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Entretien avec RV Rigal
Interview accordée aux SdI en novembre 2015


Bonjour et merci de vous prêter au petit jeu de l‘interview…

Question préliminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ?

Pas du tout, ce serait même plutôt le contraire, mais j'estime que dans certains cas cela relève du respect mutuel et si chacun est d'accord il n'y a aucun souci.

Merci bien… Peux-tu te présenter en quelques mots? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)
J'ai 52 ans, j'ai fait des études de menuiserie et d'ébénisterie, j'ai ensuite travaillé dans le secteur privé pendant 15 ans puis j'ai intégré la fonction publique comme enseignant dans la technique.

Depuis 2007, je fais également partie de Blackrock Games et c'est depuis que le virus de la création m'a attrapé...

Shakespeare, partie en cours sur un prototypeEnfant, quel joueur étais-tu? N’as-tu jamais cessé de jouer ou un jeu en particulier t’as-t-il fait basculer dans le jeu de société « moderne » ?
Ce sont mes grands-parents, qui dès l'âge de 6 ans, m'ont donné cette envie de jouer, d'abord les dames et les échecs, les réussites, la belote, je crois que mon premier jeu "sérieux" auquel ils m'ont initié c'était "Rome et Carthage" édition 54, après, ado, avec les copains je n'ai plus trop de souvenirs des jeux auxquels nous jouions mais l'un de mes amis avait, chez lui, une petite pièce sous les combles remplie de JDS et nous y passions beaucoup de temps.

Plus tard mes enfants n'y ont pas échappé, et la maison s'est aussi garnie de jeux mais de la grande distribution, car je ne connaissais pas le milieu parallèle dans lequel je gravite désormais.

Comment es-tu passé de joueur passionné à créateur de jeu?
Comme je l'ai dit plus haut, c'est grâce à la création de Blackrock Editions en 2007 et découvrant enfin le monde du jeu, ses richesses, ses festivals qu'il m'a pris l'envie de créer à mon tour, étant déjà plutôt créatif, cela ne pouvait en être autrement et c'est plutôt addictif en plus...

Shakespeare, Othello © NeriacQuelles sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
D'abord, je dirais que ce n'est pas un métier pour moi, je ne suis pas obligé de créer pour vivre, heureusement car je serais mort de faim depuis longtemps...

Les grandes joies c'est la reconnaissance sous toutes ses formes, Prix, Editions, Sortie d'un jeu, mais avant tout c'est voir du plaisir dans les yeux des joueurs et ça c'est vraiment bon, après il y a aussi les rencontres quelles qu'elles soient, régulièrement retrouver les amis passionnés comme soi...

Pour les difficultés, vu que c'est une passion, s'il y en avait, j'arrêterai.... Sérieusement, la vie n'est pas un long fleuve tranquille, il faut du bon et du mauvais pour avancer, sinon on ne pourrait apprécier les choses à leur juste valeur.

Faire éditer ton premier jeu a-t-il relevé du parcours du combattant?
Pour tout dire pas vraiment, d'abord ma première création aboutie n'est toujours pas éditée, ensuite mon premier jeu édité date de 2010 chez Blackrock "Caméléon" petit jeu de cartes de rapidité et d'observation.

J'ai eu l'occasion, dans mon travail d'enseignant de participer à un projet avec une classe où nous avons créé un jeu sur un thème particulier lié au projet, puis nous l'avons auto-édité et produit à 250 exemplaires, c'est un jeu qui se rapproche un peu de 'L'âge de pierre" et des "Gueules noires" dans les mécaniques

Du coup Shakespeare est mon 3ème jeu édité d'une certaine manière... Pour lui, ce fût différent, Blackrock n'ayant pas l'expérience pour éditer ce style de jeu, je me suis dirigé vers Matagot qui lui-même m'a conseillé de le présenter à Ystari. C'était à Paris est ludique en 2012, Cyril Demaeg a été séduit...

Shakespeare, Le Roi Lear © NeriacShakespeare vient de paraître sur les étals. Le jeu, superbement édité par Ystari, propose aux joueurs d’incarner un jeune auteur qui va s’efforcer d’attirer l’attention de la reine sur lui en créant (en une semaine!) une pièce de théâtre mémorable… Comment est née l’idée du jeu et quelles en furent les grandes étapes de sa création?
Je vais commencer par dire que Shakespeare c'est comme la vie... tout est une affaire de rencontres et de choix...

En 2010, alors que je me trouvais, avec un copain aux rendez-vous des jeux de l'esprit, une animatrice nous demande : "Comment faites-vous pour créer un jeu ?" Copain répond : "D'abord, il nous faut un thème; Donne nous un thème !" Elle répond : " Le théâtre !" tout est parti de là...

Fin 2011, alors que j'avais presque oublié le projet après une vague idée de pose de cartes... Une collègue organise une visite avec des élèves au musée du costume de scène à Moulins (03) cette année-là, le thème en est "Molière", désigné comme accompagnant, cette journée fût riche en découvertes et idées de mise en place de ce qui donnera la V1 "Tous en scène"

Après, cogitation, fabrication, tests et tout ce qui va avec, retours, remise en question, modification... mais cela tout le monde connait. Le tournant c'est Paris est ludique et la rencontre avec Cyril d'Ystari, je lui présente le jeu, il me dit que le thème et certaines mécaniques lui plaisent bien mais je suis sur du théâtre contemporain et il me demande de le passer XVIIème siècle... recherches, modifications et je lui fais parvenir un proto de la V2 "Comédie" quelques semaines plus tard...

Shakespeare, partie en cours sur un prototypePlus rien jusqu'à Toulouse 2013 où je me fais connaitre de Thomas (l'autre moitié d'Ystari), qui me donne rendez-vous à Paris est ludique 2013 pour faire une partie et décider de la suite. C'est après ce rendez-vous que tout a réellement démarré. Ils me faisaient leurs retours, je cogitais, je modifiais, je testais, je renvoyais, etc... Comme cela pendant plus d'un an et un jour ils m'envoient un mail pour me dire que c'est ok pour eux et qu'ils veulent le sortir pour Essen...

J'ai donc continué de "l'améliorer" jusqu'à Cannes 2015 et après une discussion de près de 2 heures, Cyril m'a dit : "Maintenant, il faut que tu nous fasses confiance..."

5 mois plus tard la fabrication était lancée.

Shakespeare, un prototype très avancéSi Shakespeare est ton troisième jeu édité, tu as travaillé sur de nombreux protos, pour beaucoup aboutis. Lorsque tu travailles sur un jeu, la thématique est-elle toujours le point de départ?
Non, la plupart du temps je pars sur un sujet qui m'attire et je cherche la mécanique adéquate. Mais souvent cela ne me convient pas donc je laisse dormir et puis un jour j'ai une idée de mécanique et je réveille le sujet.
Le seul, de mémoire, qui soit parti d'une mécanique, c'est "KURIOSÏT" car j'ai d'abord fait tourner les premiers protos avec la mécanique de base, puis j'ai rajouté le thème avec des règles supplémentaires liées aux éléments du jeu.

Quelles furent les principales améliorations apportées à Shakespeare depuis Paris est Ludique 2013 ?
Je ne me souviens pas exactement du moment pour chacune…

En premier, je dirais que les répétitions se faisaient sur le plateau central, avant, chaque joueur avait sa propre piste de répétition sur son plateau, le placement des décors, qui étaient divisés en plusieurs lots de chaque couleur (un bonus n'était déclenché que si un lot était terminé), les costumes étaient placés sur le plateau individuel et devaient être obligatoirement de 3 couleurs différentes (un bonus n'était déclenché que si un costume était terminé), de plus les bonus n'agissaient que sur l'ambiance à soi ou celle des autres, d'ailleurs cette ambiance fluctuait énormément et agissait seulement au moment où un acteur répétait (ce qui ne plaisait pas trop à Ystari).

Les objectifs n'existaient pas sous forme de cartes, mais une autre piste et d'autres personnages pouvaient s'y assimiler.

Au final, en 2 ans de nombreux points ont évolué, disparu ou apparu, il serait trop rébarbatif de les détailler....

Shakespeare, Béatrice © NeriacNeriac, Arnaud Demaegd et Ystari ont fait un formidable travail d’illustration et d’édition. Sans parler des illustrations, comment a évolué le matériel entre le dernier proto date et la version éditée?
Si on parle de mon dernier proto personnel, je préfère ne pas le montrer, leur travail est magnifique, sans fausse note, celui-ci met vraiment le thème en valeur et fait rêver les joueurs. De plus connaissant assez bien les jeux Ystari, ils sont sortis de leurs habitudes pour en faire un jeu vraiment différent des autres jeux historiques, ce n'est pas un hasard mais une volonté...

Dans quel état d’esprit étais-tu lorsque le jeu est paru sur les étals?
Avant la sortie j'étais excité, comme quand j'étais gamin à l'approche de Noël, une fois les premières boites sur les rayons, j'ai eu du mal à croire que j'avais réussi cela, que c'était Mon jeu. Après, on se laisse aussi absorbé par le système, des avis, des votes, des sujets qui fleurissent sur le net, savoir si les gens aiment y jouer... c'est dur d'y faire abstraction, après pourquoi ne pas se faire plaisir à lire des choses positives, il n'y a pas de mal à se faire du bien. Ce n'est pas pour cela que je ne lis pas les critiques négatives, on ne peut pas plaire à tout le monde, mais certaines me déçoivent par le fait que les joueurs se sont fait leur avis sur une seule partie et l'assume, je trouve cela dommage mais on ne peut pas obliger les gens à faire un loisir qui ne leur plait pas non plus... Je respecte.

Après j'ai la chance que Shakespeare soit plutôt très bien accueilli et sans buzz à outrance, donc cela fait très plaisir.

Shakespeare, Cléopâtre © NeriacQuels projets non classifiés secret défense as-tu sur le grill en ce moment?
Rien de secret, certains sont aboutis et en test chez des éditeurs (Kuriosït, Prohibition, Langskip) d'autres dorment encore, la liste est longue des projets que j'aimerais avancer mais je manque de temps en ce moment et pas trop la tête à cela aussi, et ce n'est pas à cause de Shakespeare.

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur?
En jeux, le dernier c'est Porta Nigra, je l'avais repéré et c'est le seul que j'ai pu tester à Essen... Adopté.

Je lis pas mal, mais difficile de ressortir un ouvrage, j'aime beaucoup les romans d'aventure, de style histoires de Templiers. Je viens de commencer la série de Paul Christopher "La légende des templiers". Pour les BD, je prends régulièrement des ouvrages à la bibliothèque, je suis plutôt fantastique historique, mais rien qui ne m'ai transcendé.

Je ne suis pas l'actualité musicale, je suis plutôt nostalgique de mes jeunes années... plutôt hard, je dois avouer Led Zeppelin et AC/DC de Bon Scott.

Pour le cinéma, nous avons vu "Seul sur Mars" plutôt bien, mais nous sommes surtout séries...

Walking dead, Pinky Blinders, Game of thrones bien sûr et une particulière Borgen sur la vie politique danoise.

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Je m'en pose assez moi même, pour ne pas le faire pour les autres...

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…
Si tu étais…


Shakespeare, Iago © Neriacun personnage de BD: Gaston Lagaffe
un personnage mythologique: Wolverine
un personnage de roman: Indiana Jones
une chanson: Starway to Heaven
un instrument de musique: Guitare
un jeu de société: Torres
un mécanisme de jeu de société : Pose d'ouvriers
une découverte scientifique : Le vaccin contre la connerie...
une recette culinaire: Un tajin de mouton
une pâtisserie : Un crumble cerise et pistache
une ville: elle n'existe pas...
une qualité : La gentillesse
un défaut: Ne pas savoir déléguer
un monument: Le colosse de Rhodes
une boisson: Un Gevrey Chambertin
un proverbe : Il vaut mieux prévenir que guérir


Un dernier mot pour la postérité ?
Advienne que pourra...

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé! Et pour Shakespeare, aussi et surtout!
C'est moi qui te remercie pour ton investissement.
Le Korrigan