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Entretien avec Teresa Valero
interview accordée aux SdI en juin 2011


Bonjour et tout d'abord merci de vous prêter au petit jeu de l'interview...
Merci a vous !

Première question : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement?
Bien sûr que non ! On se tutoie désormais !

Merci beaucoup!
Peux-tu nous en dire un peu plus sur vous? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse…)

Alors, les comptes numérotés en Suisse je ne les connais pas par coeur… mais pour le reste je vais faire mon mieux : J’ai 41 ans, je suis une femme mariée et mère de trois enfants merveilleux. Pour les études : j’ai fais études de commerce, spécialité Tourisme ! Oui, bizarre… mais j’ai toujours voulu être dessinatrice de dessin animée et ça n’était pas facile en Espagne à cette époque là. Aussi j’ai toujours été passionnée par les histoires et j’ai d’aussi loin que j eme souvienne toujours eu le besoin de « raconter ». C’est pour ça que quand j’ai eu l’opportunité de commencer a travailler dans un studio d’animation (dans le département administratif pour la première fois !) j’en ai profité pour « sauter » dans le département artistique.

Aldo et Max © Glénat / Montse Martin /Teresa Valero Enfant, quel lecteur étais-tu? La BD occupait-elle déjà une place de choix?
Bien-sûr ! La BD a été toujours très importante, j’ai appris a lire avec les « tebeos » de Bruguera et les magazines espagnols pour des filles comme « Lily » ou « Esther ». Après ça j’ai découvert Uderzo et Goscinny, Hergé, Roba, Franquin ou Peyo et un peu plus tard Loisel, Giraud, Pratt, Carlos Giménez, Alfonso Font…J’aimais aussi beaucoup lire quand j’étais une enfant, livres principalement… aventures, fantaisie…

Quels étaient alors tes lecteurs de chevet?
Astérix, Tintin, Bill et Boule, Mortadelo et Filemon, Les Stroumphs, Spirou, Zipi et Zape, Esther et comme romans L’histoire sans fin, Momo, Le magicien d’Oz, les classiques d’aventure… uf… ils sont nombreux !

En 2008 paraissait Le ballet des mémés, premier tome de Sorcelleries mis en image par l'immense Juanjo Guarnido... Comment est née cette aventure?
A l’époque, Juan (mon mari) et moi, on avait un studio d’animation qui s’appelait Tridente au sein duquel on développait des projets pour essayer de les produire pour la télévision. J’avais une idée sur une petite fée quu préférais être une sorcière ! On a décidé de travailler ensemble un peu sur cette idée et de le donner la forme d’un projet série TV. Finalement on n’a pas aboutit à trouver le financement et on a laissé tomber. Quelques années plus tard Juanjo nous a commenté son désir de faire quelque chose pour les enfants, plus concrètement pour SES enfants. Il était en quête d’une idée et d’un scénariste. Donc, j’ai réinventé le projet sorcières pour une bd et j’ai écris le scenario pour un premier tome que Juanjo a beaucoup aimée. Comme ça, on a commencé à travailler sur « Sorcelleries ».


Le premier tome de Curiosity Shop, ta nouvelle série, vient de paraître aux éditions Glénat... D'où est venue l'idée de cette nouvelle série? Comment as-tu rencontré Montse Martin, la (talentueuse) dessinatrice de la série?
A Madrid, j’habite au centre de la ville, dans un quartier près du casque historique qui est magique et chargé d’histoires et de légendes, bourré de magazins bizarres et curieuses, beaucoup d’entre eux dédiés aux antiquités et objets peu communs… J’avais pendant longtemps caressé l’idée de faire un récit d’aventures placés dans ce Madrid que j’aime, un récit de contrebandiers d’art et antiquités. C’est Montse qui a eu l’idée de le situer dans les années vingt parce qu’elle adore l’ambiance et l’esthétique de cet époque là. Mais j’ai pensé que on pourrait le faire encore plus attirant si notre histoire s’amorçait dans les jours précédents la Grand Guerre et après mener le récit en parallèle avec les événements les plus intéressants du siècle XX… Donc, on a tous les deux aimé ce chemin et on l’a pris !

Montse et moi on avait travaillé ensemble pendant plus de dix années dans le studio d’animation Tridente et on se comprenait très bien au travail. On avait des goûts et des visions communs…Après la disparition du studio, on a continué a se voir dans certaines réunions d’artistes de bd qu’on fait habituellement a Madrid. On avait une grande envie de travailler ensemble à nouveau. Je lui ai parlé de l’univers l’univers de Curiosity et on a commencé discuter, inventer… et finalement on est arrivé a ce que sont maintenant les aventures de Max Prado.

Max en classe © Glénat / Montse Martin /Teresa Valero L’histoire se développe dans un cadre historique précis. Les lieux sont décrits avec, semble-t-il, beaucoup d’exactitude et tu t’es amusé à mettre en scène des personnages historiques en tant que second rôle… L’élaboration de la toile de fond du scénario a-t-elle nécessité de longues recherches documentaires ? Quelles furent tes principales sources?
Oui, j’ai passé beaucoup de temps en essayant d’en apprendre plus sur ce période historique, en cherchant de beaux endroits à l’époque pour situer les actions, des événements intéressants autour de lesquels construire le récit. Et je dois avouer que ça a été un vrai bonheur. C’est comme faire de petite fouilles archéologie, voyager dans le passé… Heureusement, on vit dans l’ère d’internet et on a maintenant dans les mains une quantité incroyable d’information. Les archives photographiques, les hémérothèques [ndlr : bibliothèque de journaux et de revues], toutes sortes de livres anciens… tout ça tu peux le trouver à internet. Mais à côté, nous avons beaucoup travaillé avec des livres de photographies de cette époque là. J’ai lu des auteurs du début du siècle XX (comme Gomez de la Serna ou Valle-Inclan, qui apparaissent dans l’album !), des essais historiques sur la première guerre mondiale ou la situation neutre de l’Espagne, et visionné plusieurs documentaires a la télé… bref, un peu de tout !

Ces éléments historiques parsemés dans le scénario poussent le lecteur à se documenter pour en apprendre plus sur la période, bref, l’incite à assouvir… sa curiosité! Est-ce là l’une des idées malicieuse de cette série?
Bien sûr que oui ! C’est ce que j’aime quand je lis un roman ou un bd historique… pourtant, je n’aime pas beaucoup les lectures trop « pédagogiques », celles qui donnent beaucoup d’explications sur le période historique dans lesquelles elles se développent. Ce qu’on voulait faire avec ce récit qui « n’explique pas trop » c’était précisément de réveille, non seulement la curiosité du lecteur, mais aussi son envie d’en savoir plus, d’enquêter par lui-même sur les aspects qu’il a trouvé les plus intéressants. On a essayé de rendre l’aventure de Max Prado soit distrayante en elle même, mais aussi qu’il y ait différents niveaux de lecture et de relecture accessibles à ceux qui décident de se plonger un peu dans l’Histoire. A mon avis, c’est un certain plus au plaisir de la lecture, un chemin post-lecture qui s’ouvre devant nous et qu’on a la liberté de parcourir ou pas… Mais qui va certainement nous enrichir si on l’explore…

Comment est né le personnage Max Prado, jeune et jolie jeune femme dont la curiosité, loin d’être un vilain défaut, est la principale qualité? Comment l’avais-tu imaginé physiquement et quelles furent les indications fournies à Montse Martin pour lui donner son apparence?
On avait envie tous les deux de créer une histoire avec une héroïne féminine et adolescente. On voulait la voir grandir, évoluer, trouver des crédos et les trahir, découvrir l’amitié, l’amour et le sexe, bref, tout ce qu’on fait dans la vie! J’ai toujours pensé qu’on a une tendance à mépriser les ados, particulièrement les filles, bien qu’ils et elles sont capables de faire des choses incroyables. Pour Max je me suis un peu inspiré à l’histoire de ma grand-tante, refugié de la guerre civile espagnole dans le champ d’Argèles sur mer. Là, elle a formé une école pour les enfants, a affronté l’occupation des nazis, s’est échappée et est revenue en Espagne (cette Espagne de Franco) en traversant les Pyrénées seule avec les Maquis. Elle a supporté des interrogatoires de la police a Madrid, ou elle a finalement mené une vie très dure… et elle n’avait que 15 ans.
Coté son apparence on a eu toujours a la tête l’image d’une fille maigre, nerveuse mais contenue, un peu boudeuse, bien-sûr curieuse, élégante, silencieuse, avec une beauté débutante qui éclatera dans quelques années. On aimait l’aspect de Audrey Hepburn or Nathalie Portman, par exemple.

recherches © Glénat / Montse Martin /Teresa Valero Généralement, lorsque vous écrivez un scénario, visualises-tu déjà les différents protagonistes ou te laisses-tu surprendre par les dessinateurs avec lesquels tu travailles ?
Pour un scénariste qui est aussi dessinateur comme c’est mon cas c’est presque impossible de ne pas visualiser tant les personnages que les scènes du récit. J’ai toujours une idée très précise dans ma tête et c’est vrai que quelques fois c’est un peu un « surprenant » quand tu reçois la proposition du dessinateur, parce que parfois c’est complètement différent a ce que tu avais imaginé. Mais naturellement ça n’est pas une mauvaise chose, bien au contraire J’essaie de regarder les planches avec « des yeux objectifs » comme si je le lisais pour la première fois, pour vérifier que ça fonctionne bien narrativement…

Comment avez-vous travaillé avec Montse Martin? Du synopsis à la planche finalisée, quels furent les différentes étapes de votre travail? Serait-il possible, pour une planche donnée, de visualiser ces différentes étapes pour mieux comprendre comment s’est construit cet album ?
Tout d’abord j’écris une petit synopsis de l’histoire que je la fais lire. Si elle est d’accord avec la route je commence à tramer le scenario. Je n’écris pas un scenario « technique » avec des informations de case ou de découpage. Bien sûr que je donne quelques indication en rapport avec ça, mais pas trop. Mes scenarios ressemble plus à des scénarios de séries télé ou de films. Après de ça, Montse fait le découpage et on en discute. Finalement crayonnage, encrage et couleur et voilà.

Making-of
Scénario Rough ©Montse Martin
Crayonné ©Montse Martin Encrage ©Montse Martin


Quelle étape préfères-tu dans l’élaboration d’un album?
L’écriture sans doute. Comme scénariste/dessinatrice j’aime tout… de l’idée aux couleurs finales en passant par le recherche documentaire et le découpage… Mais c’est a l’écriture que je trouve le plus de bonheur, le plus grand défi, le plus cruel combat…

Sur quels autres projets travailles-tu actuellement ?
En ce moment, je travaille sur le scenario du tome 3 de « Curiosity Shop » qui se passe dans l’Andalousie. Je suis aussi en train de boucler le troisième scenario de « Sorcelleries », de développer une histoire pour JL Munuera et aussi de faire quelques planches, comme dessinatrice cette fois, pour un très joli projet humoristique avec une scénariste française.

Quels sont tes derniers coup de cœur (tous médias confondus) ?
Côté series télé : Mad Men et Breaking Bad.
En BD : J’ai adoré Lydie de Zidrou et Jordi Lefevre, Polina de Bastien Vives et Belleville story de Malherbe et Perriot.


Que penses-tu des évènements qui se déroulent sur la Puerta del Sol et dans de nombreuses villes espagnoles dont on entend beaucoup parler de ce côté des Pyrénées ?
On a tellement parlé des « NINI » a l’Espagne en référence a une génération de jeunes apathiques qui ne voulaient pas NI travailler Ni étudier Ni rien faire, que on a été bien surprises pour ce mouvement, juvénile principalement qui a transformé ce « NINI » péjoratif en « NI vote Ni silence ». C’est surtout un mouvement contre l’alternance des deux partis principaux au pouvoir, et qui demande une présence et une participation plus active des citoyens dans la politique et les institutions, un changement du système économique qui doit devenir plus humain, et doit aussi être un moyen pour les hommes de trouver un peu de bonheur. Je crois qu’on avait besoin d’une réaction sociale comme ça, politique mais lié a aucun parti, humaine, pacifiste et… un peu utopique. Mais je crois que certains avancées sociales et morales très importants dans l’histoire ont été produit des utopies…

dans le sofa © Glénat / Montse Martin /Teresa Valero Y a-t-il une question que je n’ai pas posé et à laquelle tu souhaiterai néanmoins répondre ?
« A qui s’adresse cette histoire? » C’est une bd pour les CURIEUX, pour les chercheurs, les attentifs, les enquêteurs, pour les passionnés de l’Histoire, en fin… Comme lecteur, j’adore les livres qui exigent un peu d’investissement de la part du lecteur… donc, pour ce bouquin, j’ai essayé de donner aux lecteurs ce que j’aime trouver quand je lis. La lecture de « Curiosity » demande un certaine accrochage au lecteur, une sorte « d’engagement » comme investigateur tant pour l’histoire que la bd propose que pour l’époque de référence et ce afin de bien suivre tous les détails. On est conscientes que ce genre de récit peut gêner certains lecteurs, mais il y a d’autres qu’ont déjà beaucoup aimés ce jeu de chercher-trouver qui donne, toujours a mon avis, un « plus » a la lecture, et que laisse le livre ouvert a plusieurs relectures, toujours différentes et plus riches selon le désir de connaître de chacun.

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire...

Si tu étais...


un personnage de BD : Corto Maltese.
un personnage biblique : La femme de Lot.
un personnage de roman : Scout Finch.
un personnage de théâtre : Segismundo de « La vida es sueño »
un personnage de cinéma : Ed wood.
un groupe ou (un chanteur) : Madeleine Peyroux.
un jeu de société : Trivial Poursuit.
une recette culinaire : Gazpacho andaluz.
une ville : Paris. Non, Madrid. Non, Paris… Madrid… Je peux choisir deux ?
une boisson : Vin blanc sucré.
une pâtisserie : Strudel.
un proverbe : « Un homme devrait vivre pour satisfaire seulement sa curiosité. » Proverbe de Yiddish

Un dernier mot pour la postérité?
Soyez curieux.

Merci pour le temps que tu nous a accordé !

Il a été un plaisir. Merci a vous !
Le Korrigan