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Entretien avec Mathieu Reynès
interview accordée aux SdI en octobre 2012


Bonjour et merci de vous prêter au jeu de l'interview...
Question préliminaire : êtes-vous farouchement opposée au tutoiement?

Non, je suis farouchement pour !

Merci bien !
Peux-tu en quelques mots nous parler de toi(parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse…)?

Je suis originaire du Sud-Ouest, de la côte Basque. J'ai suivi des études scientifiques avant de bifurquer brusquement vers l'animation 2D/3D et de virer, plus en douceur cette fois, vers la bande dessinée. Ça fait maintenant 10 ans que je suis ce cap.

Enfant, quel lecteur étais-tu? La BD occupait-elle déjà une place de choix? Quels étais tes auteurs de prédilection?
J'ai commencé par les classiques Tintin, Lucky Luke, Astérix, Spirou que possédait mon père puis j'ai découvert le journal de Spirou et plein de nouvelles séries. Parallèlement je lisais aussi beaucoup de comics et de mangas. Enfin, les mangas je les regardais surtout parce qu'à l'époque c'était des imports en V.O !
Plus tard j'ai eu ma période Fluide Glacial, j'ai voué un culte à Maëster pendant de nombreuses années.
Aujourd'hui je lis très peu de BD, il faut vraiment que j'ai un coup de coeur pour le dessin ET le scénario pour que j'arrive au bout d'un album.

aquarelle ©Valérie VernayQuelle place occupait le dessin dans ton enfance? Devenir auteur de BD, étais-ce un rêve de gosse?
Comme tous les gamins, je dessinais beaucoup mais je ne me suis jamais arrêté. J'avais envie de devenir dessinateur de BD mais j'étais tellement loin de ce monde-là que je n'y ai jamais vraiment cru, c'était presque utopique. Finalement quelques rencontres et bonnes opportunités plus tard, j'y suis arrivé. Tous les chemins mènent à Rome, le mien faisait un détour par Angoulême.

Quelle sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier de scénariste de BD?
Les grandes joies, c'est de vivre de sa passion, de travailler chez soi, de raconter des histoires, de profiter des festivals, etc. Les Difficultés ? Exactement les mêmes !
La Mémoire de l'eau est mon premier « long » scénario, jusqu'à présent je portais surtout la casquette de dessinateur. C'est une nouvelle difficulté d'écrire des histoires pour un autre dessinateur que moi et qui plairont au public… une nouvelle joie aussi !

Comment as-tu rencontré Valérie Vernay qui signe les dessins et les couleurs de ton dernier album, la Mémoire de l'Eau?
J'ai rencontré Valérie à Angoulême, au CNBDI où j'étais prof d'animation 2D, il y a quelques années déjà. Depuis on vit et on travaille ensemble, sous le même toit. Aujourd'hui on vit dans le sud-ouest, entre la mer et la forêt.

Quel fut le point de départ de cette histoire intimiste qui part d'une chronique sociale décrite avec grande justesse?
Le point de départ c'est l'envie de faire un album ensemble, Valérie et moi. Nous avons un goût commun pour tout ce qui touche au mystère et au fantastique et comme nous sommes également très proches de la nature, nous nous sommes tout naturellement inspirés de ces univers.
J'ai passé toute mon enfance en bord de mer et nous y vivons aujourd'hui, j'avais donc envie de raconter une histoire dans un décor marin. Valérie sortait de sa série jeunesse Agathe Saugrenu et avait envie de toucher un public plus large et plus « adulte », j'ai donc cherché à développer les personnages et à les encrer dans le réel pour rendre plus « réaliste » le dessin de son dessin tout en conservant son style très rond et vivant.

crayonné ©Valérie VernayA partir de quelle « matière » Valérie travaille-t-elle? Comment travaillez-vous avec votre compagne, du découpage à la planche finalise, quelles sont les différentes étapes de votre travail? Serait-il possible, pour une planche donnée, de visualiser ces différentes étapes?
Valérie travaille ses planches au crayon exclusivement, sans encrage à proprement parlé, puis fait sa couleur sous photoshop en essayant de rester le plus proche possible d'un rendu « peinture traditionnelle ».
Je rédige un découpage descriptif case par case avec les dialogues que je complète d'un rapide storyboard papatoïde pour préciser la mise en scène. Valérie réalise ensuite un storyboard assez poussé, on en discute, on modifie si besoin et elle attaque la planche. Je jette un oeil régulièrement par dessus son épaule pour pinailler ici ou là. C'est un des avantages de travailler en couple, on se dit tout sans retenue ! Quoique, est-ce que c'est vraiment un avantage ?… ^_^

Quelle étape t’apporte le plus de plaisir dans l’élaboration d’un album?
L'écriture du découpage descriptif de la planche. C'est là que je « visualise » les scènes, que j'anticipe la suite, que je fais vivre l'histoire et les personnage. J'avais écrit un scénario assez précis de près de 20 pages avant d'attaquer les albums, mais au moment du découpage planche par planche j'ai fait pas mal de changements pour donner plus de profondeurs aux personnages.

recherche de personnage (Marion) ©Valérie VernayLes personnages que tu mets en scène dans La Mémoire de l’eau sont denses et crédibles. Tu prends le temps de les faire vivre, de les poser. Comment abordes-tu chaque personnage? Rédiges-tu une fiche détaillée pour chacun d’entre eux?
Beaucoup sont inspirés de personnes de notre entourage. On connait personnellement certains alors qu'on ne fait que croiser les autres. Ça m'aide à les crédibiliser, à les faire exister. C'est pareil pour Valérie, d'ailleurs.
Je n'avais pas de fiche précise pour chaque personnage mais j'avais noté pour les principaux les événements importants (naissance, rencontre avec tel ou tel autre personnage dans le passé, événement particulier qui influencerait son comportement, etc). Je m'étais établi une chronologie des événements antérieurs à l'histoire pour avoir une base solide ainsi qu'un arbre généalogique de la famille Normann.

Le décor de la Mémoire de l’eau ne correspond pas à un lieu précis bien qu’il évoque les côtes bretonnes… Etait-il important de ne pas situer les lieux de l’intrigue avec précision?
En tant que Terre de Légendes, la Bretagne s'est très vite imposée à nous, c'est dans l'inconscient collectif et ça rend ce genre de récit crédible. Nous nous sommes rendus plusieurs fois sur place pour repérer les lieux et nous en imprégner. Nous ne voulions pas situer précisément l'action parce qu'en tant que touriste nous ne voulions pas être maladroits ou tomber dans la caricature, c'était vraiment casse-gueule vu qu'on habite à près de 1000 km des côtes Bretonnes ! En plus c'est une légende inventée, il n'y avait aucune raison de la situer dans tel village plutôt qu'un autre. Du coup, en dédicace, on croise des lecteurs qui pensent avoir reconnu tel endroit, tel port, telle plage, c'est assez amusant smiley

crayonné ©Valérie VernayLe titre de la série s’est-il imposé d’emblée?
Non, il a été long à venir, on l'a longtemps appelé « le projet phare »… pas très vendeur ! Et puis un soir, en lisant un roman, je suis tombé sur l'expression « la mémoire de l'eau » (il s'agit en fait d'une théorie scientifique assez controversée) et ça a fait tilt.

Sur quel(s) projet travailles-tu actuellement ?
Je travaille avec sur l’adaptation BD du roman La Peur Géante de Stefan Wul. Denis Lapière est au scénario. Ça paraitra chez Ankama fin 2013. C’est de la SF et on s’amuse beaucoup !
Le tome 7 d’Alter Ego sort dans quelques semaines (fin septembre) et on enchaine sur la saison 2 qui paraitra également fin 2013
Valérie travaille sur une série d’llustrations jeunesse puis devrait se lancer sur un nouveau projet BD (avec Denis Lapière au scénario également)

Tous médias confondus, quels sont tes derniers tous de cœur ?
Avec internet et Facebook, j’ai au moins un coup de coeur tous les jours !
Tiens, si, la série Game of Thrones ! On s’est regardé les 2 premières saisons cet été et on a adoré. Je termine le roman sur lequel je suis en ce moment et j’attaque les romans de R.R. Martin.

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Je ne suis pas un bavard donc non smiley

tempête ©Valérie VernayPour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…


un personnage de BD : Athanagor Wurlitzer.
un personnage biblique : St Mathieu évidemment !
un personnage de roman : Guy de Timée
une chanson : The audience is listening
un instrument de musique : une guitare électrique 7 cordes.
un jeu de société: Dessiner c’est gagner
une recette culinaire : n’importe quoi au chocolat
une pâtisserie : n’importe quoi au chocolat
une ville : Mahebourg
un monument : la statue de la liberté
une boisson: un Gewurztraminer vendange tardive


Un dernier mot pour la postérité ?
Bon courage, les gars !

Un grand merci pour le temps que vous nous avez accordé et porte votre superbe diptyque !
Le Korrigan