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Entretien avec Leonard Chemineau
Interview accordé aux SdI en mars 2019


Bonjour et tout d’abord merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, une petite question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ?

Dans l'absolu, partons du principe que non.

Merci à toi…
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou aux Îles Caïmans?)

J'ai 36 ans, et suis ingénieur de formation, spécialiste en environnement et éco-conception. Je fais de la BD à plein temps depuis 6 ans maintenant, avec 5 albums à mon actif.

Enfant, quel lecteur étais-tu? Quels étaient alors tes auteurs de chevet et quels sont-ils aujourd’hui?
J'ai toujours lu, beaucoup de Bds, et un peu de romans. Enfant, je lisais Spirou, tout Franquin, Corto Maltese, Calvin & Hobbes. Maintenant je lis franchement de tout, et un peu plus de romans.

les planches originales d'Edmond © Léonard ChemineauDevenir auteur de BD, étais-ce un rêve de gosse? Un auteur en particulier a-t-il fait naître ta vocation?
Oui cela a toujours été un rêve. Si je devais citer 3 auteurs qui m'ont vraiment incité à dessiner il y a eu Toppi, Giraud et Franquin.

Devenir dessinateur de BD a-t-il relevé du parcours du combattant?
Oui. Et cela l'est toujours, même si c'est un peu plus facile maintenant. Et encore, je pense avoir eu de la chance car mon premier album (Les amis de Pancho Villa) a été signé chez un gros éditeur (Casterman), et a plutôt bien marché.

Quelles sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
Les grandes joies sont la liberté totale et la possibilité d'exprimer ses idées par le dessin. Et les plus grandes difficultés sont les conséquences directes des prises de risques, et l'instabilité financière.

Comment as-tu rencontré Matz avec qui tu as travaillé sur l’édifiante biographie de Julio Popper ou sur le magnifique Travailleur de la nuit?
Matz était le directeur de la collection Rivages/Noir chez Casterman, où j'ai fait mon premier album « Les amis de Pancho Villa ». Je le connaissais donc depuis le début, et nous avons discuté assez longuement avant de démarrer Popper chez Rue de Sèvres (maison d'édition qui a aussi été créée à ce moment là).

recherches © Lénoard ChemineauComment est née l’idée d’adapter en BD la pièce de théâtre jubilatoire d’Alexis Michalik? Que savais-tu de la pièce de Rostand avant de te lancer dans l’aventure?
C'est Rue de Sèvres, mon éditeur, qui m'a proposé le projet. Et j'ai sauté sur l'occasion, car je voyais là une occasion de pouvoir me lâcher sur le côté burlesque de mon dessin, que j'avais plutôt refréné jusqu'à maintenant.

Et très honnêtement, je ne connaissais absolument rien à Rostand et n'avais jamais vu Cyrano auparavant. Probablement en raison du fait que je ne l'avais jamais étudié à l'école, que je n'allais jamais au théâtre, et que ce n'était tout simplement pas le genre d'histoire qui m'intéressait. Grave erreur ! Car elle est très puissante et belle, et fondatrice de multiples autres histoires, comme un mythe.

A-t-il été aisé de sortir de ta zone de confort avec un dessin plus lâché qu’à l’accoutumé?
Oui car c'est un dessin qui me vient plutôt naturellement.

Concrètement, comment s’attaque-t-on à un tel récit? A partir de quelle matière as-tu travaillé?
Concrètement, il faut arriver à déterminer ce qui fait que l'histoire est ce qu'elle est (fils narratifs, ambiances, dialogues, etc.), et le retranscrire avec les codes de la bande-dessinée. Cela veut dire passer beaucoup de temps sur l'adaptation à couper, condenser, déplacer, et ensuite travailler au maximum le story-board pour que l'histoire soit parfaitement lisible, et fluide.
case de l'album © Rue de Sèvres / Léonard Chemineau
Comment as-tu travaillé l’apparence de tes personnages? Chacun a-t-il d’emblée trouvé son apparence ou certains sont-ils passés par différents stades avant de revêtir celle qu’on leur connaît?
Certains sont issus des références historiques que j'avais, et je les ai juste rendus légèrement plus caricaturaux et expressifs, et d'autres sont totalement inventés. Jeanne et Rosemonde par exemple ne ressemblent pas du tout à leur modèle historique, il me fallait une blonde et une brune, pour bien les distinguer.

les planches originales d'Edmond © Léonard ChemineauQuel personnage as-tu pris le plus de plaisir à mettre en scène?
C'est Coquelin. Car il est truculent, il a de la gouaille, et il est plutôt facile à mettre en scène car il est massif. J'ai souvent fait graviter les autres personnages autour de lui.

Du synopsis à la planche finalisée, quelles ont été les différentes étapes de ton travail sur l’album?
Après le synopsis, je réalise un story-board détaillé que je travaille et retravaille beaucoup, et ensuite je passe aux planches finales, en couleurs directes (aquarelle + graphite).

Serait-il possible, pour une planche donnée, de visualiser ces différentes étapes ?
Pas vraiment, car les étapes précédentes sont 'noyées' sous les suivantes. Une fois que la couleur directe est faite, il ne reste plus rien du trait initial.

les planches originales d'Edmond © Léonard ChemineauQuelle étape te procure le plus de plaisir? C'est l'aquarelle, car il faut à la fois maintenir un certain rythme pour éviter que le papier ne sèche, et en même temps créer les effets d'ombres/lumières/ambiance désirés.

Avais-tu vu la pièce avant de te lancer où as-tu travaillé uniquement à partir du texte de la pièce?
Oui j'ai vu la pièce bien sûr, au Théâtre du Palais-Royal à Paris.

couverture, work in progress © Lénoard ChemineauAs-tu rencontré Alexis Michalik, auteur et metteur en scène de cette pièce jubilatoire?
Oui je l'ai rencontré bien entendu, et nous avons travaillé ensemble au tout début du projet, pour passer en revue toute la pièce et échanger nos idées et commentaires. Ensuite, je lui envoyais régulièrement des planches du story-board et il me faisait des retours.

Dans quelle ambiance sonore travailles-tu généralement lorsque tu écris? Radio? Silence monacal? musique de circonstance?
Tout dépend de l'étape de travail. Lorsque je travaille sur le story-board, j'écoute de la musique pour rester concentré sur l'histoire que je raconte, et lorsque je dessine ou je peins, j'écoute beaucoup laradio, et pas mal de podcasts.

couverture, work in progress © Lénoard ChemineauPeux-tu en quelques mots nous parler de tes projets présents et à venir?
Actuellement je suis en train de travailler sur un gros projet chez Dargaud, avec Wilfrid Lupano au scénario. Il sera question d'une mule pourrie et de livres, en l'an mille dans l'Espagne musulmane.

Tous médias confondus, quels sont tes derniers coups de cœur ?
Je lis pas mal de livres ces temps-ci, et je suis un grand fan de tout ce que les éditions Gallmeister produisent. En particulier le dernier que j'ai lu, « La rivière de sang » de Jim Tenuto.

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle tu souhaiterais néanmoins répondre ?
Ben non on est bien là. Ce doit être l'interview la plus complète jamais réalisée dans toute l'histoire de la BD smiley

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imagi-naire…

Si tu étais…

couverture, work in progress © Lénoard Chemineauun personnage de BD: Corto maltese
un personnage mythologique: Ulysse
un personnage de roman: Tom Sawyer
une chanson: Les braves gens de Brassens
un instrument de musique: Une guitare
un jeu de société: Les échecs
une découverte scientifique : La théorie de l'évolution de Darwin
une recette culinaire: Les pâtes aux morilles
une pâtisserie: Le Paris-Brest
une ville: Vouvray
une qualité : plein
un défaut: aucun
un monument: le lion de Denfert-Rochereau
une boisson: le ti-punch
un proverbe : Un linceul n'a pas de poches. (de JP Mocky je crois bien)

Un dernier mot pour la postérité ?
Merde à celui qui lira.

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
Portrait d'artiste au travail
Le Korrigan