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Entretien avec Phil Vandaële
interview accordée aux SdI en juillet 2015


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien…
Bonjour, merci à vous pour l'invitation.

Question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ?
Absolument......................................pas. Donc on peut très bien se tutoyer.

Merci bien smiley… Peux-tu te présenter en quelques mots? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)
Alors, Philippe Vandaële, 40 ans, dessinateur du tome 01 de Alice Matheson publié chez Soleil dans la collection Anticipation avec Jean-Luc Istin au scénario et Jean Bastide à la couleur.
Je suis complètement autodidacte, ce qui a sûrement été un inconvénient et un frein à multiples reprises. J'adore le cinéma et les jeux vidéos mais je n'ai plus trop le temps de m'y consacrer malheureusement (mon fils qui grandit me donnera une excuse pour pouvoir reprendre la manette pour des brefs instants ). En fait j'aime tout ce qui touche les univers visuels, tout ce qui peut être créé.
Pendant les années semic, J'ai fait quelques pages dans les pockets mais j'ai surtout fait pas mal d'encrage sous la direction de Thierry Mornet, j'ai notamment encré des artistes comme Stéphane Roux sur un titre Witchblade ou Chris Malgrain sur le Gladiateur de Bronze, je pense que tout ça est trouvable chez Wanga Comics qui a réédité certaines publications de cette période.
J'aimerais bien avoir un compte en Suisse mais hélas...

Alice Matheson, encrage © Phil VandaeleEnfant, quel lecteur étais-tu ? La BD occupait-elle déjà une place de choix ? Quels étaient alors tes auteurs de chevet ?
Je lisais Pif Gadget, Lucky Lucke, Tintin, Ric Hochet, Astérix, que du très classique pour mon époque, je crois que ma génération à quasiment le même parcours BD. Après j'ai lu beaucoup de comics pendant la période Lug, donc je peux dire que ça occupait déjà une bonne place même si ce n'était pas débordant. Je pouvais regarder pendant des heures les dessins des dessinateurs que j'aimais. On m'avait offert un bouquin « L'art de la BD » de Duc, ce livre m'a fasciné pendant des années, je voyais pour la première fois des pages en N&B. Je pense que mon affection pour l'encrage et le N&B vient de là.

Devenir dessinateur de BD, étais-ce un rêve de gosse ?
Pour ça, oui, j'ai toujours voulu faire ça mais par contre je n'ai jamais fait, comme beaucoup d'autres dessinateurs, des bandes dessinées que je créais. J'ai très peu fait de pages avant mes premières armes au studio Sugar aux côtés de Jean-Marie Minguez, Nathaniel Legendre et François Debois entre autres.

Cela a-t-il relevé du parcours de combattant ?
Pas réellement, même si je sors mon premier album en tant que dessinateur maintenant. Mon parcours est un peu bizarre finalement, mais l'important est ce que je fais aujourd'hui.

Alice Matheson, work in progress © Phil VandaeleQuels sont pour toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
L'une des plus grandes joies de ce métier est que l'on peut faire absolument tout ce que l'on veut visuellement parlant. Le budget est juste l'investissement personnel que l'on y met et notre imagination à la différence des films ou des séries, il n'y a pas de limite mis à part les nôtres...
Le fait de voir sa bande dessinée en librairie est certainement un des trucs les plus réjouissants aussi ; les avis des personnes qui ont lu votre BD est réjouissant, surtout que nous avons la chance d'avoir des critiques positives concernant Alice Matheson.
Ce qui est le plus dur est certainement de se retrouver seul chez soi devant sa table à dessin d'être désocialisé par le temps dévorant que demande la réalisation d'une bande dessinée.
Je ne vais pas parler des problèmes financiers des auteurs de BD, mais ils sont bien présents au quotidien.

Alice Matheson, crayonné © Phil VandaeleJour Z, premier tome d’Alice Matheson, nouvelle série signée Jean-Luc Istin mettant en scène des zombis vient de paraître sur les étals… Comment est née cette histoire inquiétante, mixte glaçant de Dexter et de la nuit des Morts Vivants ?
Ça faisait un moment que j'étais en contact avec Jean-Luc Istin, à vrai dire j'avais envoyé un dossier pour postuler en tant qu'encreur. Après un test que Jean-Luc a aimé, il m'a dit: 'Ah, mais tu dessines aussi !?' et il m'a fait faire un essai pour un autre projet plutôt futuriste qui fut positif, Jean-Luc m'a proposé ce scénario qui allait devenir Alice Matheson.

Ce qui était attirant avec ce projet c'était que lorsque Jean-Luc m'a raconté le pitch de la série je voulais connaître la fin de l'histoire, et puis les zombies c'est toujours sympa à dessiner. Le fait de mettre une serial killeuse en personnage principal était aussi très intéressant, comment cette psychopathe allait réagir avec ces zombies, comment elle pourra continuer à faire son 'passe temps' avec ce qu'il va se passer à l'hôpital... Est-ce qu'elle va brutalement partir en vrille ? Bref, qu'est-ce que cette nouvelle donne aura comme conséquence dans sa vie « tranquille » de serial killeuse.

Après, pour la naissance réelle de l'idée en elle-même, il faudrait se tourner vers Jean-Luc Istin le scénariste. Je crois qu'il avait eu la vision de ces body bags qui se redressent et il est parti de là...

Alice Matheson, crayonné © Phil VandaeleSans indiscrétion, pourquoi n’avoir au départ que postulé uniquement comme encreur et non comme dessinateur ?
Pour plusieurs raisons, d'abord c'est quelque chose que j'ai fait pour certains titres Semic comme je le disais avant et que c'est quelque chose que j'adore faire. Julien Hugonnard-Bert avait ouvert la porte en encrant les crayonnés de Stéphane Créty, alors je me suis dit que je pouvais peut-être proposer mes services d'encreur et j'ai contacté Jean-Luc Istin via son site internet et tout s'est enchaîné.
L'autre raison est que je ne suis pas un dessinateur très rapide et que faire un travail d'encrage ne nécessite pas tout le processus de création qui est avant la mise à l'encre.

Avant de t’attaquer à cette série, étais-tu amateur des histoires de morts qui marchent? Quelles étaient alors tes références en la matière ?
Franchement, je ne suis pas un gros lecteur de bande dessinée et je n'avais pas lu à l'époque ni walking dead, ni Zombies de Peru/Cholet. Depuis, j'ai rattrappé mon retard et j'aime beaucoup la série Zombies.

Alice Matheson, work in progress © Phil VandaelePeux-tu en quelques mots nous faire le pitch de la série ?
Alors... Alice Matheson qui donne son nom à la série est une infirmière au St Mary Hospital de Londres. Elle est une psychopathe, une tueuse en série qui tue froidement certains patients en phase terminale de cancer.
Sa double vie va être mise à mal alors qu'elle tue une patiente dans la tranquillité de la morgue de l'hôpital et que celle-ci se relève bien que son cœur ne batte plus. Cette « zombie » se rue alors sur Alice qui doit improviser pour se débarrasser d'elle et y parvient, seulement les body bags présents sur les tables de la morgue se relèvent...

Comment aborde-t-on le dessin d’un récit glissant du réalisme vers l’horreur et le fantastique ?
Ce n'était pas évident, en plus c'est mon premier album, je ne savais pas trop quelle direction exacte prendre au niveau dessin. Je navigue depuis toujours entre cette volonté de faire quelque chose cartoonesque et ce style semi-réaliste voir réaliste. J'ai trouvé un petit compromis sur Alice Matheson, en forçant le côté « exagéré » graphiquement lorsqu'il y a des Zombies. Il fallait que l'ensemble soit assez crédible car le récit se passe dans un hôpital et pour autant faire en sorte que tous ces murs ne soient pas trop aseptisés, clinique. Jean Bastide a eu quelques problèmes pour trouver ses marques à la couleur, lui qui était habitué à faire dans la Fantasy, là, l'univers se devait d'être plus « propre » que celui dont il était habitué.

Le résultat est en tous cas particulièrement convainquant…
Merci beaucoup. J'espère que les lecteurs penseront la même chose.

Du synopsis à la planche finalisée, quelles furent les différentes étapes de la réalisation de cet album ?
Jean-Luc m'envoie le scénario qui est déjà assez détaillé, il découpe par page et par cases, généralement je suis ce qu'il indique. Je lui propose ensuite un story-board plus ou moins détaillé qu'il valide ou change un peu. Lorsque tout est ok j'imprime à la taille de mes pages ce story-board et réalise un crayonné poussé sur ma table lumineuse. Je scanne mes crayonnés et bien souvent fait des retouches avec Photoshop en flippant les dessins pour voir les erreurs. Je mets aussi les points et lignes de fuites des perspectives avec Photoshop, cela m'évite d'avoir à faire des rajouts de feuilles sur les côtés de mes pages. C'est beaucoup plus simple comme ça...
Une fois le crayonné validé, je passe à l'encre. Une fois ceci fait, je scanne et corrige encore quelques petites choses et rajoute des effets comme les éclaboussures ou certaines lumières.
Enfin je mets mes bulles et textes et voilà la longue route vers une page de Alice Matheson terminée:)
Work in progress
Alice Matheson, work in progress © Phil Vandaele Alice Matheson, work in progress © Phil Vandaele Alice Matheson, work in progress © Phil Vandaele
Alice Matheson, work in progress © Phil Vandaele Alice Matheson, work in progress © Phil Vandaele Alice Matheson, work in progress © Phil Vandaele


Quelle(s) étape(s) préfères-tu?
Je préfère l'étape de l'encrage, c'est ce qui est le plus « naturel » pour moi mais mon encrage découle de mon dessin, quasiment tout est déjà posé dès les crayonnés, il me semble que j'ai besoin de me rassurer avant d'encrer, de savoir où va aller la page une fois finie surtout que mon style graphique est très « bichromique » je n'ai pas de nuances entre le noir ou le blanc, je ne fais pas de dégradés avec des traits dans tous les sens etc... ça me pose problème quelque fois d'ailleurs mais j'essaie de me tenir à cette ligne graphique.

Alice Matheson, crayonné © Phil VandaeleL’illustration de couverture s’est-elle d’emblée imposée ou a-t-il existé de nombreuses versions avant de parvenir à celle que l’on connait?
La couverture du tome 01 a été pensée par Jean-Luc Istin, c'est lui qui en a eu l'idée. Il y a eu d'autres versions, notamment une où Alice mettait un gant mais cela faisait trop « proctologue »... En tout cas il y avait toujours Alice au centre et les zombies gravitant autour.

Travailles-tu sur d’autres projets parallèlement à Alice Matheson ?
Pour l'instant non, on verra ce qu'il adviendra à la série, si elle a un succès je pense qu'une saison deux sera en chantier. Pour l'instant le tome 6 m'attend, nous verrons ce qu'il arrivera à Alice et aux autres personnages de la série, tout est encore possible niveau scénario suivant l'accueil des lecteurs.

Alice Matheson, encrage © Phil VandaeleTous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Je regarde plutôt des séries, et dernièrement j'ai adoré le spin off de Breaking Bad (qui est pour moi la série qui la mieux écrite et la plus addictive de ses dernières années) qui se nomme Better call Saul et qui suit les pérégrinations de l'avocat Saul Goodman de BB avant sa rencontre avec Walter White. Cette série est encore une fois un trésor d'écriture, filmée et interprétée merveilleusement bien. Un véritable régal. Penny Dreadful est également une série que j'ai énormément apprécié.

Niveau film, j'ai aimé Mommy de Xavier Dolan qui avec quelques moments de grâce nous amène vers des torrents d'émotions. J'ai beaucoup aimé Enemy et Prisoners de Denis Villeneuve et je conseille à tout le monde de jeter un œil à l'excellent Julia's eyes (los ojos de Julia).

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Oui, « Pourquoi ? » et j'aurai répondu « Parce que ...»

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…


Alice Matheson, crayonné  © Phil Vandaeleun personnage de BD:Jazz Maynard
un personnage mythologique:Ulysse
un personnage de roman:Hannibal Lecter
une chanson:Billie Jean
un instrument de musique:Une batterie
un jeu de société:Le monopoly
une découverte scientifique :L'ADN
une recette culinaire:Les grenouilles à la persillade
une pâtisserie:Un éclair au café
une ville:La prochaine que je visiterai
une qualité :Le perfectionnisme
un défaut:le perfectionnisme
un monument:Le Matchu Pitchu
une boisson:Un demi-pêche
un proverbe :« Quand le sage désigne la lune, l'idiot regarde la doigt . »

Un dernier mot pour la postérité ?
Gloubi-boulga

Le Korrigan



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