Bonjour! Tout d'abord merci de nous accorder un peu de ton temps...
Mais ça me fait plaisir!
Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement?
Pas du tout! (euh, pas pantoute!)
Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi? (parcours, études, âges et qualité,passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse…)
Bof, études en arts, mais pas très poussé, plutôt porté à la rêverie, j'ai 40 ans (mais on m'en donnerait plutôt 39 et demi...), j'ai travaillé quelques années en dessin animé avant de me lancer en bande dessinée, et je suis chanceux: J'ai rencontré des gens super dans les deux domaines!
Enfant, quel lecteur étais-tu? Quels étaient alors tes albums de chevet?
Disons qu'en bon Québécois, c'est-à-dire entre la culture américaine et européenne, j'ai lu autant de comics américains que d'album franco-belge: Thor, Conan et Iron Man se mêlaient à Blueberry, Astérix et Spirou. Mon premier roman lu, vers les 10-11 ans, fut l'Île au trésor, de Stevenson, après avoir vu la série télé de Disney. (À cause de ça, je suis incapable de créer une histoire sans une séquence d'auberge pleine d'ambiance, de rhum et de bière... Voir Sagah-Nah, Chroniques Sauvages et-à venir en automne- La Bête du Lac. Mais j'essaierai d'arrêter à l'avenir) .
Devenir dessinateur de BD, était-ce un rêve de gosse ? D'où vient ta passion du dessin?
Euh, bien entendu, c'était un rêve de gosse, mais en croyant que c'était inaccessible... La bédé comme mode de vie potentiel est assez récent au Québec. Et d'où vient la passion du dessin, et bien, les bédés, et couverture de romans comme Bob Morane, Dylan Stark et Doc Savage qui traînaient à la maison étaient un puissant stimulant pictural!
En 2002 paraissait Celui qui parle aux fantômes, premier tome de la série Sagah-Nah... Devenir auteur de BD, fut-ce un parcours du combattant?
À prime abord, ce fut relativement facile d'être signé pour Sagah-Nah. Mon document de présentation fut le premier conte que l'on voit dans Celui qui parle aux fantômes, avec le vieillard, le diable et l'extra-terreste (oui je sais, pour ceux qui ne connaissent pas l'album, ça peut sembler bizarre!). Ce conte passa aux mains de Thierry Labrosse (Moréa à l'époque) puis à Arleston-merci à eux- et deux semaines plus tard je signais mon contrat! Mais la difficulté fut après l' annulation de la série après 2 tomes: Remise en question, tentative de changement de style (erreur totale), mais en faisant la couleur de grosses série, ça m'a permis de faire mes gammes. Surtout dans le cadrage des plans, découpage des planches, etc.
Quelles sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier?
Les joies (enfin, pour moi): Horaires variables, pas de patron dans le dos, le pouvoir de raconter une histoire et la voir imprimée dans les librairies, et la convivialité entre les auteurs dans le domaine.
Les difficultés: Délais parfois très serrés (surtout comme coloriste), le temps fou que ça prend pour faire un album solo, et l'épée de Damoclès qui flotte au dessus des séries qui marchent moins. Les sorties d'album sont très grisante, avec les gens qui viennent te voir, et les critiques quand elles sont positives. Mais elles sont suivies d'un stress de savoir si ça va vendre assez pour continuer. Mais bon, tant qu'on fait du mieux que l'on peut, le reste est incontrôlable...
Tu as travaillé avec Régis Loisel et Serge Letendre que beaucoup considère comme des monuments de la bande-dessinée... Quel effet cela fait-il de travailler avec de telles pointures?
Euh, c'est plus intimidant avant de commencer, quand c'est parti, on est plus dans l'énergie du travail, alors on devient tous des collègues. Mais ils faut dire qu'ils sont des gens HYPER sympa et accessibles! Et je suis pas sûr qu'ils apprécieraient le qualificatif de monuments, ça fait un peu vieux finis, alors qu'ils demeurent toujours très actifs et pertinents dans dans leur démarche créative... J'utiliserais plus le terme monstre de la bédé. Voilà. Ils sont monstrueux... Surtout avec moi!
Chroniques Sauvages est paru en janvier... Comment est née ce projet?
Au départ, ce fut dans la continuité de Sagah-Nah, alors que le scénario du tome 3 était terminé. La série annulée, je voulais faire un truc rapide et violent, en noir et blanc, une sorte de duel à mort dans les forêts de Nouvelle-France. Mais au fil de l'écriture (et des années, la coloration m'occupait pas mal), des éléments plus mystiques et complexes se sont greffés, ce qui je crois enrichissent l'histoire... Mais ça demeure dans une certaine continuité, plus mature et aboutie, de Sagah-Nah.
L'appellation « Chroniques Sauvages » laisse-t-elle en augurer d'autres faisant suite à Teshkan?
Oui! Le pluriel de Chroniques Sauvages est dans ce sens: Différentes chroniques, avec différents personnages, ayant la Nouvelle-France comme décor. Le mot sauvage à l'époque désignait aussi les autochtones. Mais dans l'immédiat, le prochain album verra le retour de Teshkan.
Les mythes amérindiens occupent dans Sagah-Nah comme dans cette album une place privilégiée... Quelle est la part d'invention et la part empruntée aux légendes dans Teshkan? Quelle(s) lecture(s) conseillerais-tu aux intenrautes désireux dans apprendre plus?
Dans Teshkan, la seule part vraiment empruntée est le conte relatant de meurtre originel de l'Ours par le Cerf. Et même là, je l'ai modifié quelque peu. À partir de cette prémisse, j'ai brodé le reste. Mais j'utilise quand même de vrais personnages légendaires, comme Atshen et Mistapeuh, tout comme dans le même esprit, j'utilise le mythe européen du Loup-Garou, en interprétant tout ceci à ma manière. Pour ce qui est des lectures, il se publie depuis quelques années au Québec de plus en plus de livres sur l'histoire de la Nouvelle-France, ainsi que les légendes amérindiennes. Celui qui m'a le plus marqué récemment est ¨La forêt vive¨, de Rémi Savard, aux éditions Boréal.
Comment élabores-tu généralement l'apparence de tes personnages? Pourrait-on voir quelques travaux de recherche?
Je me base au départ sur leurs caractéristiques intérieures, et ensuite je les construit à partir de formes assez simple, presque comme des marionnettes dessinées (j'était un fan total des muppets shows, enfant). Le volume se fait principalement à la couleur. Je n'ai pas grand chose d'intéressant à montrer en rough, je vais vérifier.
Du scénario à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de ton travail? Serait-il possible, pour une planche donnée, de visualiser ces différentes étapes?
La première étape, est de rêver l'histoire, de la visualiser, rapiécer des bouts, des séquences, des émotions, et leur trouver un lien rassembleur, leur faire prendre forme, afin d'avoir un récit intéressant. Ensuite, découper tout ça en cases, en planches, travail ardu! Après, le travail de production en tant que tel commence: dessin, couleur, mise en place des texte, modifs, etc...
Parmi ces différentes étapes, laquelle te procure le plus de plaisir?
Rêver l'histoire me procure beaucoup de joie. Je pense à toutes sortes de trucs, des bouts de phrases, d'histoire, d'action, en écoutant toutes les sortes de musiques, très violentes ou heavy, très douces ou mélancoliques, etc. Ce qui me procure des états d'esprits différents. J'adore cette étape! Ne serait ce que pour pouvoir la faire partout, en balade dans la forêt, en vélo, en auto, dans mon bain, etc...
J'ai été impressionné d'apprendre que tes colorisations étaient entièrement réalisées sur ordinateur tant le rendu est saisissant... Quels outils virtuels utilises-tu pour arriver à un tel résultat et combien de temps te prend la colorisation d'une planche?
J'utilise une vieille version de photoshop, sur un très vieux Mac, que je dois changer depuis..3 ans! Uniquement photoshop, avec cependant des textures que j'ai créées manuellement. Je suis trop paresseux pour apprendre d'autres logiciels... La colorisation d'une planche prend en gros une journée, souvent moins, parfois plus. Ça dépend des planches, et en tant que coloriste, ça dépend des séries sur lesquelles je travaille!
En tant qu'auteur, comment vis-tu les festivals et les séances de dédicaces?
C'est bien agréable d'avoir une idée des gens qui lisent mes albums, et leur avis sur ceux-ci! Mais bon, mes apparitions en séance de dédicace ne sont tout de même pas très fréquentes.
Peux-tu nous parler de tes projets présents et à venir?
En plus de la coloration du Grand Mort, Magasin Général, et Julius en 2011, je termine la coloration de "La Bête du Lac", tome 1, série que je scénarise, dessinée avec brio par Patrick Boutin. Cet album sortira en automne 2011. Et bien sûr la suite des Chroniques Sauvages, de La Bête du Lac à scénariser, et un projet que j'ai à coeur depuis des années, qui avance lentement, mais sûrement... Top secret!
Quels sont tes derniers coups de coeur, tous médias confondus?
"Le jeu de l'ange", roman de l'écrivain barcelonais Carlos Ruiz Zafon, "Macabre," de l'auteur de bande dessinée Pedro Rodriguez (barcelonais lui aussi-décidément!), surtout pour ses qualités graphiques, et musicalement les albums "The Crucible" et "Moonchild", de John Zorn et Mike Patton. C'est complètement dément, le diable de Tasmanie des Bugs Bunny peut aller se rhabiller avec ses onomatopées hurlées!
Y a-t-il une question que je n'ai pas posée et à laquelle tu souhaiterai néanmoins répondre?
Oui, je compte un jour faire des albums qui se passent à notre époque!
Un dernier mot pour la postérité?
Go!go!go!!
Un immense merci pour le temps que vous nous avez accordé!
Et bien, merci à vous!