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Entretien avec Steve Baker
interview accordée aux SdI en mars 2020


Bonjour et tout d’abord merci de vous prêter au petit jeu de l’entretien.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, une petite question liminaire : êtes-vous farouchement opposé au tutoiement ?

Oui.

Damned, je me ferai donc violence smiley… Damned, je milite tant pour la non violence que ce sera sans doute plus fort que moi…
Peux-tu nous parler de toi en quelques mots ? (parcours, études, âge et qualités, passions, numéro de carte bleue ou de comptes numérotés en Suisse ou Panama ?)

Je suis un auteur normand (Rouen), j'ai été faire mes études en Belgique dans le très chouette institut St Luc à Bruxelles où j'ai obtenu un graduat ne arts, spécialisation Bande dessinée.

Bots, illustration © Steve BakerEnfant, quel lecteur étais-tu? Quels étaient alors tes auteurs de chevet et quels sont-ils aujourd’hui ?
Grand lecteur depuis toujours, je piochais les romans et les bd que je trouvais à la bibliothèque. Je suis passé à coté de plein d’incontournables, nous n'étions pas de grands lecteurs à la maison. Je m'achetais Pif Gadget dès que c'était possible et je ne boudais pas la lecture des comics de kiosque non plus.

Aujourd'hui encore je lis de tout, en assez grande quantité, sans distinction. Indés, mainstreams, comics, mangas, romans graphiques, séries franco belges....

Si je devais sortir deux auteurs de tout ça, ce serait Bill Watterson et Mike Mignola. Leurs dessins m'ont subjugué et me fascinent toujours.

Devenir auteur de BD, étais-ce un rêve de gosse ?
Avant d'être auteur j'étais un lecteur et j'ai toujours voulu faire de la bande dessinée. Une lecture en particulier a déclenché ça : La série Léonard de Turk et De Groot. Tout y 'était parfait. C'était drôle, extrêmement bien dessiné et on pouvait relire les pages qui fourmillaient de détails à relire.

Bots, illustration © Steve BakerCela a-t-il relevé du parcours du combattant ?
En sortant de l'école j'ai vendu des glaces pendant un moment dans un cinéma parisien et puis j'ai présenté mes projets. On m'a retenu pour illustrer un album aux cotés de Pascal Jousselin (Voltige & ratatouille à l'époque, il réalise la série Imbattable aujourd'hui) ça m'a permis de mettre le pied à l'étrier.

Et puis comme par la suite je ne trouvais pas scénariste, j'ai commencé à écrire mes propres histoires, des gags et c'est comme ça qu'est née la série La vie en slip, d'abord publiée par Pif Gadget qui m'avait fait confiance et puis reprise par Spirou. C'était dur au début et puis j'ai fait aussi des boulots d'illustrations, de communication, des ateliers, c'est d'avoir plus d'une corde à son arc et de multiples projets qui permet d'en vivre.

Quelles sont les grandes joies et les grandes difficultés du métier ?
Les grandes joies sont de voir ses albums publiés, lus, avec des retours positifs. Savoir qu'on a apporté aux lecteurs. Vivre du dessin c'est vraiment chouette. Et puis avec le temps les éditeurs vous font de plus en plus confiance (si vous vendez un peu).

Les difficultés sont nombreuses. Pas de chômage, pas de considération, que ce soit en festivals, vis à vis des éditeurs qui veulent toujours payer de moins en moins, ou même au niveau gouvernemental, les auteurs commencent à se regrouper et à se mobiliser pour que les choses changent. Nous ne voulons plus être les seuls à venir gracieusement en salon pour dédicacer (alors qu'il y a même du budget pour les plantes vertes), nous voulons cotiser justement pour nos droits sociaux et être pris en compte. L'industrie de la bd génère une fortune incroyable compte tenu de la petite population de créateurs qui en est à la base et étonnamment la répartition autour du livre est unilatérale, le ruissellement est inexistant (tiens ça me rappelle quelque chose sur la répartition...). Être auteur/illustrateur est un métier et il doit être reconnu.
Bots, recherche d'ambiance © Steve Baker
Comment vous êtes-vous rencontré avec Aurélien Ducoudray et comment est née Bots, série SF iconoclaste, jubilatoire et rafraîchissante ?
Aurélien avait découvert mon travail via Inoxydable, mon album chez Casterman. J'ai fait des tests pour KIDZ mais ça ne fonctionnait que moyennement. Il a réouvert Inoxydable et s'est rendu compte que ce qu'il aimait par-dessus tout c'était mes robots : il allait donc m'écrire un road bot movie sur mesure !

Bots, recherche de personnages © Steve BakerQu’est-ce qui t’a séduit dans son scénario ?
Dès le début j'y retrouvais mon œil de lecteur. Des persos très humains à animer, une dimension sociale et puis du suspens et de l'aventure. A la fin de chaque épisode je voulais savoir ce qui allait se passer ensuite. Les chapitres sont une chouette idée pour ça. On peut passer d'un moment à un autre, d'endroits à d'autres, on peut balader le lecteur, lui amener par touches des éléments de récits, d'univers et puis multiplier les exercices de narration ou graphiques pour le faire.

Comment as-tu créé l’apparence des deux robots ? Sont-ils passé par différents stades avant de revêtir l’apparence qu’on leur connaît ?
J'en ai dessiné des centaines et puis ils sont apparus petit à petit. Ils devaient être fonctionnels et puis animables. J'ai gardé le coté boite de conserves rustiques volontairement, ça nous plaisait. Et puis de toutes façons j'allais avec mon dessin tordre l'acier pour leur donner expressions et vie.

On voit leur évolution au fil des presque 300 pages de la série, au début c'est plus timide, je fais connaissance et puis au fur et à mesure ils prennent vie et forme de plus en plus. Ils vont me manquer.

Bots, recherche de personnages © Steve BakerQuel personnage as-tu pris le plus de plaisir à mettre en scène ? Lequel t’a donné le plus de fil à retordre ?
Le plus joussif c'est Warhol, parce qu'il est très imposant mais délicat quand il le faut. Il est inébranlable et puis très puissant. Le plus gratifiant et touchant, je trouve que c'est Rip-r, tout en nuance il est vraiment touché par tout ce qui l'entoure il subit beaucoup mais prends aussi les choses en main de manière admirable, je crois que c'est finalement celui que je préfère.

Du Scénario d’Aurélien à la planche finalisée, comment s’est organisée votre travail sur la série ? Avec quels outils avez-vous travaillé ?
Il m'envoyait une chapitre dialogué. Je découpais tout (souvent mon board est un crayonné, je ne montre rien si je ne suis pas sûr de moi) et puis je lui soumettais. Il me faisait son retour (qui est quasiment tout le temps enthousiaste et positif) en discutant des détails et ensuite je finalisais la séquence. On en profitait souvent pour faire un point sur la suite.

Je travaille en tout numérique. Ça m'a permis de multiplier les techniques et différents rendus pour varier les narrations. Je me suis bien amusé.
Work in Progress
Bots, scénario de la planche 34 © Steve Baker / Aurélien Ducoudray Bots, rough de la planche 34 © Steve Baker / Aurélien Ducoudray
Bots, planche 34, Work in Progress © Steve Baker / Aurélien Ducoudray Bots, planche 34, encrage © Steve Baker / Aurélien Ducoudray
Bots, mise en couleur de la planche 34, WIP © Steve Baker / Aurélien Ducoudray Bots, mise en couleur de la planche 34, WIP © Steve Baker / Aurélien Ducoudray Bots, planche 34, version finale © Steve Baker / Aurélien Ducoudray

Quelle étape de la réalisation d’un album vous procure le plus de plaisir ?
Toutes. Au storyboard l'histoire nait, on place le squelette qui s'affine avec le crayonné (c'est le plus gros du boulot) A l'encrage on confirme les choses et puis à la couleur apparaît une nouvelle lecture de la page qui met en valeur et affirme une direction pour diriger visibilité et ambiance. J'aime bien monter les choses petit à petit même si ça a un côté fastidieux.

Steve Baker, atelier d'artisteDans quel environnement sonore travailles-tu généralement ? Silence monacal ? radio ? musique de circonstance ?
Si je dessine et encre ou colorie, je peux écouter de tout et quasiment en continu (musique, radio). Jamais en rapport avec ce sur quoi je travaille spécifiquement. Par contre quand je dois écrire (ça m'est arrivé pour d'autres albums) c'est dans le silence sinon je n’y arrive pas .

Peux-tu en quelques mots nous parler de l’après Bots et de tes projets présents et à venir ?
Je viens de signer une série jeunesse avec Théa Rojzman au scénario, je reviens à mes premiers amours, dans la lignée de la vie en slip, ça va s'appeler Billie Bang Bang ! Les histoires d'une petite fille turbulente qui a un animal de compagnie décoiffant.

Et puis je planche sur un nouveau projet avec Aurélien, de la SF, dans l'espace, avec comme dans tous les projets d'Aurélien une forte dimension sociale. Et puis de l'aventure et du suspens comme dans BOTS. On reprend d'ailleurs la chouette idée des chapitres. Ça va être chouette.
Pour ces deux projets je reviens au dessin traditionnel : encre et aquarelle avec de la couleur numérique.
Bots, recherche d'ambiance © Steve Baker
Tous médias confondus, quels sont tess derniers coups de cœur ?
Hollow Knight (Team Cherry)– Kingdom (Jon Mc Naught) – Les sauroctones (Erwann Surcouf) – Through a life (Tom Haugomat) – L'océan au bout du chemin (Neil Gaiman) – Les frères Sisters (Patrick DeWitt) – Parasite (Bong Joon-Ho) – Chernobyl (HBO) – Je n'ai pas encore vu Jojo Rabbit ! - Je pense que j'oublie plein de trucs...

Y a-t-il une question que je n’ai pas posée et à laquelle vous souhaiteriez néanmoins répondre ?
Non.

Pour finir et afin de mieux te connaître, un petit portrait chinois à la sauce imagi-naire…

Si vous étiez…


Bots, personnages © Steve Baker
un personnage de BD: John Constantine ? (mouhahaha)
un personnage mythologique: Ulysse (dans mes rêves).
un personnage de roman: Tiphaine Patraque.
un robot: Le géant de fer !
une chanson: Line of Fire - Junip
un instrument de musique: un theremine (non en fait j'en sais rien... Clarinette?)
un jeu de société: les Loups Garous de Thiercelleux ?
une découverte scientifique: L'éléctricité.
une recette culinaire: La pizza.
une pâtisserie: Le kouign aman.
une ville: Rouen.
une qualité : Loyal.
un défaut: Têtu.
un monument: ...
une boisson: La bière belge.
un proverbe : une citation plutôt, découvert il y a peu : « De tous les animaux de la création, l'homme est le seul qui boit sans soif, qui mange sans avoir faim, et qui parle sans avoir quelque chose à dire. John Steinbeck. »


Un dernier mot pour la postérité ?
Non c'est déjà beaucoup là.

Un grand merci pour le temps que tu nous as accordé !
Merci à vous !
Le Korrigan