Au début des années 80, des gangs règnent en maître sur les nuits new-yorkaises. Ajoutons à cela des Zomb’ totalement défoncés par une drogue de synthèse et vous avez une bonne vision de la jungle urbaine qu’est devenu New-York… Pour pallier aux carences de la police, la maire a donné aux food-trucks la « licence to sell&kill » qui leur permettait de vendre leur nourriture exotique le jour et de traquer les gangstas la nuit… Ainsi sont nés les Fry Sherif qui sillonnent les quartiers pauvres à bord de leur foodtruck pour faire régner l’ordre et la justice…
Ed Palmer se fout bien de la violence qui règne dans les quartiers. II habite une tour luxueuse dans les quartiers huppés de la ville. Il est l’un des meilleurs traders de la prestigieuse Darkrock Company… Ou plutôt il l’était jusqu’à ce que son patron décide de le faire plonger pour couvrir d’étranges mouvement d’argent et d’envoyer un tueur pour empêcher Ed de trop remuer la merde. L’ex-Tradeur décide de se planquer chez son paternel, un Fry Sherif de Brooklyn qu’il n’a pas revu depuis des lustres et qui lui a mené la vie dure quand il était enfant… Il reprend son ancien travail, fermement décidé à faire la lumière sur la machination qui l’a fait plonger… Pour cela, il peut compter sur Bob, pote et ancien collègue… Enfin, c’est ce qu’il croyait..

Abandonnant les univers de fantasy dans lesquels il officie comme conteur, Nicolas Jarry nous entraîne dans un univers rétrofuturiste où des food truckers sont chargés de faire régner l’ordre dans les ruelles des quartiers pauvres dès que tombe la nuit. Au vu du pitch pour le moins interlope, on peut légitiment se demander si Nicolas Jarry n’a pas purement et simplement pété un boulon… Mais l’idée des foods trucks conjugué à la drogue de synthèse qui déverse sur la ville des hordes de zombis anthropophage suffit à caractériser son univers dont la violence latente et le chaos qui y règne ne sont pas sans évoquer ceux des univers Cyberpunk ou de Berlin XVIII… Et l’ensemble fonctionne étrangement très bien !
Ed Palmer, le personnage principal, apparait comme étant un salopard qui ne vit et ne respire que pour le fric. Que lui importe que le monde parte à la dérive tant qu’il se situe en haut de la chaîne alimentaire… Dépouillé en une nuit de tout ce qui faisait sa vie et son univers (son job, son meilleur pote, sa girl-friend, sa situation, son appartement et même… sa vie !), il va devoir renouer avec les fantômes de son passé, un père dur et autoritaire qui ne lui a rien laissé d’autre qu’une carcasse de food truck et un insigne de Fry Sherif…

L’intrigue est menée sur un rythme endiablé et se développe sur plusieurs arcs narratifs dont certains plongent dans le passé d’Ed Palmer… Il va pouvoir compter sur son ex, journaliste hargneuse qui va tenter de prouver que son ancien amant n’est pas le salopard décrit dans les news, même si elle n’est pas prête à lui pardonner ses écarts… Au fil des pages et des péripéties, le portrait de l’ex-trader de génie s’affine et s’étoffe, laissant apparaître un homme plus contrasté qu’il n’y parait, voir même attachant par bien des aspects, comme si d’avoir tout perdu l’avait aidé à ouvrir les yeux. Outre les personnages joyeusement foutraques, les dialogues percutants et incisifs sont l’une des grandes forces de l’album, rythmant le récit par leur humour grinçant et leur cynisme mordant. Le récit sous adrénaline, l’atmosphère décalée, les personnages improbables et les dialogues pêchus ne sont pas sans évoquer le brillantissime de l’excellent Nicolas Petrimaux…
Pour ce qui est, à notre connaissance, le premier album publié en France d’Edoardo Audino, force est de reconnaître que l’auteur frappe un grand coup. Il se dégage de ses planches une énergie dingue grâce à un découpage aussi précis que délicieusement cinématographique. Le dynamisme des scènes d’action est tout juste à tomber et ses cases fourmillent de détails qui permettent de rendre l’univers crédible et cohérent. La mise en couleur de Laura Cerutti rend les planches d’Audino plus percutantes encore alors que son travail sur la lumière soigne avec art l’ambiance très cyberpunk qui règne sur l’album.

Nicolas Jarry nous entraîne dans un univers rétrofuturiste déjanté à la suite d’un ex-trader qui a tout perdu…
Ed Palmer occupait le haut de la chaine alimentaire. Il était le trader vedette de la puissante Darkrock Company… Mais son patron a choisi de le sacrifier pour couvrir ses propres malversations, s’assurant son silence en lâchant sur lui un tueur à gage… Ayant tout perdu, Ed se tourne vers son passé et décide d’aller trouver son père avec qui il avait coupé les ponts. Mais ce dernier est mort et ne lui a légué qu’une épave de foodtruck et une plaque de Fry Sherif… Car la nuit, New-York est livré aux gangs et la police ne parvenant pas à les endiguer, la maire a accordé aux foodtrucks la « licence to sell&kill » : vendeur de nourriture exotique le jour et auxiliaire de justice la nuit…
Le dessin follement dynamique d’Edoardo Audino immerge le lecteur dans ce New-York violent et rétrofuturiste. Ses crayons énergiques mettent en scène les personnages iconoclastes nés sous la plume de l’inventif Nicolas Jarry qui signe un album rythmé et entraînant malgré un pitch pour le moins surprenant… Les dialogues percutants renforcent le rythme soutenu de ce polar sous adrénaline totalement barré mais parfaitement maîtrisé… Seul ombre au tableau : il n’est nullement fait mention de « tome 1 » sur l’album alors qu’on a foutrement envie de prolonger notre immersion dans cette ville glauque et violente…
On les appelait les Fry Shieriffs ou ls F.T.B. pour Food Truck Boys, des types avec des friteuses à l’arrière, des calibres à l’avant et une autorisation officielle pour t’exploser la tête.Ed Palmer