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Entretien avec Igor Davin
entretien accordé aux SdI en juin 2008


1.0 Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi (parcours, études, âges et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de compte numéroté en suisse.) ?
J’ai 28 ans. Je suis originaire de Nîmes, mais j’ai étudié et/ou travaillé à Strasbourg, Bordeaux, Tours, Marseille, Toulouse. J’ai fait des études en droit, puis en journalisme. Aujourd’hui je suis journaliste en presse jeunesse. Je travaille pour Les Clés de l’actualité Junior, chez Milan Presse, à Toulouse.
Je suis aussi président de l’association des anciens étudiants en journalisme de Tours et gérant de la SARL Id&aL éditions que j’ai créé avec un associé pour auto-éditer et commercialiser Kahmaté. Bref, mes journées sont plutôt bien remplies.
Pas de soucis pour donner mon numéro de compte, si quelqu’un pouvait combler mon déficit mensuel, ça m’arrangerait ! Je n’ai pas de compte numéroté en Suisse et mon compte aux Iles Caïmans vient d’être fermé, mais je ne désire pas en parler, je suis encore sous le choc.

Enfant, quel joueur étais-tu? Quelles sont aujourd’hui tes références en matière de jeu de société?
J’ai joué comme tout le monde en famille à La Bonne Paie, Monopoly, Trivial Pursuit… Mais mes premières révélations d’enfance ont été Risk, HeroQuest, SpaceHulk et… Ave Tenebrae (12 heures pour comprendre les règles, 28 heures pour finir une partie, un an pour s’en remettre…). Aujourd’hui je suis plus éclectique, j’aime des titres très variés comme Time’s Up, L’année du Dragon, Les aventuriers du rail, Jamaica ou plus récemment Pandemic.
J’aime jouer avant tout. Donc je n’ai pas de préférences particulières. Je ne me pose pas en défenseur de l’école allemande, américaine ou trictracienne...

D'où te viens ta passion pour le rugby?
Ce n’est pas une passion. J’ai fait du rugby en club pendant trois ans, à Nîmes entre 8 et 11 ans… Autant dire que mon expérience est maigre. Mais j’aime ce sport. Et en temps que Toulousain d’adoption, comment ne pas suivre le rugby ?

Comment est née l’idée de Kahmaté?
Je voulais créer un petit jeu de placement et de bluff fonctionnant avec peu de matériel. Un jeu aux règles simples, mais avec une réelle profondeur et dont les parties ne se ressembleraient jamais. Le thème du rugby n’est venu qu’après, quand je me suis rendu compte que les mécanismes que j’avais trouvés collaient bien à l’idée de ce sport.
Ensuite, la conception du premier prototype a été très rapide.



C’est plutôt surprenant d’apprendre que le thème est venu après la mécanique tant il semble coller à l’esprit du rugby!
Kahmaté pourrait être un jeu abstrait. Si on regarde Diabalik par exemple, c’est un très bon jeu abstrait. Pourtant, si on lui collait le thème du rugby, on s’étonnerait que ce thème soit collé sur une mécanique aussi ressemblante. C’est la même chose pour Kahmaté.
Toute la magie vient des joueurs. Plus ils entrent dans l’ambiance du sport, plus le jeu reflète toute la densité du rugby. Mais Kahmaté peut également ressembler à des jeux purement abstraits comme les échecs. A chacun de choisir ce qu’il voit dans ce jeu.

Entre le concept et sa version finale, combien de temps s’est-il écoulé?
Plus d’un an et demi. La phase de tests a duré une éternité ! Je croyais ne jamais en voir le bout… En janvier 2007, six mois après la naissance du jeu, je présente Kahmaté au concours de Boulogne Billancourt et je ne passe pas la première phase de sélection. Il faut dire que le jeu n’avait rien de sexy à l’époque, question design…
Pour conserver la métaphore, je dirais que c’était plutôt un « tue l’amour »… Page A4 imprimée en noir et blanc, pions en carton mal peints…
Et puis j’ai découvert un truc génial : un illustrateur. Rencontré lors d’une formation, par pur hasard, Pawa est devenu un ami. Je lui ai présenté le jeu qui portait le nom fantastique de « Troisième Mi-Temps » à l’époque… Il a accroché et a accepté de faire des dessins pour rendre le jeu plus sympa visuellement.
Quelques mois plus tard, j’allais faire une démonstration du jeu chez OYA, à Paris. Je crois que le mot poli qui se rapproche le plus de mon ressenti après le test est « grande claque dans la tronche ». Kahmaté avait un potentiel, mais il manquait le petit plus qui en ferait un bon jeu potentiellement éditable.
Ce revirement a fait de Kahmaté ce qu’il est aujourd’hui. Mais plusieurs personnes m’avaient bien affirmé : « Les jeux de sport ne se vendent pas. Les jeux à deux non plus. Oublie. » Je doutais donc de trouver un éditeur susceptible d’être intéressé.
Septembre 2007, je me lance dans la grande aventure de l’auto-édition avec mon associé.



La sortie de Kahmaté s’est accompagnée de la création d’un site web. Internet était il incontournable pour faire parler du jeu?
Je pense que oui. De manière générale, Internet est une vitrine exceptionnelle. Le site permet de mettre le jeu en valeur, permet également aux internautes d’en savoir plus avant de l’essayer ou de l’acheter, permet d’acheter le jeu en ligne, de le commander ou de savoir où le trouver.
Plus spécifiquement, un site web c’est aussi la possibilité de mettre en ligne des variantes, des traductions de règles, des news concernant le jeu ou encore des liens vers d’autres sites qui pourraient intéresser de près ou de loin les joueurs de Kahmaté.
Enfin, je fais partie de la communauté Vassal France. Vassal est un logiciel libre qui permet de créer ou adapter des jeux de société et d’y jouer à plusieurs sur Internet, en direct, autour d’une table virtuelle. J’ai adapté Kahmaté sur Vassal et j’invite les internautes de passage sur mon site web à tester le jeu en ligne, via Vassal. D’ailleurs, c’est quand tu veux !

Sans indiscrétion, monter Id&aL éditions et publier votre premier jeu a-t-il nécessité une grosse mise de fond? Comment avez-vous géré la distribution de votre premier jeu?
Franchement, je pensais que l’aventure nous coûterait moins cher… Actuellement, entre la conception, les illustrations, la fabrication, la communication, la création et la maintenance du site web, la création et l’administration de la SARL, les envois postaux, les déplacements pour démarcher les magasins, les salons, etc., nous avons dépensé environ 20 000 euros.
Pour le moment, mon objectif est de rembourser la mise initiale, et c’est déjà un beau pari !
Pour distribuer le jeu, plusieurs solutions s’offrent à un éditeur comme moi : la vente par correspondance, les amis, la distribution en direct en démarchant les magasins, passer par un distributeur… J’ai choisi de tout faire en même temps. Notre distributeur est l’entreprise OYA dont la plus grande qualité est de faire jouer les jeux qu’elle distribue, c’est une très belle valeur ajoutée. Surtout quand on connaît la bande de joyeux lurons que sont les animateurs d’OYA.

Créer un jeu à thématique sportive en conservant le subtil équilibre entre simulation et plaisir de jouer n’est pas chose aisée… Comment as-tu abordé ce cruel dilemme ?
Je suis assez exigeant en terme de création. Et mes testeurs le sont aussi ! Je crois avoir rapidement une bonne vision d’un jeu que je conçois. Pour que j’apprécie et que je pousse plus loin un prototype, il faut que je prenne toujours autant de plaisir à y jouer malgré la répétition des parties de tests. C’est assez difficile. Peu de créations parviennent à cette étape. Mais Kahmaté a vraiment été facile à créer. Et mes testeurs ont rapidement accroché. Justement parce qu’ils appréciaient les aspects tactiques et bluffs très abstraits et, en même temps, l’impression d’être dans un vrai match de rugby, l’envie irrépressible de se plonger dans un roleplay rugbystique. Une immersion qui me surprend toujours, qui m’effraie parfois selon les joueurs…
Bref, je n’ai pas réellement planché sur ce subtil équilibre. Il s’est imposé au jeu.

Avant de te lancer dans le pari risqué de l’auto-édition, avais-tu démarché auprès d’éditeurs?
Non. Ma seule approche d’un professionnel a été ma présentation du jeu à OYA. Je sais aujourd’hui que ca a été une erreur de ma part. Une erreur de débutant, porté par son envie d’auto-éditer son premier jeu. Avec le recul, je n’aurais pas eu le même cheminement. L’auto-édition est une belle aventure, mais elle est très risquée. Aujourd’hui, je ne peux pas le nier, mon associé et moi avons réussi notre pari. Kahmaté a reçu un accueil excellent et se vend très bien. Nous cherchons un fabricant pour une réédition.
Deux de mes créations ont passé la première phase du concours de Boulogne Billancourt. Pourquoi pas les prochains titres de Id&aL éditions ? Avec ou non le passage par la case éditeurs ? Je ne peux pas encore le dire…



Peux on en savoir plus sur ces créations et tes autres projets ludiques?
Les deux jeux en concours à Boulogne sont basés sur des thèmes d’une originalité extravagante : les pirates et la fantasy.
Oui, je sais, tout cela sent le roulé sous les aisselles une énième fois. Et pourtant, j’ai tenté de trouver des mécanismes particuliers. Le premier est un jeu assez stratégique et calculatoire sur les pirates et leurs trésors… Sur une île (facile), des bandes de pirates armés et équipés d’outils (jusque là tout va bien) tentent de récupérer les trésors des autres sans se faire déterrer les leurs… Un jeu où l’ambiance est aux cachotteries et aux coups bas ; où l’on passe autant de temps à réfléchir à ses prochaines actions qu’à chambrer l’adversaire, histoire de faire diversion.
Le second jeu est bien moins prise de tête, puisqu’il s’agit d’une course à l’objectif. Le château est attaqué, mais toute l’action se déroule à l’intérieur. Les joueurs sont des capitaines d’escouades et doivent mener leurs troupes à leurs postes pour défendre le fort. Mais voilà… les chemins de ronde sont étroits et chaque capitaine a des ordres à réaliser avant les autres. Difficulté supplémentaire, n’importe qui peut bouger n’importe quel pion, mis à part un type de soldat particulier, chargé de glisser une pointe de chaos dans tout ce bel ordre… « A vos postes ! » c’est son nom de prototype, vient d’être élu vainqueur d’un concours école, dans lequel le jury était composé d’une classe d’élèves de CM1. Le prototype est également jouable sur Vassal.
Bien d’autres créations sont en projets et/ou avancent bien. Je les testerai sûrement en avant première sur Vassal…

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Oui. Mais je préfère la garder pour plus tard.
Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…


Un mécanisme de jeu : Pioche trois carte et n’en garde qu’une
Un jeu traditionnel : Les Echecs
Un personnage de cinéma : Stephen l’Irlandais (le fou), dans Braveheart de Mel Gibson
Une créature mythologique : Un ondin
Un personnage de BD : Gorn, dans Gorn de Tiburce Oger
Un personnage biblique : Job
Un personnage de roman : Toubib, dans la Compagnie Noire de Glen Cook
Un personnage de théâtre : Cyrano de Bergerac
Une oeuvre humaine: La station spatiale internationale
Une recette culinaire: La gardiane
Une boisson : Un russe blanc

un grand merci pour le temps que tu nous a accordé et pour le plaisir que nous avons éprouvé à jouer à Kahmaté


Le Korrigan



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