Haut de page.

Entretien avec Allan Barte
interview accordée aux SdI en décembre 2014


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Bonjour ! Ah, c’est moi qui vous remercie !

Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement?
Non, le tutoiement devrait pouvoir être envisageable.

Merci bien! Peux-tu, en quelques mots, nous parler de toi? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)
Outch ! Alors, que dire... J’ai 36 ans. J’ai la particularité d’avoir un père viet et une mère bretonne ce qui fait que je mange mes galettes avec du nuoc mam et mes nem avec du lait ribot. Comme j’ai un frère coréen et une sœur guatémaltèque, on mange aussi à l’occasion le kimchi avec des frijoles.

Plus jeune, j’étais une vraie tête brulée, un déglingo habité par une fureur de vivre, un gamin sans aucun repère. J’ai donc fait un Deug de droit, puis une maitrise de science po pour terminer par un master de communication politique.

C’est ensuite que je me suis rangé pour me lancer dans le dessin. Je suis donc un autodidacte du dessin. Street credibility baby !

Petit illustré des gros clichés hollywoodiens © Jungle / Allan BarteEnfant, quel lecteur étais-tu? Quels étaient tes livres de chevet et quels sont aujourd’hui tes auteurs favoris ?
Enfant, j’adorais aller au lit avec des énormes compilations de Mickey ou encore les gros tomes rassemblant plusieurs albums d’Astérix. J’ai aussi lu beaucoup de Pef.

Quand j’ai commencé vraiment à lire, je suis resté scotché sur le Petit Prince qui reste encore un de mes livres préférés et j'aime beaucoup Baudelaire et Françoise Sagan.

Mais je ne suis pas un grand littéraire et mes principales lectures sont plutôt historiques, sociologiques ou éthologiques.


Devenir dessinateur, étais-ce un rêve de gosse ?
Oui, j’ai toujours eu ça dans un coin de ma tête mais je n’ai jamais brillé dans le dessin. Je n’ai pas été le “bon dessinateur de la classe” ni “l’artiste de la famille”. Personne ne m’a donc jamais encouragé dans cette voie. Il a vraiment fallu que je crois en moi pour continuer.

Quels sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
Pour moi, ce qu’il y a de mieux dans ce métier, c’est l’indépendance qui en résulte. Je m’organise comme je le veux pour raconter et dessiner ce que je veux.
Il existe bien entendu des contraintes et notamment celle du marché, mais on est libre de faire les choses ou de ne pas les faire. Et, à la différence d’un employé de bureau, le curseur de nos concessions peut être ajusté selon notre humeur.

Bien entendu, il arrive qu’on doive travailler le soir ou les week-ends mais c’est le pendant normal de cette liberté d’organisation. La plus grande difficulté, c’est bien sûr l’Argent.
Aujourd’hui, je respire un peu financièrement avec 2 livres sortis cette année et deux ou trois autres prévus l’année prochaine, mais durant les cinq dernières années, j’ai rarement gagné plus qu’un RSA.

Petit illustré des gros clichés hollywoodiens © Jungle / Allan BarteAs-tu l’impression que la situation des auteurs de BD va en s’empirant?
Oui, et c'est je crois un constat objectif. Les rémunérations des auteurs, après avoir longtemps stagné, baissent. Certains livres sont désormais signés pour des avances sur droits ridicules, même au sein des grandes maisons d'éditions. Et la réforme envisagée par le RAAP régissant le régime de retraite complémentaire obligatoire risque de précariser plus encore les auteurs. Et je préfère ne pas penser à ce que l'Europe fera du droit d'auteur dans les années à venir.

Faire éditer votre premier album a-t-il relevé du parcours du combattant ?
Non, ce fut l’album le plus simple à signer pour moi. A la fin de mes études, parallèlement à ma recherche d’emploi dans la communication politique, j’ai pris du temps pour dessiner un peu plus intensément. (en réalité, je me suis dit, “c’est maintenant ou jamais”). En 2005, j’ai donc créé plusieurs blogs dont “La vie du lutin”, qui était une autofiction-BD d’un gamin de 8 ans avec un dessin et une orthographe improbables. Au bout de cinq jours, j’avais une proposition de Lewis Trondheim qui démarrait tout juste son label Shampooing.


Comment est né ce jubilatoire Petit illustré des gros clichés hollywoodiens ?
Le Cinéma est une de mes grandes passions. Je regarde énormément de films et de séries. Et plus on en regarde, plus les facilités scénaristiques sautent aux yeux. J’avais donc envie de traiter des clichés depuis longtemps mais je ne savais pas trop comment le faire. Et puis l’idée d’utiliser des ”bonshommes panneaux” s’est imposée. En y ajoutant juste quelques éléments on caractérise immédiatement un archétype. Ce sont des silhouettes qui par leur neutralité peuvent évoquer indistinctement toute une flopée d’acteurs, dans plein de films différents. C’est le moyen parfait pour parler de clichés.

Difficile de ne pas être admiratif devant chacun de tes clichés et la façon pour le moins percutante dont ils ont été mis en scène. Entre l’idée et l’album terminé, combien de temps s’est-il écoulé?
Ah, merci. C'est gentil. J'ai ouvert mon Tumblr quelques jours après avoir dessiné mes premiers clichés. C'était fin mai. Ensuite c'est allé très vite puisque quatre mois après, je bouclais mon album. Je n'ai pas beaucoup pris le soleil cet été !

Petit illustré des gros clichés hollywoodiens © Jungle / Allan BarteTravaillais-tu au fil des clichés rencontrés dans l’un ou l’autre film?
J'ai travaillé de façon complètement désorganisée. Je n'ai pas du tout thématisé mes réflexions ni mes travaux préparatoires. Ca s'est vraiment fait au fil des idées qui me venaient, des films ou des séries que je voyais, des idées que mon entourage ou bien que mes lecteurs de tumblr me proposaient. Ca m'a permis de ne pas m'ennuyer et d'avoir une démarche ludique tout le long de la conception du livre.

Un film particulier t’a-t-il inspiré plusieurs pages?
Pas un film en particulier, mais le fait de simplement réfléchir à la filmographie de Bruce Willis ou Mel Gibson doit être à l'origine d'un bon nombre de clichés évoqués.

Comment as-tu travaillé sur cet album? quels furent tes principaux outils?
Avant ce livre, je n'avais jamais tenté ce style graphique. Je travaille habituellement mes bandes dessinées de façon traditionnelle, avec une feuille et un feutre. Là, je n'ai utilisé que l'ordinateur (photoshop & illustrator). Ca a donc nécessité d'aborder le dessin d'une manière très différente. C'est enthousiasmant de pouvoir redécouvrir son métier. Et vu toutes les techniques de dessin qui existent, j'ai de quoi m'amuser encore longtemps.

Est-ce l’éditeur qui t’a contacté via ta page tumblr ou as-tu entrepris moult démarchage pour que cet album puisse exister?
Je crois que le lendemain de la création du tumblr j'avais une proposition. Quelques jours après, deux autres maisons d'éditions m'ont contacté. Cette petite concurrence m'a permis de négocier mon contrat dans de bonnes conditions tout en me faisant rencontrer des gens très intéressants. C'est tout simplement génial quand ça se passe ainsi. C'est loin d'être toujours le cas, alors je savoure ma chance !

Petit illustré des gros clichés hollywoodiens © Jungle / Allan BarteUn second volume est-il d’ores et déjà prévu ? Parviens-tu encore à regarder un film sans avoir à l’idée ce que tu pourrais en faire ?
J'ai recommencé à en écrire et à en dessiner pour mon Tumblr. Après, est-ce que cela fera l'objet d'un second tome... je suppose que ça dépendra du succès du premier. Mais bon, normalement, les ventes devraient rapidement dépasser celles de Trierweiler et Zemmour réunies, donc selon toutes probabilités, il devrait y avoir cinq ou six tomes encore ! smiley

As-tu d’autres projets sur le grill ?
Oui, toujours. Plein ! Mais pour me limiter à ce qui est déjà signé avec un éditeur, il y aura donc en 2015 : Moi contre les Zombies aux éditions Warum. Une bédé joyeuse et rigolote avec des zombies dedans.

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
J'ai vraiment beaucoup aimé Boyhood. Outre les acteurs qui sont tous très bons, il y a une sorte de fascination à observer ainsi le Temps passer. Presque du vertige. Le travail d'écriture est assez fin pour qu'on soit réellement pris dans la vie de ces personnages. Tout en étant scénarisé, on est assez loin des conventions habituelles qui rythment les films par des passages obligés très formatés. Ca fait du bien. C'est une jolie expérience de cinéma.

Y-a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Heu, je ne crois pas. Je ne sais pas... Mes plats préférés sont : Une bonne côte de boeuf et de la raclette (mais pas forcément ensemble).

Petit illustré des gros clichés hollywoodiens © Jungle / Allan BartePour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais :


un personnage de BD: Calvin (de Calvin et Hobbes)
un personnage mythologique: Pan (en tous cas, c'est mon préféré)
un personnage de roman: Arthur Pendragon (mince, ça fait mégalo?)
une chanson: j'ai dix ans (je sais que c'est pas vrai mais...)
un instrument de musique: Une tin whistle (Mon coté celtique-breton)
un jeu de société: Mare Nostrum (un peu de commerce, un peu de diplomatie, un peu de guerre)
une découverte scientifique: La téléportation (oui, oui, je sais, mais je garde espoir)
une recette culinaire: les crêpes !
une pâtisserie: Cheese Cake !
une ville:Winterfell
une qualité: La gentillesse (c'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça...)
un défaut: La réserve (c'est une qualité, mais pas que...)
un monument: Le fort La Latte
une boisson: Haricots rouge au lait de coco


Un dernier mot pour la postérité ?
Non, c'est trop de pression. Et puis j'ai encore longtemps à vivre. On verra donc plus tard pour la postérité. Pour l'heure, je ne serai donc qu'un fougueux jeune homme ne pensant guère aux lendemains.

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
De même ! Merci à toi.

Le Korrigan