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Entretien avec Charles Chevalier
interview accordée aux SdI en janvier 2013


Bonjour et tout d’abord un grand merci de nous accorder un peu de ton précieux temps pour répondre à nos questions !
Peux-tu en quelques mots nous parler de toi (âge, études, boulot, numéro de compte en suisse ou aux îles caïmans)?

Bonjour, je m’appelle Charles Chevallier, j’ai 46 ans, marié, deux enfants. Je vis en Ile de France. Le jour, je suis architecte, le soir et les week-ends, je deviens auteur de jeux de sociétés …..

Enfant, quel joueur étais tu ? Quels étaient tes jeux de chevet ?
Je n’ai pas eu « d’éducation ludique » à proprement parler, mes parents et mes deux sœurs (plus grandes que moi de 6 et 4 ans) n’avaient pas forcément de goûts pour les jeux, donc à part quelques jeux de cartes comme la scopa, briscola, machiavelli (oui, ma mère est italienne), et les habituels monopoly, cluedo, stratego …. Pas grand-chose a se mettre sous la main.

Un jeu particulier t’a-t-il fait sombrer dans le jeu pour adulte ou n’as-tu au final jamais cessé de jouer ?
Arrivé à l’adolescence, je découvre l’excellente revue Jeux & Stratégie qui m’ouvre les portes du jeu « moderne » Je pratique les jeux de rôle (AD & D, puis C&C), le wargame et bien sûr, les hits du moment (Risk, Diplomacy, scotland yard, etc… Je crois que c’est le jeu de rôle qui m’a ouvert au récit, à l’écriture.

Quel est actuellement ton jeu de chevet ?
Pffff, je déteste ce genre de question, c’est le coup de l’île déserte smiley Je ne peux pas répondre sur un jeu, mais disons que des jeux comme Taluva, Mr Jack, Himalaya, Tikal, ou Clans m’ont beaucoup plu.

La question pouvait se formuler autrement : à quoi joues-tu en ce moment ?
A part mes prototypes qui me prennent beaucoup de temps pour les faire progresser smiley en ce moment, je joue pas mal à Ginkopolis, Oddville, Sherlock Holmes détective conseil ….


En 2010 paraissait Intrigo, premier jeu que tu as publié. Cela a-t-il relevé du parcours du combattant que d’éditer ce subtil jeu de placement ?
J’ai toujours crée des jeux, mon plus vieux souvenir à ce sujet remonte à l’age de 7 ans. Mais de là à être édité, cela relève de la volonté (et il en faut) de réaliser un rêve de gosse. Nous avons avec mes deux coauteurs d’Intrigo (Catherine Dumas et Pascal Pelemans) réussi entre autre grâce au concours de création de Boulogne Billancourt.

Gentlement Cambrioleurs, visuel Après Jurassik, le secret de Monte Cristo et Nautilus, voilà que Gentlemen Cambrioleurs débarque sur les étals… Comment est né ce jeu écrit à six mains ?
C’est effectivement une nouvelle création du trio d’auteurs d’Intrigo. En fait c’est son frère quasi jumeau ; non pas qu’il lui ressemble plus que ça, mais il a été pensé en même temps. Quand on était bloqués sur l’un, on passait sur l’autre. La gestation a pris plus de deux ans.
Gentlemen Cambrioleurs est né comme un jeu d’alignement de tuiles avec un système de majorité. Nous avons introduit dans le mécanisme le système des alliances et des identités secrètes. Pour pimenter le jeu, nous avons rajouté des tuiles spéciales qui permettent des actions particulières. Le jeu tournait comme une horloge, mais pour plus de lisibilité, nous avons changé le support matériel qui amène une touche de modernité.

Le Prototype en cours de partie Il y a parfois un gouffre entre la thématique d’un jeu en développement et celle du jeu édité. Le thème des monte-en-l’air était-il présent lors de la gestation du jeu ?
Non, pour être honnête, le jeu est né d’une furieuse envie de faire un jeu sur l’Afrique qui est relativement absente de la culture ludique (hormis les grandes explorations et la période coloniale et les réserves animalières). Ce jeu ou chacun se cachait derrière des masques Dogons s’appelait Bandiagara, du nom de la falaise qui constitue l’habitat de ce peuple. Et puis, le jeu est passé à la moulinette des avis des éditeurs, distributeurs, boutiques amies et …….. il est apparu que le thème n’était pas assez porteur pour un tel projet. Donc Erwan Hascoet, l’éditeur de chez Bombyx nous a demandé de trouver autre chose. Et étant donné que nous cherchions un rapport avec le fait d’avancer masqué, les polars du début du siècle dont nous sommes passionnés se sont imposés.

Auriez-vous des photos des protos pour que l’on puisse voir à partir de quelle « matière » vous avez travaillé ?
Je vous joins quelques photos qui montrent le jeu sous sa thématique africaine, avec une planche de tuiles et des vues du jeu en cours. On répartissait à l’époque les tuiles (qui sont devenus des jetons) sur des niveaux de la falaise. Ergonomiquement, de nombreuses personnes n’arrivent malheureusement pas à voir dans l’espace, donc on est repassé sur quelque chose de plus simple à appréhender.

Entre le concept du jeu et son édition, combien de temps s’est-il écoulé ?
Cela a pris presque quatre ans, car le jeu a été pris par un éditeur qui a depuis cessé ses activités, et donc il a fallu repartir au charbon pour proposer ce jeux à de nouveaux éditeurs : c’est Bombyx qui finalement édite ce jeu, et de bien belle manière smiley

Le design du jeu donne une furieuse envie de l’essayer… Les auteurs ont-il été associés au choix des illustrateur ? Est-ce l’éditeur qui a eu l’idée de l’élégante boîte-plateau ?
Oui, ils ont fait un boulot de fou chez Bombyx, c’est joli, ergonomique, original …. Bref chapeau (claque) bas !! Nous avons suivi la prod comme il se doit mais l’idée de la boite magnétique vient d’Erwan et Loig (l’autre tête pensante de Bombyx). Après, c’est juste superbement réalisé.

les tuiles zèbre du proto C’est le moins que l’on puisse dire !
Peux-tu en quelques mots nous présenter ce jeu de bluff et de placement ?

Gentlemen Cambrioleurs est un jeu de placement et de majorité. Mais à la différence d’autres jeux de placements d’ouvriers, la mécanique centrale innove ici en forçant les joueurs à s’allier les uns avec les autres. Ces alliances éphémères pour réaliser des casses dans les lieux célèbres du Paris début de siècle, se font au travers des identités secrètes des joueurs. Il faut donc tout faire pour deviner l’identité secrète des autres joueurs sans révéler la sienne.
C’est un jeu très interactif, qui sous une apparence opportuniste, se révèle plutôt calculatoire. Il y a une courbe d’apprentissage pour jouer avec plus de finesse, bien que le jeu soit immédiatement accessible grâce à ses règles très simples.

Aurais-tu des conseils à donner à un monte-en-l’air débutant?
Ha ha !! NE PAS SE FAIRE PRENDRE !!! Tout le sel du jeu est de deviner qui est qui pour mieux contrer ses plans. Si on réussit assez tôt, on a de bonnes chances de l’emporter, par contre, si on se trompe, on a de très grandes chances de perdre :D Il faut donc bien sûr ne pas se révéler tout de suite, tout en ne se laissant pas distancer au score et bien choisir son moment pour « basculer » dans le jeu plus stratégique, c'est-à-dire que l’on va se mettre à profit toutes les informations glanées jusque-là pour amasser beaucoup plus de butin, mais forcément ça va se voir.

une partie en cours avec le oto Quelle(s) étape(s) préfères-tu dans le développement d’un jeu ?
Ca va te sembler étonnant, mais c’est sans doute la fabrication su proto, car c’est le moment ou tu valides les choix, les gestes liés à la mécanique, les graphismes, l’ergonomie bref, quasi tout.

As-tu d’autres projets sur le grill ? Quel(s) nouveau(x) univers et quelle(s) nouvelles mécanique(s) explores-tu?
Oui, plein ^^ Il y a beaucoup de sorties prévues cette années, qui sont le résultat des trois dernières années de travail acharné sur les jeux de société.
Vous retrouverez ma « patte » dans la plupart de ces jeux : fragmentation du support (je n’aime pas les plateaux), construction avec ces éléments de quelque chose de valorisant, placement, majorité
Les thèmes seront variés : la résistance avec Ici Londres prévu chez Cocktail en juin, l’Afrique toujours avec Kenya chez Ilopeli en mars, le roman populaire encore avec 1001 palais chez Bombyx.
Sinon je reviens à mes amours de jeunesse (JdR et GN), et j’ai quelques idées flirtant avec les livres dont vous êtes le héros que je traîne depuis quelques années et ça se précise smiley
Enfin, je continue toujours d’écrire des scenarii de bande dessinée et de livres illustrés, même si pour l’instant je n’ai pas encore réussi à concrétiser ce rêve de gosse là…

Gentlement Cambrioleurs, le matériel Quels sont tes derniers coups de cœur (tous médias confondus : jeux, bd, ciné, romans…)
Coté jeux, j’ai découvert (enfin) avec grand plaisir Hansa Teutonica et Glenn More. Sinon je suis comme tout le monde sous le charme de jeux minimalistes comme Love letter qui fleurissent ici ou là. Ça donne des envies du Coup (oui, elle est facile, je sais)
Coté BD (une autre de mes passions) cette année j’ai retenu Pat Grant (Blue) et toujours Charles Burns. Brüno m’impressionne pas mal aussi.
Côté livre, je dévore toute l’œuvre de Brett Easton Ellis et je relis régulièrement Dino Buzzati
En architecture, le Japon m’intéresse particulièrement, notamment Shigeru Ban, Toyo Hito, l’atelier Bow Wow

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Je pense qu’il y en a déjà pas mal déjà, non smiley

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Oulah … ?!? smiley

Si tu étais…

un personnage de BD : Julius Corentin Acquefaques (M. A. Matthieu)
un personnage biblique : euuuuh …….. St Thomas :B c’est le doute qui nous fait avancer !!!
un personnage de roman : Arsène Lupin évidemment :D
une chanson : Forcément Gentleman Cambrioleur de Jacques Dutronc ;)
un mécanisme de jeu :Le placement, c’est tellement simple, et pourtant on n’en voit pas le bout. Dire que pendant des siècles (à part le Go), on a avancé à coup de dés, règles de déplacement, etc …
un instrument de musique : Des cuivres, j’adore les cuivres
un jeu de société: Intrigues à Venise
une recette culinaire : des pâtes fraiches
une pâtisserie : je n’aime pas trop le sucré … disons du chocolat noir.
une ville : Florence
un monument : C’est encore le coup de l’île déserte ……. Allez, disons l’opéra de Sydney de l’architecte danois Jorn Utzon
une boisson: Du vin, bien sûr !!!


Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
Le Korrigan