qu’une fille comme Barbie puisse avoir épousé un type comme son frère…

Il faut dire que la famille Wayne est un condensé des travers de l’Amérique profonde : ils ont une distillerie clandestine, cultivent de la marijuana, la mère s’est barrée depuis des lustres, un frangin est recherché pour meurtre, l’autre est un pervers, la sœur est sujette à des crises violentes, et le père lorgne sur les formes plantureuses de la nouvelle épouse de son fils…

Dans cette famille de cinglés, Barbie et Hank se retrouvent autour de leur amour du rock’n’roll…


Rockabilly, planche de l'album © Daniel Maghen / Dubois / Rodolphe
un roman graphique sombre et âpre sur fond de rock’n’roll
Après leurs fascinant Ter et Terre, Rodolphe et Christophe Dubois se retrouvent pour signer un roman graphique sombre, âpre mais intimiste qui nous entraîne dans l’Amérique profonde des années 50…

Avant même de nous plonger dans la lecture de l’album, difficile de ne pas être bluffé par les planches somptueuses signées par un Christophe Dubois particulièrement inspiré. Parfaite dans leur structure narrative, guidant avec art le regard, ses compositions mette joliment en valeur chacun des personnages, qu’ils fussent répugnants, inquiétants ou au contraire charismatiques et lumineux. Car dans cette galerie de portraits tous plus glauques les uns que les autres, les personnages de Hank Wayne et de Barbie surnagent et apportent un peu de normalité au paysage… bien que leur goût prononcé pour cette musique du diable qu’est le rock’n’roll et qui fait souffler un vent de liberté dans leurs vies ne soit pas du goût de tout le monde… Académique, le trait du dessinateur s’avère sensible et délicat lorsqu’il s’agit de mettre en scène les liens ambigus qui se tissent entre Hank et sa belle-sœur mais se fait incisif et dérangeant lorsqu’il donne vie aux autres membres de la famille dont les malversations réelles ou supposées ne manquent pas d’attirer sur eux des flics de la région… Rockabilly, planche de l'album © Daniel Maghen / Dubois / RodolpheEt il y a ces voitures aux courbes savamment étudiées et un travail saisissant sur les vêtements et les accessoires qui immergent le lecteur au cœur de ces années 50-60 si chères aux deux auteurs qu’on devine amateurs de musique en général et de rock en particulier… Et, pour finir, il y a ces paysages, sublimés par une mise en couleur aussi singulière que somptueuse et qui nous font oublier un temps l’inquiétante noirceur de cette famille de psychopathes que sont les Wayne…

Le scénario de Rodolphe est comme de coutume entraînant et parfaitement maîtrisé. Il y a un peu du Ces Gens là de Brel dans le portrait lucide, cynique et sans concession qu’il fait de chacun des membres de la nouvelle famille de Barbie. Hank parviendra-t-il à s’extirper de cette famille étouffante et profondément malsaine ou restera-t-il chez lui, enterrant ses rêves de gloire à l’ombre d’un vieil arbre noueux, derrière la maison familiale… Car s’il n’a pas choisi sa famille, elle reste, malgré tout sa famille… Le rock est un personnage à part entière de l’histoire, comme les villes le sont bien souvent dans les polars. Une proposition de B.O. est proposée en fin d’album, pour accompagner ou prolonger l’atmosphère qui baigne l’album… Avec sa guitare à la main, à l’instar du blues dans les plantations de coton, les notes qui sortent de la guitare de Hank apparaissent comme de fragiles bulles d’espoir pour ces deux âmes égarées au milieu de nulle part… Deux destins qui se télescopent au risque de perturber l’équilibre précaire d’une famille dysfonctionnelle. On sent qu’ils sont attirés l’un par l’autre mais entre eux deux se trouve un frère, le moins barrés des frangins de Hank sans doute, mais peut-être pas le mari qu’il faut à Barbie… L’histoire est de celle dont on aurait pu tirer une chanson sombre et mélancolique… Rodolphe en a fait un album… de BD !

Rockabilly, planche de l'album © Daniel Maghen / Dubois / RodolphePasionné de rock’n’roll, témoin son excellent Rock'n'roll en 150 figures Rodolphe nous entraîne dans l’Amérique profonde des années 60 où cette musique décriée allait être une véritable bouffé d’oxygène pour deux âmes égarées…

Sans vraiment le connaître Mary-Barbara, alias Barbie, a épousé Bram Wayne et s’en vient le retrouver dans la ferme familiale. C’est son beau-frère, Hank, qui vient la chercher à la descente du train… Amateur de rock et musicien à ses heures perdues, il ne comprend pas qu’une fille comme Barbie s soit marié avec un type comme son frère et accepte de venir s’enterrer dans un trou paumé comme Hazard… Si elle ignore encore qu’elle débarque dans une famille de dégénérés, elle pourra compter sur la guitare de Hank pour lui apporter un peu de réconfort et entretenir la flamme vacillante de l’espoir…

Rodolphe nous montre une fois encore quel formidable conteur il est… Grâce aux crayons académiques et virtuoses de Christophe Dubois, il donne vie à un galerie de personnages inquiétants et malsain mais aussi à deux jeunes gens charismatiques qui auraient pu s’aimer s’il n’y avait entre eux un frangin de mari… Et quelques psychopathes, des frères pervers ou potentiels assassin en passant par un père lubrique et une sœur perturbée… On le serait à moins avec une telle famille ! Dans cette histoire sombre, âpre et violente, le rock’n’roll apparait comme un chant libératoire qui offre à Barbie et à Hank l’espoir en des lendemains meilleurs. Mais le soleil peut-il briller dans ce coin perdu d’Amérique, au cœur de cette famille malsaine et violente ?

Après Ter et Terre Rodolphe et Christophe Dubois se retrouve pour signer un récit tout à la fois sombre et tortueux qui nous entraîne dans les tréfonds de l’âme humaine à la suite de deux gamins cabossés par la vie…


- Y’a un cinoche dans ton coin ?
- Pas à côté, non, faut aller à Hazard.
- Et pour danser ? Qu’est ce qui te fait marrer ?
- Ta question ! Si tu t’imagines qu’on habite Menphis ou Koxville ! Hasard, c’est le trou du cul du monde ! Enfin du monde civilisé… C’est nulle part, c’est chaud, c’est moche et il ne se passe jamais rien ! Dis ? Je peux te poser une question ? Pourquoi t’es venue te paumer chez nous ?
- Parce que d’où je viens, c’est encore pire.- dialogue Barbie et Hank

Chronique by Le Korrigan