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Entretien avec Lorène Barioz
interview accordée aux SdI en avril 2016


Bonjour et tout d’abord merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien.
Avec plaisir.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, une petite question liminaire : êtes-vous farouchement opposée au tutoiement ?
Je ne suis pas farouche, allons-y pour le tutoiement !

Merci bien… Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)
Après un Bac scientifique à Lyon en 2008, j’ai intégré pendant 4 longues années l’école de dessin Emile Cohl. J’y ai appris les bases en dessin d’animation, et j’ai perfectionné mon niveau en dessin traditionnel comme numérique. Une fois le diplôme en poche, je suis parti en Floride pendant un an, dans les parcs à Disney World pour y faire des portraits et caricatures. Je me suis beaucoup amusée et j’ai bien voyagée, mais une chose m’a particulièrement manqué cette année-là : ma tablette graphique et mon équipement informatique ! Quelle ne fut ma joie à mon retour, que de retrouver ce confort de travail. J’ai ainsi énormément progressé l’année qui suivit, en poussant toujours un peu plus loin mes compétences en digital, et ainsi voir jusqu’où je pourrai aller.

Candy Chaser, t'en veux? © Lorène BariozEn parallèle, j’ai effectué mes premiers contrats Freelance fin 2013/début 2014, pour des enseignes comme Tropico et Ricard (pour la France), puis FZ media, Metal Monkey et Maya digital Studio (Chine et Inde). Je travaillais aussi bien pour du design de mascotte que du travail de pré-production pour de la série animée télévisée.

Mon âge actuel ? 25 ans. Bientôt 26. Que le temps passe vite !
Des qualités ? Je dirais l’endurance, l’acharnement au travail, la volonté d’aller toujours plus loin.
Ma carte bleue est bien là où elle est, et je ne suis jamais allée aux Iles Caïmans ! smiley

Tant pis pour la carte, j’aurais essayé smiley
Comment est née ta passion du dessin?

Je dessine depuis l’âge de 4 ans, en commençant pas des dinosaures et des créatures à 4 pattes.

J’ai toujours été fascinée par les reptiles et les monstres à dents et à griffes. Donc j’en dessinais énormément. Aimant observer tout ce qui m’entourait, j’ai absorbé mon environnement proche comme une éponge, et je le restituais de façon instinctive sur les centaines de feuilles blanches de l’époque.

J’ai aussi été bercée aux Disney, ce qui a bien sûr aidé.

Candy Chaser, étude de couverture © Lorène BariozChaque expression, chaque mimique, chaque mouvement, je le mimais physiquement afin de mieux le répéter sur mes dessins. Avant Emile Cohl, je n’ai pour ainsi dire presque jamais dessiné d’après nature, tout était de mémoire. J’avais la pratique, mais pas la théorie. Et c’est la théorie qui a permis de compléter ce qui manquait à mon dessin : de la construction et toujours plus de rigueur.

Autre élément important de mon enfance : la bande dessinée. J’ai commencé avec les Boule et Bill et les Sylvain et Sylvette. Vers 12-13 ans, j’ai découvert de nouvelles séries jeunesse comme Le collège Invisible et Monster Allergy qui m’ont largement influencée et qui m’ont donné envie de créer des histoires.

Candy Chaser, recherche sucrées © Lorène BariozDevenir illustratrice, était­ce un rêve de gosse? Commencer à en vivre a-t­il relevé du parcours du combattant?
Un rêve de gosse ? Oui en quelque sorte. Au collège, personne n’y croyait vraiment. On me disait souvent « tu veux faire dessinatrice plus tard ? » Et je leur répondais que ce n’étais pas un métier.
Mais j’espérais au fond de moi que ça pourrait être possible un jour. Et pour assouvir ma soif irrépressible de dessin, je pratiquais tous les jours pendant des années, devant la telé, sur l’ordi à la souris, sur les carnets de brouillons… L’avenir restait un flou nébuleux, mais j’ai continué à nourrir cet espoir à travers le crayon et les personnages imaginaires que je créais à l’époque. Je souhaitais les voir prendre vie dans une Bande dessinée, un jour.

Et puis après on grandit, on fait des choix. J’ai eu la chance de poursuivre dans le dessin, chose qui n’a pas été de tout repos au début. A l’école, personne ne nous a appris à nous vendre ni à faire de la prospection de façon efficace. Il a fallu se former à tout ça, de façon autodidacte.

Quand on démarre avec peu de visibilité et pas d’expérience professionnelle significative, un book de qualité ne suffit pas toujours. Il faut jouer des coudes et avoir de la chance…parfois.

C’est en allant démarcher de visu des boites d’animation chinoises et indiennes au festival d’animation d’Annecy que j’ai pu décrocher des contrats avec eux. Au culot, avec mon anglais de Floride. Et ça a payé !
De nos jours, je me déplace beaucoup en salon, ce qui me permet d’avoir la visibilité qu’il me manquait à l’époque. Je rencontre beaucoup de gens, et les propositions de mission ne manquent pas. Le plus dur, c’est de les choisir !

Candy Chaser, étude du cas ramel © Lorène BariozEs-tu toi même joueuse?
Joueuse de jeu de societé ? De plus en plus ! Surtout depuis que j’en ai illustré un.

Quand j’étais petite, je jouais beaucoup au Monopoly, La bonne paye, les petits chevaux, le Uno, le Mille borne, Puissance 4, aux dames et aux échecs.

Puis je suis passé aux jeux sur Playstation et sur GameBoy (avec notamment Spyro, Rayman et Pokémon), et enfin aux Mmorpg (Dofus , qui fut une bonne influence graphique). Avec tout ça je m’étais éloigné du jeu de société. Tendance qui s’inverse progressivement. C’est agréable de jouer avec des « vrais gens », on rigole bien smiley.

Quelles sont tes dernières découvertes ludiques?
En allant dédicacer au festival international des jeux de Cannes, je suis revenu avec des valises pleines de jolies choses, comme les mini jeux de societé «Wa Cha bi », « Aramini Circus », « Welcome to the Dungeon », mais aussi des jeux un peu plus gros comme « Pingo Pingo », « Niet ! » et « For sale ».

Candy Chaser, recherche de personnage © Lorène BariozQuelles sont selon toi les grandes joies et les grandes difficultés du métier?
Nous allons commencer par le plus compliqué : se faire un réseau, un carnet d’adresse, décrocher les premières missions. Et comme nous ne vivons pas dans un pays dirigé par des éleveurs de licornes, il faut parfois faire face à des clients peu scrupuleux, qui ne respectent pas toujours les règles du jeu, et avec qui il faut parfois se battre pour récupérer son dû et ses droits. C’est très chronophage et énergivore. Face à de tels clients, nous passons souvent plus de temps à rédiger des mails plutôt que de dessiner. Avec le temps, on arrive à se blinder et à faire des conditions générales de ventes en béton armé pour se prémunir de ce genre d’individu, mais nous ne sommes jamais à l’abri. Les freelances qui débutent en font souvent les frais, par ignorance et naïveté.

Candy Chaser, Axel © Lorène BariozMais alors, quel intérêt à faire un tel métier ?

Et bien déjà parce que c’est du dessin ! Et c’est cool ! smiley
Même si nous ne passons pas toutes nos journées à dessiner, ça reste une activité plaisante (quand on aime ça, bien sûr), où la marge de progression est grande, où on a toujours un truc à apprendre. Aussi, c’est une activité non cloisonnée, nous pouvons aussi bien travailler pour du jeu vidéo, du jeu de société, du dessin animé, de l’illustration de couverture de livre, et j’en passe.
Plus les années passent, et plus notre réseau de professionnels et d’amis artistes s’agrandit, et on se nourrit les uns des autres. Je pense qu’un des points forts de ce métier, ce sont les rencontres. Que ce soit sur la toile ou en déplacement en salon, on ne sait jamais sur qui on va tomber. C’est plutôt fun !

Comment t’es-tu retrouvée à travailler sur Candy Chaser, délicieux petit jeu de guessing simple et astucieux signé par Masao Suganuma (l’auteur de Minivilles!) et superbement illustré par tes soins?
Un peu par hasard !
Le chef de projet sur Candy Chaser, édité chez Iello, m’a contacté l’année dernière pour voir si le projet m’intéressait. Ils avaient besoin d’un remplacement d’illustrateur.

Candy Chaser, recherche © Lorène BariozIls avaient trouvé mon travail sur tumblr, avec ma série d’illustrations « Animal Style », qui leur avait bien plu. Ils ont donc voulu faire un test avec moi.
La deadline était compatible avec mon timing de l’époque, et le projet me branchait bien ! Illustrer des dealeurs de bonbons, quel programme alléchant !

Le test s’étant avéré positif, j’ai continué le projet jusqu’au bout. Et aujourd’hui je suis très fière du résultat, c’est très gratifiant d’avoir son travail mis en valeur de cette façon.

Et le fait est que c’est beau et coloré! smiley
Comment t’es-tu attaqué aux dessins des dealers de bonbecs? Quel était dans les grandes lignes le cahier des charges? Avais-tu vu les illustrations design et épurées de l’édition japonaise?

Iello souhaitait changer de direction artistique par rapport aux designs originaux de l’édition Japonaise. Nous visions du rond, du cute, du coloré, du design intemporel (on ne peut pas vraiment déterminer l’âge des personnages). A l’époque, j’avais sur ma page facebook « Dragibuz » un avatar qui correspondait un peu à l’esprit recherché. On est d’ailleurs parti de cela.
Pour compléter l’affaire, nous nous sommes basés sur les characters design du film « Wreck it Ralph » (Les mondes de Ralph en français), de Disney.
J’ai alors proposé des nouveaux designs à ma sauce, en gardant tout cela à l’esprit.

Candy Chaser, recherche © Lorène BariozComment s’est fait le choix des bonbons? Souvenirs d’enfance style madeleine de Proust? Figures imposées?
Aucune figure imposée. Comme pour les personnages, j’ai d’abord fait des recherches, j’ai cumulé la documentation. Et ensuite j’ai fait des propositions d’une 20aine de designs.

Ayant vécu un an aux états unis (Floride), il y a eu quelques friandises locales qui m’ont inspirés, comme les « candles » d’halloween, qu’on ne trouve pas vraiment en France. On les retrouve d’ailleurs en boucles d’oreilles sur l’un des personnages finaux. (Exemple).

On a fini par choisir des figures connues et très différentes dans le design, pour une meilleure identification (une sucette ronde, une canne à sucre, un berlingot…)

Pour ce qui est du crocodile, IELLO m’a suggéré de le transformer en « Gigasaure », qui est une de leurs figures emblématiques du jeu King of New York, histoire de faire un rappel sympathique.

C’est devenu un des bonbons préférés des joueurs. smiley

Candy Chaser, recherche © Lorène BariozAvec quel(s) outil(s) as-tu travaillé sur Candy Chaser?
Exclusivement Photoshop !
Avec l’aide de la tablette graphique Intuos 4. Aucune recherche en tradi pour cette mission.

As-tu d’autres projets (ludiques ou non) sur les rails?
Etant très occupée sur le plan personnel ces temps-ci, je n’ai pas accepté de nouveaux projets ludiques pour ce premier semestre. Mais ça reviendra… smiley

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Le manga Ajin, excellemment bien dessiné par Gamon Sakurai.
La BD RUST avec au scénario Blengino Luca, et dessinée par l’illustre Nesskain (que je suis régulièrement dans ses streams <3).
Zootopia , le dernier film des studios Disney ainsi que The boy and the Beast de Mamoru Hosoda et Avril et le Monde truqué (par Franch Ekinci et Christian Desmares), qui est un film français !!

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
J’aime les cuisses de grenouilles !

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imaginaire…

Si tu étais…

Candy Chaser, Cindy © Lorène Barioz
un personnage de BD: Nävis (Sillage)
un personnage de roman: Sherlock Holmes
un personnage mythologique : Sobek (mythologie Egyptienne)
un personnage de cinéma: Indiana Jones
une chanson: In too deep – Sum 41
un instrument de musique: la batterie
un jeu de société: Monopoly
une découverte scientifique : La loi de Kepler
une recette culinaire: le poulet au curry
une pâtisserie: la tarte au praline
une boisson: diabolo fraise
une ville: Lyon
une qualité : l’endurance
un défaut: Perfectionnisme
un monument: Musée d’Orsay
un proverbe : Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.


Un grand merci pour le temps que tu nous a accordé !
Le Korrigan