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Entretien avec Ozanam
entretien accordé aux SdI en avril 2010


Bonjour et merci d’avoir accepté de répondre à notre interview !
Question liminaire : êtes vous farouchement opposé au tutoiement ? (Sinon, je eux me faire violence !)

Nope, ça me va. Vive le tutoiement !

Enfant, quel lecteur étais-tu ? Les BD occupaient-elles déjà une place de choix? Quels sont à ce jour tes auteurs de chevet ? (tout support confondus)
J’ai appris à lire avec la BD. Et dans mon enfance, j’y ai voué un culte sans fin. Pour la liste des auteurs de chevet, ça va vite faire bottin !En roman, je suis un grand lecteur d’Antoine Volodine, Jean Mecker, Svetislav Basara et aldofo Bioy Casares (et encore là je la fait courte). En BD, c’est pire. Mais je peux citer Andréas, Sampayo, Risso, Mattotti, Schuiten & Pieters, Peter Milligan, Zetner…

Projet de couverture ©KieranDevenir auteur de BD, étais-ce un rêve de gosse ?
Complètement. Mais il m’a fallu un bon bout de temps pour comprendre que je voulais raconter des histoires plus que les dessiner.

Quelles sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier?
Les rencontres ! Pour les deux côtés.
Travailler avec quelqu’un qui se transforme petit à petit en pote, c’est vraiment quelque chose de très agréable. Ce n’est pas tout le temps le cas mais quand même.
En revanche, c’est vrai que c’est un métier assez solitaire. Et scénariste étant en plus le métier de l’ombre par rapport au dessinateur… Faut aimer rester des heures sans parler. Et puis d’un coup devoir se vendre (enfin vendre son projet). C’est juste super bizarre.

recherche personnage ©Kieran
We are the night partie [20h-1h] dans quelques jours. Comment est né ce projet? Comment as-tu rencontré Kieran qui le met en scène?
Un jour, Renart, un dessinateur avec qui j’ai travaillé sur Seconde Chance (à paraitre au moi de mai chez KSTR), m’a dit que l’un de ses copains à l’école Emile Colh (école de BD à Lyon,) cherchait un scénario pour son projet de fin d’étude. J’ai donc pris contact avec Sébastien et je lui ai proposé un projet que j’avais commencé à élaborer. Le projet pour « jury » s’est transformé peu après en projet éditorial.

Le projet en lui-même est né d’une envie de raconter une histoire avec une structure un peu différente. J’étais étonné de voir que le genre « histoire chorale » n’existait pas vraiment en BD alors que c’est un genre en lui-même au cinéma par exemple. Une fois cette idée de structure mis en place, l’histoire est venue d’une façon assez naturelle. Mais il a fallu vérifier tous les liens une paire de fois !

Les histoires chorales, malgré leurs formidables capacités à immerger le lecteur au cœur d'une histoire, ne sont pas légions en BD... Comment as tu organisé ton travail pour échafauder l'ossature de l'histoire? (Schémas, plans, fiches signalétiques? ...)
ça s’apparente à une immense toile d’araignée. après j’ai aussi fait un double découpage. une chronologie globale et une autre par personnage avec un plan de la ville pour voir les croisement (ça fait un peu plan de métro). Un joyeux bordel où on flippe toujours de s’être trompeé. du coup, c’est l’un de mes scénario les plus construits. Sinon je préfère me laisser emporter par les personnages.

Recherche de personnage ©Kieran
Comment s'est organisé le travail avec Kieran? Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différents étapes de votre travail à quatre mains?
J’adore travailler en même temps que le dessinateur. Du coup, je n’avais que cinq pages environ d’avance (mais avec la construction faite auparavant). ça a permit pas mal d’échange. Comme en plus, il s’agissait de sa ville, j’avais de temps en temps besoin d’infos… en gros je fais un découpage à la page avec un jeu de scène (un découpage très cinématographique ou théâtrale) et les dialogues. Sébastien me donne un storyboard, on discute et il attaque la page. ça s’est fait vite et très naturellement.

Serait-il possible, pour une planche donnée, de voir les différentes étapes de sa réalisation, du découpage à la colorisation?


rough ©Kieranencrage ©KieranMise en couleur ©Kieran


Dans quel état d'esprit es-tu à la veille de la parution de l'album?
Ca va. au début je stressais un peu, j’allais voir les piles chez les libraires. mais maintenant, je continue à bosser. Si ça se passe super bien, les éditeurs vous tiennent au courant de toutes façons…

recherche véhicule ©KieranParmi la galerie de portrait de We are the Night, quel personnage as-tu le plus de plaisir à mettre en scène?
Le truc vraiment sympa c’est de jouer avec tous ensemble. de les voir se rencontrer les uns les autres. Bien sûr, il y en a pour qui j’éprouve de la sympathie (et à qui j’ai prêté des anecdotes qui me sont arrivées) et d’autres que j’aime voir malmené car je les trouve vraiment pourris.

Planche encrée ©Kieran
La musique occupe une place importante dans l'album, dès le titre qui est celui d'un album des Chemical Brothers...Comment as-tu conçu la... BO de l'album?
Depuis le début que je fais de la BD, la musique est un élément très important. énormément pour les titres des albums mais aussi pour me donner une ambiance quand j’écris. Dans « Pills » qui sort en août (avec guillaume Singelin au dessin), j’ai donné des noms de chansons à des drogues du futur…
Là, pour WATN, le titre vient du dessinateur. Moi, j’avais trouvé « Against the night » (titre d’une chanson de Jason Webley) mais je dois avouer que We are the night est un super titre. Donc pour cet album la « BO » a été un échange avec Kieran. de mon côté, je voulais mettre « The Partisan » et « People are strange » car ils font parti de ma short liste. Après je n’ai pas envie que cela soit gratuit. Il faut des titres qui soient raccords avec le scénario. La chanson de Bob Marley par exemple est un excellent choix par rapport à l’histoire…

recherche personnage ©KieranPeux-tu nous dire quelques mots de L'amourir, à paraître en avril chez KSTR?
L’amourir est un ovni dessiné par tentacle Eye (avec qui j’ai déjà fait « le chant des sabres »). Le titre vient d’une chanson des Young Gods et résume parfaitement le scénario. C’est l’histoire d’un amour impossible. Je pense que c’est l’un de mes albums le plus personnel... Et j’espère qu’Antoine Volodine accepterait de l’inscrit dans son mouvement littéraire, le « post-exotisme ».
L’univers du récit est très « berlin 1930 ». Il y a tout mon intérêt pour le cabaret et le burlesque dans cette histoire. Et toutes mes peurs sur ce que je serais capable de faire s’il y avait une dictature. Ces thèmes là sont les mêmes que pour mon premier album… Comme quoi ça doit me travailler…

As-tu d'autres projets sur le grill?
Plein ! je sors donc l’amourir en avril, seconde chance en mai et Pills en aout (les trois chez KSTR). J’ai aussi une trilogie terminée qui ne sortira qu’en janvier 2011 (pour des raisons éditoriales). Ca s’appelle « les âmes sèches » et ça fait 345 pages en tout. J’y ai épuisé le talent de trois dessinateurs là dessus ! notamment mon ami Bandini avec qui je dois avoir 5 ou 6 projets supplémentaires ! J’espère que le succès sera au rendez-vous car je me suis vraiment attaché au personnage principal.

©Kieran
Quels sont tes derniers coups de coeur (tous médias confondus)?
Alors en musique, je suis à fond sur the paperChase. Ils ont de l’energMie à revendre. un peu comme les Pixies à leur début. Mais mon dernier coup de cœur, c’est Oscar matzerath. Une voix superbe, des textes à tomber…

Point de vu roman, je suis à la moitié de « Le Conte de la pensée dernière » d’Hilsenrath. Et comme à chaque fois que j’aime vraiment un bouquin, je fais durer. Je le repose pendant des jours et je le reprends. Histoire de ne pas laisser les persos trop vite. Je vis avec eux ( du coup, il est pas rare que je sois sur plusieurs romans en même temps).

Pour la BD, le dernier truc qui m’a foutu KO c’est « l’hypnotiseur » chez casterman. Il y a aussi Parker, le chasseur de Darwyn Cooke. Ce type pourrait illustrer le bottin que j’achèterai.

Et enfin au cinéma… Je ne vais presque plus au cinéma. Mais j’ai vu en vidéo, il y a un an le second film du mec qui a fait « the road ». C’est un western australien intitulé « The proposition ». J’ai vu qu’ils le distribuaient actuellement en salle. C’est carrément bien. C’est Nick Cave au scénario…

Planche T1 ©Ankama Editions / KieranY-a-t-il une question que je n'ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre?
La question : qu’est-ce qu’il te manque en BD ?
La réponse : un vrai journal ! pas un torchon comme Bodoï. Non, un vrai truc à la (à suivre).

Pourquoi un tel ressentiment envers ce magazine?
Voilà une question qu'elle est bonne.

Alors, je ne suis pas en total rejet de Bodoï... mais je les trouve symptomatique de ce que je n'aime pas dans l'idée de la presse et de la chronique.

Je trouve qu'ils font mal leur boulot. Quand c'était un journal, ce n'était que de la prépub de gros truc qui marche (aucune prise de risque, aucune direction littéraire, aucune direction réel si ce n'est ce que les autres proposent). Maintenant, ils font un webzine de plus. Et avec des façon de chroniquer les albums qui sentent mauvais. Ca ne sert à rien de descendre les albums. Surtout quand on ne justifie pas les attaques. A la limite, un crétin comme Zemmour va justifier ses dires. Ainsi on peut s'apercevoir qu'on va adorer tel ou tel roman car on est contre ses propos. Là, dans le cas de Bodoï, ces des critiques de cours d'écoles. genre: c'est pas beau ou j'aime pas.

Planche T1 ©Ankama Editions / KieranA titre personnel, quand on dézingue We are the night en disant que ça c'est déjà vu au cinéma, je trouve ça stupide. Pour des mecs qui mettent sur un piédestal des séries à plus de 20 albums qui se répètent en continue, je trouve ça drôle.  En plus c'est réducteur comme analyse. Le style « chorale », ça c'est vu ailleurs qu'au cinéma ! Il y a de très bons romans (bien avant le cinéma) qui exploitaient cette forme narrative.
En gros, ce qui me gêne, c'est le manque de culture associé à la mauvaise foi. c'est comme si j'étais blacklisté depuis mon premier album. et encore, si j'étais le seul, je fermerai ma gueule. mais là, c'est récurrent. D'ailleurs, l'inverse est vrai aussi. Pour certain auteur, ils sont capables de trouver la pire daube excellente uniquement car il faut pas y toucher. C'est amateur.

J'estime donc que j'ai le droit de les critiquer à mon tour.

Et enfin, pour finir, je dirais aussi que l'une de mes activités en dehors du scénario, ça a été de faire des chroniques BD à la radio. J'ai alors choisi une voie beaucoup plus dur que Bodoï : être objectif et ne jamais dire de méchanceté. je préfère ne pas chroniquer un album plutôt que d'en dire du mal. Le silence est simple quand on aime pas. et comme notre temps est compté, je préfère l'utiliser pour dire des gentillesses. Mais des gentillesses que je pense. Pas pour faire plaisir à tel ou tel éditeur. Quitte à passer sous silence une grosse sortie.

Bref, je crois que je n'ai pas la même vision du métier qu'eux. Ca s'arrête là. Je ne fais pas une fixation sur eux. Si certains trouvent leur compte à lire leurs âneries, grand bien leur fassent. Mais c'est vrai que ça a pas la classe d'un Thierry Bellefroid.

Planche encrée T1 ©KieranPour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…


un personnage de cinéma : le mec de citizen dog
une créature mythologique : un dieu bien cool. genre Bacchus.
un personnage de BD : alack Sinner
un personnage de biblique : vu que je suis païen, vaut mieux pas que je me retrouve dans la bible. ça craindrait trop pour moi, je suis sûr.
un personnage de roman : Thursday Next (Jasper Fforde)
un personnage de théâtre : un perso de Samuel Beckett.
Une œuvre humaine : un super ordinateur avec la mémoire du monde à l’intérieur (je sais, c’est pas une véritable œuvre humaine et alors ?)
un jeu de société : le solitaire
une recette culinaire : un plat indien.
une boisson : l’un des alcool que je fabrique tout seul avec ma petite mallette de chimiste.

Un dernier mot pour la postérité?
à suivre ! j’adore ce mot. même si je doute que ça passe à la postérité.

Un grand merci pour le temps que tu nous a accordé!
merci aussi à vous !

Portrait d'Antoine Ozanam
Le Korrigan