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Entretien avec Hamo
Interview accordée aux SdI en février 2011


Bonjour! Tout d'abord merci de nous accorder un peu de ton temps...
Merci à vous de nous accorder un peu d'intérêt.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi? (parcours, études, âges et qualité,passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse…)
Je suis né en 1982 dans une charmante ville Belge du nom de Namur. Malgré quelques vas-et-viens, j'ai toujours été fidèle à ma ville. J'y poursuis donc mon petit bonhomme de chemin depuis 28 ans. Dès ma petite enfance, j'ai pris goût au dessin et à la musique. La chance, sans doute, à une famille plutôt ouverte à la culture. J'ai donc commencé l'accordéon diatonique à 6 ans et suis entré aux ateliers créatifs de l'Académie des Beaux-Arts de Namur quelques années plus tard. Vers 14 ans, je montais mes premiers groupes de musique et donnais mes premiers concerts… Mais d'un point de vue scolaire, c'était le dessin que j'avais en ligne de mire. Mes parents m'ont toujours encouragé dans ce sens (ma mère était alors libraire jeunesse), mais il a fallu attendre "d'avoir mon bac" pour entamer réellement des études d'illustration. A 18 ans je suis donc entré à Saint-Luc à Liège avec dans l'idée d'y apprendre le dessin et de réaliser des livres illustrés pour enfants. J'en suis sorti 3 ans plus tard avec de nouvelles perspectives.

Enfant, quel lecteur étais-tu? Quels étaient alors tes albums de chevet?
Assez bizarrement, je n'ai lu que très peu de BD avant mon arrivée à Saint-Luc. Par contre, je dévorais des romans jeunesse, de part l'activité professionnelle de ma mère. J'en ai lu par centaines, c'était super. Mais aux alentours de 15 ans, la contrainte scolaire de lire tel roman classique ou telle pièce de théâtre m'a dégouté de la lecture. Vraiment. J'ai à peine lu 2 romans sur ces 15 dernières années (et pas des gros…). C'est honteux.

Devenir dessinateur de BD, était-ce un rêve de gosse ? D'où vient ta passion du dessin?
Comme dit précédemment, j'ai réellement découvert la BD à Saint-Luc. J'y étais initialement venu pour dessiner et peindre. Une "vision" des arts graphiques que mon grand-père Georges (que je salue) m'avait transmise lors d'interminables après-midi ou nous peignions. Il réalise encore aujourd'hui de magnifiques peintures à l'huile représentant des paysages de notre région. Mon arrivée dans la BD, c'est vraiment un pur hasard. Les garçons de ma section rêvaient de faire la BD alors que moi je m'orientais vers l'illustration jeunesse (ce qui était généralement plus le cas des filles de notre classe…). J'ai donc découvert leurs influences BD (Loisel, Tardi, Pratt, Bilal, Comes, Conrad, Franquin,…). Et au fil du temps, en perfectionnant mon dessin, j'ai pris gout à ce support et j'ai terminé mon cursus par une dernière année dans la section BD, qui venait d'ouvrir. Au passage, un concours de BD, gagné un peu par hasard m'a offert mon premier voyage à Angoulême. Le déclic est certainement venu en découvrant le milieu de l'édition, que j'ai trouvé assez stimulant.

En 2007 paraissait « Ouverture », premier album de la série Noirhomme... Comment as-tu rencontré Antoine Maurel et Benoît Bekaert, respectivement scénaristes et coloristes de la série?
En 2004, après mes années Saint-Luc, il y a eu un véritable BOOM des forums internet destinés aux artistes. C'est sur ces plates formes que j'ai développé mes premiers projets BD. Et c'est par ce biais et par ma participation à quelques festivals, que j'ai eu mes premières opportunités d'édition. De 2005 à 2006, j'ai donc réalisé quelques histoires courtes pour le magasine Spirou (avec Zidrou notamment), mais aussi des illustrations dans des collectifs édités par la grande ourse et Khimaira. Mais parmi toutes ces rencontres, c'est avec Antoine et Benoit que j'ai eu ma première opportunité de série. Une chance, parce qu'entre temps, on a développé une véritable amitié. Ce fut donc une excellente première expérience.

Quelles sont les grandes joies et les grandes difficulté du métier?
Pour autant que ce soit un métier, il est très agréable de se réveiller en se disant qu'on va passer sa journée à gribouiller des histoires et donner vie à des personnages. Ajoutez-à ça que quand j'ai fini, je retrouve des amis musiciens sur scène ou pour faire la fête. D'ailleurs, sans cette seconde activité, j'aurais sans doute du mal à mener la vie de dessinateur. J'ai un peu trop la bougeotte. Bref, les choses s'équilibrent assez harmonieusement. Mais s'il fallait pointer une difficulté, ce serait justement le manque de mobilité… Le dos et les articulations souffrent de rester statiques, ce ne sont pas des légendes :D

D'ici quelques jour paraîtra le premier tome de Special Branch, un polar historique scénarisé par le talentueux Roger Seiter, scénariste notamment de l'excellente série Fog... Comment est né ce projet?
En terminant Noirhomme, j'ai voulu provoquer le plus d'opportunités possible, afin de continuer dans la BD. La réalisation de ces trois premiers albums m'avait plue, j'avais donc envie que ça continue. Parmi les rencontres faites à ce moment là (début 2009), un dessinateur m'a parlé de Roger Seiter. Je connaissais un peu son travail, surtout FOG que j'avais entièrement lu et adoré! Roger développait alors de nouveaux projets et cherchait de nouveaux dessinateurs. Je l'ai contacté, il m'a directement envoyé le script de SPECIAL BRANCH, j'ai réalisé quelques essais et nous signions le projet chez Glénat 3 mois plus tard. Nous étions tous assez surpris de l'efficacité de cette nouvelle collaboration :D L'enthousiasme continue puisque Roger termine l'écriture du tome 3 alors que je suis en plein dans le 2.

Special Branch est présenté comme une suite à la Série Fog, plusieurs années après les évènements relatés dans les huit tomes dessinés par Cyril Bonin... Quels sont les liens entre les deux séries?
Charlotte et Robin, qui sont les protagonistes de la série "Special Branch", sont en réalité les neveux d'Andrew Molton, le commissaire de la série FOG. D'ailleurs, on les aperçoit enfants dans le tome 1 de la série mère. Les deux récits sont donc espacés d'un peu plus de vingt ans. Le lien n'est pas des plus évidents, mais personnellement je trouve le clin d'oeil amusant.

Peux-tu en quelques mots nous faire le pitch de ce premier tome?
En 1889, un cadavre desséché est retrouvé dans la double coque d'un navire en déconstruction, dans un chantier naval de Liverpool. Il s'agit du Great Eastern, un gigantesque léviathan à l'agonie, suite à la faillite de ses armateurs. Jusque là, l'histoire est vraie. Roger a ensuite imaginé une enquête autour de cette "momie". La police locale trouve une photo dans la poche du cadavre. Celle-ci semble impliquer un haut gradé de la navy… L'affaire est donc confiée à la Special Branch, services secrets de l'époque, rodée à ce type d'enquête ultra secrète. Le jeune enquêteur Robin Molton entre en piste, épaulé par sa soeur Charlotte, médecin légiste. L'enquête sera bouclée en trois albums.

Comment s'est organisé le travail avec Roger Seiter? Du scénario à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de ton travail?
Roger avait écrit les grandes lignes ainsi que le premier tome de ce projet bien avant que je rentre en piste. Quand j'ai réalisé l'essai, a peu près 5 dessinateurs s'y étaient déjà risqués. L'essai étant concluant, nous sommes passés à la réalisation de l'album… Toujours à distance (nous ne nous sommes rencontrés qu'après plusieurs mois de collaboration). Tout le contraire de ce que j'avais vécu avec Antoine Maurel, sur "Noirhomme". Mais ça n'a pas posé de problème.

Roger suit mon travail de manière sereine et régulière, toujours en m'encourageant. La suite du travail semble se prolonger sur ce modèle, puisqu'il a écrit le tome deux depuis quelques mois et qu'il songe à se coller au troisième prochainement. Ceci dit, nous nous voyons de temps en temps, lors de festivals et c'est toujours un plaisir. Pour ce qui est de la partie graphique, ce premier tome a été un véritable laboratoire. J'ai passé beaucoup de temps à m'imprégner du travail de Roger, à me familiariser avec les personnage et surtout avec ce bateau, qui est une sacrée pièce (on l'aborde surtout dans le tome 2). Au passage, j'ai repris le rôle de coloriste, ce qui a également été une sacré remise en question graphique. Mais je suis content de cette expérience. J'ai également pas mal chipoté entre dessin sur papier et travail sur logiciel. C'est au final un savant mélange des deux. Pour les tomes suivants, l'idée est bien entendu de "foncer", vu que la méthode est maintenant établie.

Quelle étape préfères-tu dans la réalisation d'un album?
Le storyboard et la mise en couleur. Le point de départ et l'arrivée, en quelques sortes. Les deux pour la même raison : ce sont des étapes assez rapides. Et je suis un impatient. J'aime la sensation de voir la mécanique de l'histoire se construire sur une page blanche (c'est le storyboard) et le fait qu'en ajoutant quelques touches de couleur au dessin, la page prenne vie. Entre les deux, il y a le " dessin", étape que j'apprécie également… Mais qui est beaucoup plus laborieuse. Sur cette phase, je sais que j'ai encore à travailler. Idéalement, je devrais avoir un peu plus de rigueur dans le choix de mes cadrages, la construction de mes perspectives, l'utilisation de ma documentation, etc… Mais a priori, j'ai encore quelques albums devant moi pour peaufiner tout cela (je l'espère, du moins).

Comment as-tu abordé cette histoire « en costumes »? A-t-elle donné lieu à de nombreuses recherches documentaires? Quelles furent tes principales sources documentaires?
Le travail sur Noirhomme m'avait déjà permis de cerner les grandes lignes du 19ème siècle. Pavés, calèches, costumes, etc… Mais justement, le danger était de ne pas retaper stupidement ce que j'avais mis au point sur Noirhomme. Les deux récits sont tout de même éloignés d'une soixantaine d'années… Et ne se passent pas dans la même ville! Bref, j'ai du peaufiner ma documentation. A ce sujet, Johannes Roussel (dessinateur de HMS avec Roger au scénar) m'a refilé pas mal de documents intéressants. C'est un passionné de marine.

Comment as-tu travaillé à l'élaboration de l'apparence des principaux personnages de cette nouvelle série?
Côté casting, Roger m'a plutôt laissé champ-libre. Bien que… Je me rappelle avoir dans un premier temps imaginé Charlotte brune… Alors qu'il la voyait blonde. Pour ce qui est de l'inspecteur Pilaster, j'avais réalisé quelque pages ou il apparaissait petit, plus vieux et typé méditerranéen (cheveux gominés et petite moustache). Mais c'est en poursuivant le récit que je me suis rendu compte qu'il devenait vraiment complice de Robin et Charlotte. J'ai donc préféré opter pour un grand costaud au traits sympathiques. Son costume rayé me semblait d'ailleurs bien refléter son côté "provincial", histoire de bien trancher avec les costumes sombres et impeccables des Londoniens que sont Robin et Charlotte.

Dans quel environnement sonore travailles-tu habituellement? Silence monacal? Musique de circonstance?
Ca dépend… J'aime bien travailler en musique, mais sans en faire un rituel impératif. Par contre, j'aime bien qu'il y ait du mouvement. Mon chien et mes deux chats s'en chargent. J'apprécie également travailler en compagnie d'autres dessinateurs. Je ne travaille malheureusement pas en atelier mais quand l'occasion se présente, je vais travailler chez des amis. A Liège ou à Bruxelles. J'aime bien travailler dans les transports en commun, aussi. J'ai d'ailleurs investit dans du matériel transportable. C'est très pratique, notamment lorsque je suis en tournée avec l'un de mes groupes ou en festival BD.

Parmi les personnages de Special Branch, lequel as-tu pris le plus de plaisir à mettre en scène?
Pilaster, peut-être. J'aime bien sa carrure, son côté gros nounours. Et puis il y a la momie, qui -bien qu'assez statique- a été intéressante à "dévoiler", enroulée dans son tapis.

Dans quel état d'esprit es-tu à quelques jours de la sortie du premier tome?
Un peu décalé, j'avoue… Je suis en plein déménagement et très occupé sur le second tome de Special Branch. Du coup, j'ai un peu la tête à autre chose. Et ce n'est pas plus mal. Je sais que Roger a déjà reçu ses exemplaires de notre album depuis une semaine, alors que les miens sont perdus dans un bureau de poste dans lequel je dois encore me rendre. C'est un peu frustrant, je dois bien l'avouer. Me connaissant, j'irai acheter l'album en ville, le jour de sa sortie (sans blague, ça m'est déjà arrivé pour le tome 3 de Noirhomme). Ceci dit, de manière générale, je suis assez curieux et plutôt optimiste. Les échos sont bons et il semble que l'impression se soit passée parfaitement. J'ai donc hâte de voir mes couleurs, pour la première fois. Et puis d'avoir ce grand bouquin entre les main… Le format de la collection Grafica est beaucoup plus grand que la collection dans laquelle j'étais édité chez Casterman.

Quels sont tes derniers coups de coeur, tous médias confondus (ciné, BD, musique...)
"Page Noire", la dernière BD de Ralph Meyer chez FuturoPolis. Je connaissais le travail de Bruno Gazzotti, mais je n'avais jamais rien lu de lui… Du coup, je me suis tapé l'intégrale de "Seuls" en une soirée. Et le lendemain, j'ai acheté quasi l'intégralité des SODA. Ce sont deux très chouettes séries! Mais je ne suis pas très objectif; de manière générale, je suis très fan du travail de Fabien Vehlmann. Côté musique, un groupe Belge me semble faire du bon boulot pour le moment. Puggy. Leur musique est assez basique, mais super efficace. Sur scène, le trio est vraiment impressionnant, une vraie complicité. Il y a quelques morceaux qui font penser à Queen, ce qui n'est pas pour me déplaire. Je n'ai malheureusement pas eu beaucoup l'occasion d'aller au cinéma ces derniers temps. Mais j'ai beaucoup apprécié l'adaptation d'Adèle Blanc-Sec de Besson. Je viens de me le prendre en DVD, d'ailleurs. Toujours en DVD, mais ce n'est pas neuf, je suis tombé sous le charme de "The Westler", un film vraiment poignant.

Y a-t-il une question que je n'ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre?
Non, franchement ça me parait assez complet smiley

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire...

Si tu étais...


un personnage de BD : Le marquis d'Anaon ou Jerome K Jerome Bloche.
un personnage biblique : Simon-Pierre.
un personnage de roman : Oui-oui, un un brin utopiste.
un personnage de théâtre : Celui qui sert au bar à la fin du spectacle, pour le côté festif et convivial.
un instrument de musique : Un accordéon diatonique, bien sur.
une oeuvre d'art : Une estampe, pour sa capacité d'être reproduite en plusieurs exemplaires.
un jeu de société : Je n'en sais rien.
une ville : Maastricht. A la fois décalée et conventionnelle.
une recette culinaire : Un grande casserole pleine de choses pour un repas convivial. Genre potée, choucroute ou tajine.
une boisson : Une bière spéciale. L'Orval par exemple. Douce-Amère.
une pâtisserie : Une couque aux raisin.
un proverbe : « Si l'heure qui sonne est douce a ton coeur ne parle a personne de ton bonheur ».

Un dernier mot pour la postérité?
"Je vais lire aux toilettes", comme l'a dit ce cher Elvis avant de lâcher la rampe. Il avait bien raison, faites pareil. Et lisez le tome 1 de Special Branch, tant qu'à faire!

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé!!!
Avec plaisir.
Le Korrigan